jeudi 21 février 2019

AQUAMAN #45, de Kelly Sue DeConnick et Robson Rocha


Je n'avais pas remarqué (si tant est que ce fut mentionné dans les crédits) que ce premier arc d'Aquaman écrit par Kelly Sue DeConnick comptait cinq parties. Et donc cet épisode se situe au centre, un moment opportun pour que l'histoire bascule - ce qui n'est pas vraiment le cas. Et qui, du coup, repose surtout sur les dessins de Robson Rocha, la faute à une narration trop décompressé et un confuse...


Aquaman a retrouvé en partie la mémoire : il sait désormais qu'il est en lien avec les océans, mais ne se souvient toujours pas de son nom, de ses origines, encore moins de son statut de super-héros ou de mari et roi (quand bien même a-t-il vu en rêve Mera, sans l'identifier).


Mais cela lui a suffi pour accepter d'escorter Caille jusqu'à l'île où a été bannie sa mère, Namma, accusée d'avoir empoisonné la mer. Caille est nerveuse mais Aquaman est convaincu que la mission se passera bien.
  

Pourtant, les faits vont le contredire rapidement : la mer est démontée et alors que l'île est en vue, des pics de sel géants se dressent à la surface. Ils pourfendent la barque, envoyant Caille par-dessus bord.


Aquaman plonge et la sauve. De retour à la surface, Caille ne se sent pas bien, sa peau est livide et elle sent le mal la ronger. Aquaman la traîne en direction de l'île en évitant les pics de sel de plus en plus nombreux.


Les falaises de l'île se dressent, menaçants. Aquaman sent ses forces l'abandonner, comme s'il était lui aussi atteint par un mal mystérieux. Finalement, à bout de forces, les deux rescapés sont accueillis par Namma, jurant que le monde va payer pour ce qu'il lui a fait...

Je n'ai rien contre la décompression narrative, j'aurai mauvaise grâce à prétendre le contraire puisque je suis fans de plusieurs scénaristes qui l'utilisent. Mais je reconnais que c'est une manière de raconter délicate à exploiter.

En effet, dilater le cours du récit, prendre son temps pour installer les personnages, le décor, l'ambiance, au détriment de l'action, exigent de l'auteur une rigueur absolue car le risque, c'est de donner l'impression de gagner du temps, ou, pire, de ne pas avoir grand-chose à dire, avant d'expédier le dénouement. 

Mais j'ai apprécié les deux premiers épisodes écrits par Kelly Sue DeConnick pour cela : elle a profité de la situation de son héros, devenu amnésique, et perdu sur une île au bout du monde (et au milieu de nulle part), pour le redéfinir. Lentement, mais sûrement, Aquaman devait d'abord se retrouver avant de jouer les super-héros.

Cette méthode n'a pas rencontré les faveurs de certains lecteurs, habitués à plus de mouvement durant le run de Dan Abnett (ou durant les "New 52", de Geoff Johns et Jeff Parker).

Je ne vais pas jeter le bébé avec l'eau du bain parce que j'ai été déçu cette fois, mais il est évident que DeConnick va devoir se reprendre le mois prochain, certainement en accélérant et surtout en étant plus clair. Ce que mon résumé de l'épisode ne dit pas, c'est que la traversée d'Aquaman et Caille est ponctuée largement par la relation mythologique que fait le héros au sujet du Père des Mers et de la Mère du Sel : la scénariste a cherché, par ce biais, à donner une dimension épique, ancestrale, immémoriale, à son intrigue.

Mais la conclusion est brouillonne, en tout cas elle m'a échappé puisque je n'ai plus su distinguer qui était qui à la fin. Entre les amours contrariées par l'évolution de la Terre, la naissance des enfants du Père de la Mer et de la Mère du Sel (le Ciel, le Feu, la Terre, le Vent), l'assassinat du père par sa progéniture et la création par le mère de sept monstres figés en statues de sel par les enfants qui créérent le soleil puis engendrèrent les hommes, on a du mal à comprendre le sens de tout cet arrière-plan - et sa plus-value pour l'histoire en cours.

Certes, Robson Rocha illustre aussi bien la traversée d'Aquaman et Caille que ce drame divin, au moyen de pleines pages somptueuses pour ce dernier, mais justement, la puissance graphique déployée n'aboutit qu'à souligner le vide du propos ou son côté pompeux et nébuleux.

Car, une vingtaine de pages pour décrire le voyage en barque d'Aquaman et Caille ponctué de résumés sur le Père de la Mer et la Mère du Sel, leurs enfants, les monstres, l'origine du monde, sur le papier ça fait un programme, mais en vérité, pour paraphraser le héros, ça fait surtout du vent.

Tout le talent de Rocha ne peut empêcher le lecteur de ressentir une impression de vide, ce sentiment, comme je le soulignais plus haut, que DeConnick gagne du temps ou n'a pas grand-chose à dire. Ou pire : qu'elle a quelque chose à dire mais qu'on n'arrive pas à le saisir. On en est réduit à des déductions hasardeuses. L'ambiance envoûtante des deux épisodes précédentes est absente au profit d'un spectacle épique mais confus. A ce stade du scénario, on était en droit d'attendre une révélation, un twist, une bascule. Mais on n'est pas plus avancé.

Comme j'aime tirer des leçons au bout d'un arc (sauf catastrophe totale) et que celui-ci sera terminé dans deux mois, je donne sa chance à la série jusque-là. Ensuite, il sera temps d'aviser (sachant que Rocha sera remplacé, je l'espère provisoirement, au mois de Mai). Mais ce serait malheureux qu'après un début si prometteur, Aquaman (s')échoue. 

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