mardi 28 mars 2023

THE MAGIC ORDER 4 #3, de Mark Millar et Dike Ruan


Avec ce troisième épisode du quatrième volume de The Magic Order, on atteint la moitié de l'arc en cours. Mark Millar en profite pour faire une sorte d'interlude, où il revient sur les origines d'un des personnages secondaires de la série mais déterminant pour la suite. Dike Ruan produit ses meilleures pages à cette occasion. Tout est là pour passer un bon moment. Mais alors pourquoi reste-t-on frustré ?


Cordelia Moonstone et Francis King sont faits prisonniers dans le royaume de Kolthur et durant le trajet qui les mène à la capitale, Skull City, un autre passager, qui les a reconnus, leur raconte ce qu'il sait d'eux et du maître des lieux, Perditus Moonstone, arrivé là bébé en échange de l'ancien monarque...


Et si le problème de ce quatrième volume de The Magic Order tenait dans le fait qu'il a été publié trop tôt, trop vite ? Je sais qu'il n'est pas commun de se plaindre qu'un comic-book paraisse vite parce qu'on se lamente plutôt quand une série connaît des retards. Mais cette impatience des lecteurs ne se retourne-t-elle parfois contre eux et ce qu'ils lisent ?


C'est mon sentiment en ce qui concerne cet avant-dernier acte de The Magic Order, qui a démarré dans la foulée du précédent. On n'a pas eu le temps de souffler, de digérer les événements du volume 3 que déjà Mark Millar nous servait sur un plateau la suite. Et je crois que c'est un problème.


Entre le volume 1 et le 2, il s'était écoulé deux années, de quoi faire. Quelques mois à peine ot en revanche séparé les volumes 2 et 3. Et un petit mois entre le volume 3 et ce 4. On peut y voir une volonté de la part de Millar, d'Image Comics (et de Netflix, puisque c'est désormais le propriétaire du Millarworld) de ne plus jouer la montre, de prouver que la saga su scénariste file tout droit vers sa conclusion. En même temps, à l'heure où j'écris ces lignes, Millar n'a toujours pas annoncé ni l'identité de l'artiste qui dessinera le cinquième volume ni quand celui-ci sera publié (on sait juste en vérité que l'auteur l'écrivait encore au mois de Décembre dernier).

Mais avec cette accélération de la parution des volumes est venue une envie croissante d'en savoir plus, plus vite, de voir plus grand, plus fort. Millar est contraint désormais de lâcher les chevaux, de ne plus se brider, il faut qu'il lève le voile sur des mystères, qu'il créé des rebondissements, des péripéties à un rythme plus soutenu, pour conserver l'attention des fans. Alors qu'auparavant, il se permettait de nous faire attendre, mais aussi nous permettait de fantasmer sur ce que The Magic Order réservait.

Ce fantasme a disparu et on doit à présent compter sur l'imagination de Millar pour nous épater sans tarder. Et l'artiste qu'il choisit pour dessiner chaque volume doit se montrer aussi impressionnant, sinon plus que ses devanciers. Après Olivier Coipel, Stuart Immonen nous avait rassurés, et après Immonen, Gigi Cavenago s'était surpassé. Mais Dike Ruan est-il à la hauteur ?

Ruan est encore un jeune artiste, prometteur, une star en puissance, mais certainement pas un dessinateur aguerri comme Coipel, Immonen et Cavenago. Ses planches sont séduisantes, mais un examen attentif laisse apparaître des carences absences chez ceux qui l'ont précédé, notamment dans le traitement des décors, souvent négligés (ce qui arrivait aussi à Coipel sur la fin de ses épisodes).

Je ne veux toutefois pas accabler Ruan, parce qu'il a dû quelquefois regarder derrière lui avec une pression certaine : on ne succède pas à Coipel, Immonen et Cavenago sans être intimidé, sauf à être suffisant. Et par ailleurs, même en étant fan de Coipel et Immonen, je dois dire que Cavenago est celui des quatre artistes ayant oeuvré sur ce titre qui m'a le plus soufflé.

Quoiqu'il en soit, The Magic Order me frustre avec ce volume 4. C'est difficile de dire ce qui coince, c'est une impression diffuse mais tenace, comme si la série avait du mal à trouver un nouveau souffle, que sa narration était plus hachée, que tout ne se mettait pas en place avec autant de fluidité, d'efficacité. Et à cet égard, ce troisième épisode résume bien le malaise.

Millar fait le choix, risqué, de mettre sur pause l'intrigue pour revenir sur le sort de deux personnages, l'un hors-champ, l'autre attendant encore d'apparaître. Cette espèce d'origin story liant Perditus Moonstone et l'oncle Edgar avec le royaume de Kolthur en arrière-plan n'est pas inintéressante, Millar est asse malin pour nous entraîner là où il le veut. Mais bon, on ne termine pas l'épisode bouche bée. Au contraire, tout ça retombe trop bien sur ses pattes. C'est bien fait, mais convenu.

Par ailleurs, on sait que ce volume 4 ne résoudra rien de crucial, puisque désormais toute la série fonctionne par étapes pour s'achever au volume 5. D'une certaine manière, là encore, c'est une conséquence de la parution plus rapide des arcs narratifs : Millar ne peut plus guère surprendre de façon décisive avant le grand final, sinon en brûlant des cartouches (par exemple en tuant Cordelia, ce qui serait énorme mais improbable et sûrement fatal à la série).

Dans son malheur, la série a quand même une opportunité : puisqu'on ignore qui dessinera le prochain volume et quand celui-ci sera publié, mais pas de manière aussi rapprochée que les deux derniers, cette fois on aura plus de temps pour digérer ce qui s'est passé sur les douze derniers numéros, plus de temps aussi pour phosphorer sur le bouquet final. Mais Millar a intérêt à convaincre un sacré artiste de conclure sa saga et à avoir encore de grosses cartouches à tirer pour ce dénouement, sinon la désillusion guette.

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