Avec ce onzième épisode, Mark Waid boucle la première "saison" de son Doctor Strange et conclue du même coup l'intrigue initiée dans le numéro précédent. Soutenu par Jesus Saiz, lui-même épaulé par Javier Pina, ce dénouement nous laisse un peu sur notre faim, hélas !
Le Dr. Strange fait face à Dormammu qui a racheté sa dette pour tous les sorts qu'il a invoqués. Sachant qu'il ne paierait pas, il a lancé les Faltine, des monstres de la dimension noire, à l'assaut de New York.
Ignorant s'il pourra neutraliser son ennemi, Strange envoie Kanna, Zelma et Wong dans son sanctuaire sacré à la recherche d'une solution pour se débarrasser des Faltine pendant qu'il distrait Dormammu.
Récupérant la magie de l'Ancien, Kanna, Zelma et Wong viennent à bout des Faltine puis rejoignent Strange pour attaquer ensemble Dormammu. Mais le pouvoir de l'Ancien les consume et permet au démon de les repousser.
Strange croit sa dernière heure venue lorsque l'Ancien le tire de là en neutralisant Dormammu car il a pu récupérer sa magie. Les Faltine sont renvoyés avec leur maître dans la dimension noire.
Zelma décide de raccompagner l'Ancien pour répertorier tous ses sorts. Wong s'éclipse. Kanna se retire aussi pour réfléchir à donner une nouvelle chance à son couple avec Strange.
Marvel ayant sorti les épisodes de la série n'importe comment (d'abord bimensuellement puis mensuellement), le lecteur non averti pourrait naturellement croire que Doctor Strange est près de fêter sa première année de parution et estimer que le premier cycle qui s'achève a fière allure.
La vérité est moins flatteuse, même si Mark Waid a fait le boulot en grand professionnel. Le premier arc de son run fut une excellente surprise : le voyage du sorcier suprême dans l'espace offrait un dépaysement au héros et à ses fans avec une narration originale. Puis la suite fut plus convenue : revenu sur Terre, Strange a repris son job et l'écriture de Waid est devenue plus conventionnelle avec des intrigues inégales.
A l'occasion de son 400ème épisode, coïncidant avec le dixième du présent run, le mois dernier, le récit prenait une tournure étonnante et habile en interrogeant littéralement le sens du prix à payer pour avoir recours à la magie. Jason Aaron avait exploré les conséquences physiques, Waid a traité le problème sur un plan presque administratif, avec un comptable, et un vilain emblématique ayant racheté la dette de Strange.
En convoquant Dormammu, le scénariste promettait un duel épique, dont Gerry Duggan donna un aperçu dans The Best Defense : Doctor Strange dans un futur post-apocalyptique. Waid a préféré une autre option.
Du coup, pas de grande bataille, à coups de sortilèges, entre les deux adversaires, et c'est dommage. Frustrant, mais cette fois, pas dans le bon sens. Car s'il est bon de ne pas toujours donner au lecteur ce qu'il attend, il est aussi judicieux de lui procurer ce qu'il attend. Le choix opéré par Waid est surprenant et renvoie à ce que fait James Tynion IV avec Justice League Dark : parler de magie sans en montrer le spectacle.
Et puis c'était d'autant plus légitime que, après son trip spatial, durant lequel il diversifié sa connaissance des arts mystiques, le bon docteur tenait là une occasion de tester ce qu'il avait appris et de prouver sa capacité à tenir son rôle à nouveau. Le voir refuser de se battre, gagner du temps, trembler face à Dormammu est pour le moins déconcertant et décevant. Et l'intervention de l'Ancien bien providentielle.
Jesus Saiz en est quitte pour produire un épisode où il aurait lui aussi pu démontrer ses facultés à mettre en images un combat digne de ce nom. Néanmoins, l'espagnol livre de superbes planches, même s'il tire la langue sur la fin et qu'il lui faut le renfort de Javier Pina (et de la coloriste Rachel Rosenberg).
Les deux artistes échouent notablement à rendre Dormammu impressionnant et effrayant comme Bachalo (durant le run d'Aaron) ou Smallwood (pour l'épisode The Best Defense de Duggan). Ici, il n'apparaît guère plus grand que Strange et sa puissance n'a rien de terrifiant. Les Faltine sont un peu mieux servis et les parades de Zelma, Kanna et Wong sont d'ailleurs les meilleurs scènes de l'épisode - un comble.
Il manque en fait un grain de folie, une démesure à l'ensemble : la série est belle mais un peu trop esthétisante, et ce qui fonctionnait dans l'espace paraît trop modeste une fois sur le terrain de la magie pure. Ce n'est pas l'arrivée de Barry Kitson sur le titre comme artiste régulier qui va changer ça (la fadeur de son trait risque même de ruiner tout - même si lui et Waid sont des partenaires de longue date : on leur doit JLA : Year One, Empire...).
Pour toutes ces raisons (fin d'un cycle, nouvel artiste, déception vis-à-vis de ce dénouement), j'ai décidé d'arrêter de suivre la série.
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