Le démarrage canon de Young Justice indiquait les ambitions de Brian Michael Bendis pour son nouveau label chez DC, "Wonder Comics" : une prime à l'aventure, à la jeunesse, à l'optimisme. Avec Patrick Gleason toujours mais aussi Emanuela Lupacchino en invitée, ce deuxième épisode est moins dynamique et décevra sans doute ceux qui souhaitaient d'une suite directe au cliffhanger du mois dernier... Mais cela donne sans doute un aperçu plus juste du projet.
Gemworld. Désolé par les répercussions de crises terriennes, cette planète subit une crise politique : des émissaires du clan de Topaz négocient une alliance avec ceux du clan d'Opal pour éliminer Amethyst, l'héritière du trône - qui débarque justement avec Robin !
Jinny Hex, elle, a atterrit dans les forêts de Topaz avec Teen Lantern. Wonder Girl les retrouve... Elle se souvient qu'une semaine auparavant, elle affrontait et battait Despero lorsqu'elle aperçut parmi les témoins son grand-père, le dieu des dieux, Zeus.
Celui-ci est venu lui remettre un pendentif sacré pour qu'elle le rejoigne au Panthéon afin d'y préparer la relève. Mais Cassie Sandsmark refuse qu'on lui dicte son avenir et considère les intentions de son grand-père troubles. Il s'efface, très déçu et véxé.
Retour sur Gemworld. Wonder Girl décourage Jinny Hex de tirer sur Teen Lantern qui s'est protégée avec son anneau. Ensemble, les trois filles survolent les environs pour se repérer.
Elles retrouvent Robin qui leur présente Amethyst. Celle-ci explique se battre pour règner sur le Gemworld, sa place légitime. Sauf pour Lord Opal qui surgit pour l'assassiner et se débarrasser de ses alliés...
Deux questions se posaient au terme du premier épisode de Young Justice : la première concernait le rythme frénétique du récit, à la fois grisant et risqué sur la longueur ; et la deuxième la présence d'un dessinateur invité à chaque numéro suivant, à commencer par Emanuela Lupacchino ce mois-ci.
Dans l'ordre, de façon très appliquée, on a les réponses dans ce numéro.
L'épisode se divise en trois parties : un prologue, un long intermède en forme de flash-back au centre, et un épilogue. Le tempo est beaucoup moins soutenu même si on y bataille encore beaucoup. Bendis s'intéresse à la situation de ses jeunes héros transportés dans le Gemworld, une planète désolée à la suite des crises cosmiques ayant impacté la Terre (qui s'en est donc remise au prix de la santé d'autres mondes).
L'auteur ne perd pas de temps pour poser les enjeux de son intrigue : le Gemworld est le théâtre de luttes intestines et les clans qui le composent nouent des alliances de circonstances pour en prendre le contrôle. Deux tribus, celles d'Opal et de Topaz, acceptent de faire cause commune contre l'héritière légitime du trône, Amethyst. Mais, à peine ont-ils scellé un accord qu'elle surgit en compagnie de Robin (Tim Drake), résolue à ne pas se laisser assassiner et déposséder.
On pense alors qu'on va assister à un règlement de comptes épique, mais ce n'est pas le cas. C'est à la fois culotté et frustrant, reconnaissons-le, parce qu'on avait bien aimé l'énergie du premier épisode, son côté grand spectacle. Bendis nous en prive... Mais pour se rattraper plus loin.
En effet, la partie centrale de l'épisode est un retour en arrière centré sur Cassie Sandsmark alias Wonder Girl. On se souvient qu'elle s'était mêlée au groupe de Young Justice un peu à contrecoeur, visiblement plus préoccupée pour s'intégrer à Metropolis que pour reprendre du service en tant qu'héroïne. Et nous découvrons pourquoi.
Bendis s'offre une séquence comme il les apprécie, reposant sur le dialogue, après la raclée qu'inflige Wonder Girl à Despero. Zeus, incognito, entraîne sa petite-fille à l'écart pour lui demander de retourner au Panthéon avec lui. Son speech paraît vite trop flatteur pour la jeune fille pour ne pas dissimuler autre chose et elle rejette cette offre.
La fin de l'épisode se passe à nouveau sur Gemworld avec encore un cliffhanger accrocheur et une partie de l'équipe qui se retrouve - même si, donc, Superboy qu'Impulse a localisé ne s'est pas remontré. Là encore, frustrant.
Pourtant, cette construction narrative est instructive car elle semble indiquer au lecteur comment la série va se dérouler (au moins pendant son premier arc) : la guerre de succession du Gemworld sera le fil rouge prétexte à la recomposition de Young Justice, mais à chaque chapitre on aura droit à un focus sur un des membres pour savoir où il en était avant cette aventure. C'est un peu laborieux, mais sans doute aussi nécessaire pour légitimer le groupe et le présenter à ceux qui ne le connaissent pas.
De la sorte aussi, Patrick Gleason se ménage du temps pour dessiner ses pages. Il en signe une onzaine (le prologue et l'épilogue, soient tout ce qui se déroule sur Gemworld) et en assume l'encrage. On peut constater que son trait s'est à la fois assombri, parfois pour suggérer un peu paresseusement les décors (plongés dans l'obscurité ou réduits à l'état de silhouette, quand ce n'est pas le coloriste Alejandro Sanchez qui s'occupe de meubler les fonds), mais l'artiste se fait aussi moins précis, épurant à la manière d'un Mignola (comme lorsque Ryan Sook travaillait sur Hellboy en copiant le maître). C'est assez étonnant, un peu sommaire, surtout quand on a connu Gleason encré par Mick Gray et produisant des planches beaucoup plus fournies en détails.
Le coeur de l'épisode, avec Wonder Girl, donne donc à Emanuela Lupacchino l'occasion de briller. Elle n'a aucun mal à éclipser le travail de Gleason sur la dizaine de pages qu'on lui a confiée. Et, une fois encore, on se demande pourquoi DC ne lui fait pas davantage confiance en lui donnant une série régulière au lieu de l'employer comme guest ou fill-in artist.
Naturellement douée pour dessiner les femmes de tous âges, Lupacchino anime merveilleusement Cassie Sandsmark à qui elle donne cette allure mi-lolita, mi-jeune femme. L'expressivité de son dessin traduit bien les émotions de l'héroïne qui cherche à la fois sa place ici-bas tout en tenant tête à son grand-père. Contrairement à Gleason, le trait est clair, les couleurs (du même Sanchez) sont lumineuses, le découpage fluide. Vraiment, Lupacchino mérite mieux que de jouer les pompiers de secours.
On referme ce numéro partagé : d'un côté, Bendis établit la charte narrative de la série (au moins pour cet arc initial), de l'autre l'inégalité graphique et la frustration vis-à-vis des rebondissements laissent sur notre faim. Il reste que Young Justice a une vraie fraîcheur et du potentiel, mais que cette première histoire sera sûrement laborieuse.
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