C'est la conclusion de Heroes in Crisis, sans doute un des sagas événementielles les plus ambitieuses produites par DC. Mais il faut bien l'admettre, cette fin déçoit énormément car Tom King la résoud de manière rocambolesque et surtout moralement très discutable - pour ne pas dire impossible. C'est très beau, grâce à Clay Mann. Mais vraiment imbitable.
Au Sanctuaire, le Wally West du passé et son moi futur se font face. Le Flash du futur a accepté d'être sacrifié pour couvrir les meurtres de son ancien moi avant que la Justice League ne vienne l'arrêter.
Mais Harley Quinn, Blue Beetle, Batgirl et Booster Gold les interromptent juste à temps. Harley découvre aussi que Poison Ivy est toujours en vie grâce au Flash du futur qui a déposé un échantillon d'elle dans la rivière de Gotham, où elle a "repoussée", sous une nouvelle forme.
Le futur Flash explique au Wally West qu'il n'a pas à commettre un nouveau meurtre pour réparer ses fautes. Il doit trouver à qui parler pour apaiser ses tourments, et faire admettre qu'il ne peut supporter d'être un symbole.
Booster Gold a une idée pour soulager le Wally West du passé : en se rendant au XXVème siècle et en le clonant super-rapidement, il peut berner la Justice League en lui faisant croire qu'il s'agit de son moi futur qui s'est donné la mort après avoir tué les patients du Sanctuaire.
Superman et Barry Allen viennent arrêter Wally West que Batman et Wonder Woman enferment dans une cellule du Hall de Justice. Booster Gold profite de sa liberté avec Blue Beetle tout comme Harley Quinn avec Poison Ivy. Le Flash du futur continue de courir et créé une réalité alternative.
Pour bien comprendre le problème de cette conclusion, il faut d'abord appréhender le souci de la construction d'Heroes in Crisis qu'elle met à jour. Conçu d'abord comme une saga en sept parties, le récit de Tom King a été enrichi, avant le début de sa publication, de deux épisodes supplémentaires. Il ne s'agissait pas de chapitres terminaux, comme des additions à la conclusion de l'histoire, mais d'épisodes intégrés.
Or passer de sept à neuf épisodes influe complètement sur la structure de l'ensemble. On se rend maintenant compte que les épisodes concernés sont problablement ceux dessinés avec la participation de Lee Weeks et Mitch Gerads (les #3 et #6 en particulier), qui s'attardaient sur des actions précédant le massacre ou sur des patients en particuliers.
L'autre bizarrerie, on le constate a posteriori, c'est que finalement les deux derniers volets de la saga ont brillé par l'absence de personnages comme Superman, Wonder Woman et surtout les deux limiers que sont Batman et Flash/Barry Allen. On ne peut que s'étonner que ces deux détectives soient invisibles au moment-clé de la résolution, en particulier quand Batgirl, disciple de Batman, est directement impliquée, mais aussi quand Wally West sort du bois.
Lorsqu'on voit le temps passé avec Booster Gold et Harley Quinn et le soin avec lequel Tom King a entretenu le doute sur leur culpabilité, c'est un peu "tout ça pour ça". Etait-il judicieux de faire d'eux les protagonistes de cette affaire ? Dans un premier temps, oui. Mais une fois Blue Beetle et Batgirl de la partie, ce fut au détriment des autres enquêteurs (Batman et Flash/Barry Allen), et là, ça coince.
Mais, finalement, tout cela paraît dérisoire au vu du message véhiculé par la conclusion elle-même. Et là, le problème est beaucoup plus épineux. Il devient même inacceptable car il dépasse de simples questions de narration (y compris dans le plan imaginé in fine par Booster Gold).
On n'est en effet pas loin, de façon étrange, troublante, de ce qui s'est joué dans Daredevil #5 de Chip Zdarsky et Marco Checchetto, lorsque Luke Cage, Jessica Jones et Iron Fist expliquaient à Daredevil, accablé par l'homicide involontaire qu'il a commis, que, ben, ça fait partie des risques du métier de justicier, parfois on tue quelqu'un dans le feu de l'action, etc. Daredevil ne peut supporter cette justification et quitte ses amis Defenders.
Or c'est exactement ce que dit Booster Gold (et ce qu'approuvent Blue Beetle, Batgirl et Harley Quinn, mais aussi le Flash du futur) à Wally West. Il a tué des dizaines de patients du Sanctuaire en pleine crise d'angoisse, sans même s'en rendre compte sur le moment...Mais hé, ça peut arriver de péter un plomb, et qu'il y ait des morts (qui, de toute façon, ne sont pas importants puisque c'étaient tous des héros de seconde zone) ! Alors, t'inquiètes pas, on est solidaires, on va t'aider en te clonant vite fait afin de mystifier la Justice League. Tu t'en tireras avec un peu de prison, puis tu parleras à un thérapeute de ta famille qui te manque, du poids que cela représente d'être vu comme un symbole d'espoir, et ça ira mieux.
Tant pis si, dans le lot, Wally West a tué aussi un de ses meilleurs amis (Roy Harper/Arsenal), que son moi futur continue de courir en créant une réalité parallèle, et que le Sanctuaire accueille de nouveaux patients après que son existence (et ses défaillances aient été rendues publiques)...
C'est tout simplement ahurissant que Tom King ait osé penser nous qu'on allait gober ça. Qu'est-ce qui lui a pris ? On reste sidéré par l'amoralité, la légèreté de ce dénouement, de ces explications (au point que le plan de Booster Gold avec un clone devient risible). Surtout, qu'est devenu le sujet initial - le stress post-traumatique chez les super-héros considéré à partir de la crise meurtrière de l'un d'eux ? C'est comme si le scénariste, mais aussi le staff éditorial de Heroes in Crisis l'avaient égaré en cours de route. De la part d'un homme et d'un auteur comme King, la surprise (désagréable) de cette fin laisse pantois. Un vrai faux pas.
Elément aggravant : l'épisode est très beau visuellement. Clay Mann et son coloriste Tomeu Morey signent des planches, parmi les plus magnifiques de la saga. L'essentiel se passe dans un champ mais il se dégage des plans une paix, une tranquillité, une émotion sobre dignes des tableaux de Norman Rockwell.
Le souci là encore, c'est qu'en illustrant ce dénouement ainsi, cela ajoute à la confusion. C'est en quelque sorte obscène de mettre en scène l'issue d'une tragédie pareille dans un cadre aussi magnifié et de manière aussi sereine. Les héros présents font leur petite combine sordide dans un paysage trop bucolique, de petits arrangements entre amis - mais des amis encore une fois bien dépourvus de sens moral (que des idiots comme Beetle ou Booster s'y prêtent, ou qu'une cinglée comme Harley et sa copine ressuscitée y adhèrent, à la rigueur, mais Batgirl, héroïne d'une intégrité absolue...).
L'épisode (long de trente pages) accumule, entre deux scènes de dialogues, les confessions face caméra de plusieurs héros (plus d'une quarantaine - ce qui suggère que toute la communaut fréquente le Sanctuaire depuis le drame et la réouverture du lieu), mais sans que ça ne nuance ce qui vient de se négocier entre Wally West et ses complices. King réussit à glisser quelques réflexions acides (sur la Bat-family et les Robin en particuliers), méta (Red Tornado et ses aspirations très proches de celle de Vision, tel que l'a traité... King chez Marvel) ou sentencieuses (le dernier mot, terrible, de Jim Corrigan/le Spectre). Mais le procédé semble soudain décalé, comme s'il racontait une autre intrigue, en définitive plus télégraphique mais aussi plus directe sur les PTSD.
Et si finalement, c'étaient dans ces "gaufriers" de neuf cases, austères, laconiques mais plus décalés et intimistes, que Heroes in Crisis était le plus juste, et le plus impeccable. Pas de quoi faire neuf épisodes (ni même sept), mais une radioscopie infiniment plus originale et juste que ce que cette histoire prétendait explorer.
L'autre bizarrerie, on le constate a posteriori, c'est que finalement les deux derniers volets de la saga ont brillé par l'absence de personnages comme Superman, Wonder Woman et surtout les deux limiers que sont Batman et Flash/Barry Allen. On ne peut que s'étonner que ces deux détectives soient invisibles au moment-clé de la résolution, en particulier quand Batgirl, disciple de Batman, est directement impliquée, mais aussi quand Wally West sort du bois.
Lorsqu'on voit le temps passé avec Booster Gold et Harley Quinn et le soin avec lequel Tom King a entretenu le doute sur leur culpabilité, c'est un peu "tout ça pour ça". Etait-il judicieux de faire d'eux les protagonistes de cette affaire ? Dans un premier temps, oui. Mais une fois Blue Beetle et Batgirl de la partie, ce fut au détriment des autres enquêteurs (Batman et Flash/Barry Allen), et là, ça coince.
Mais, finalement, tout cela paraît dérisoire au vu du message véhiculé par la conclusion elle-même. Et là, le problème est beaucoup plus épineux. Il devient même inacceptable car il dépasse de simples questions de narration (y compris dans le plan imaginé in fine par Booster Gold).
On n'est en effet pas loin, de façon étrange, troublante, de ce qui s'est joué dans Daredevil #5 de Chip Zdarsky et Marco Checchetto, lorsque Luke Cage, Jessica Jones et Iron Fist expliquaient à Daredevil, accablé par l'homicide involontaire qu'il a commis, que, ben, ça fait partie des risques du métier de justicier, parfois on tue quelqu'un dans le feu de l'action, etc. Daredevil ne peut supporter cette justification et quitte ses amis Defenders.
Or c'est exactement ce que dit Booster Gold (et ce qu'approuvent Blue Beetle, Batgirl et Harley Quinn, mais aussi le Flash du futur) à Wally West. Il a tué des dizaines de patients du Sanctuaire en pleine crise d'angoisse, sans même s'en rendre compte sur le moment...Mais hé, ça peut arriver de péter un plomb, et qu'il y ait des morts (qui, de toute façon, ne sont pas importants puisque c'étaient tous des héros de seconde zone) ! Alors, t'inquiètes pas, on est solidaires, on va t'aider en te clonant vite fait afin de mystifier la Justice League. Tu t'en tireras avec un peu de prison, puis tu parleras à un thérapeute de ta famille qui te manque, du poids que cela représente d'être vu comme un symbole d'espoir, et ça ira mieux.
Tant pis si, dans le lot, Wally West a tué aussi un de ses meilleurs amis (Roy Harper/Arsenal), que son moi futur continue de courir en créant une réalité parallèle, et que le Sanctuaire accueille de nouveaux patients après que son existence (et ses défaillances aient été rendues publiques)...
C'est tout simplement ahurissant que Tom King ait osé penser nous qu'on allait gober ça. Qu'est-ce qui lui a pris ? On reste sidéré par l'amoralité, la légèreté de ce dénouement, de ces explications (au point que le plan de Booster Gold avec un clone devient risible). Surtout, qu'est devenu le sujet initial - le stress post-traumatique chez les super-héros considéré à partir de la crise meurtrière de l'un d'eux ? C'est comme si le scénariste, mais aussi le staff éditorial de Heroes in Crisis l'avaient égaré en cours de route. De la part d'un homme et d'un auteur comme King, la surprise (désagréable) de cette fin laisse pantois. Un vrai faux pas.
Elément aggravant : l'épisode est très beau visuellement. Clay Mann et son coloriste Tomeu Morey signent des planches, parmi les plus magnifiques de la saga. L'essentiel se passe dans un champ mais il se dégage des plans une paix, une tranquillité, une émotion sobre dignes des tableaux de Norman Rockwell.
Le souci là encore, c'est qu'en illustrant ce dénouement ainsi, cela ajoute à la confusion. C'est en quelque sorte obscène de mettre en scène l'issue d'une tragédie pareille dans un cadre aussi magnifié et de manière aussi sereine. Les héros présents font leur petite combine sordide dans un paysage trop bucolique, de petits arrangements entre amis - mais des amis encore une fois bien dépourvus de sens moral (que des idiots comme Beetle ou Booster s'y prêtent, ou qu'une cinglée comme Harley et sa copine ressuscitée y adhèrent, à la rigueur, mais Batgirl, héroïne d'une intégrité absolue...).
L'épisode (long de trente pages) accumule, entre deux scènes de dialogues, les confessions face caméra de plusieurs héros (plus d'une quarantaine - ce qui suggère que toute la communaut fréquente le Sanctuaire depuis le drame et la réouverture du lieu), mais sans que ça ne nuance ce qui vient de se négocier entre Wally West et ses complices. King réussit à glisser quelques réflexions acides (sur la Bat-family et les Robin en particuliers), méta (Red Tornado et ses aspirations très proches de celle de Vision, tel que l'a traité... King chez Marvel) ou sentencieuses (le dernier mot, terrible, de Jim Corrigan/le Spectre). Mais le procédé semble soudain décalé, comme s'il racontait une autre intrigue, en définitive plus télégraphique mais aussi plus directe sur les PTSD.
Et si finalement, c'étaient dans ces "gaufriers" de neuf cases, austères, laconiques mais plus décalés et intimistes, que Heroes in Crisis était le plus juste, et le plus impeccable. Pas de quoi faire neuf épisodes (ni même sept), mais une radioscopie infiniment plus originale et juste que ce que cette histoire prétendait explorer.
La variant cover de Ryan Sook.
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