jeudi 23 mars 2023

DOCTOR STRANGE #1, de Jed MacKay et Pasqual Ferry, avec Andy MacDinald


Les comics ont horreur du vide et donc, après une série qui s'achève (hier : GCPD : The Blue Wall), aujourd'hui une autre qui démarre. Ou redémarre, plus exactement. Car Jed MacKay n'est pas seulement le scénariste qui monte chez Marvel, c'est aussi un homme qui a de la suite dans les idées. Et qui est en bonne compagnie puisqu'il peut se reposer sur un artiste né pour dessiner Doctor Strange : Pasqual Ferry.


Stephen Strange is back ! En son absence, sa femme, Clea, a endossé son rôle, fait me ménage dans la division magique du SHIELD, a permis à des réfugiés de dimensions magiques de venir sur Terre. A présent, après avoir été consulté par quelques amis, Doctor Strange et Clea vont devoir se mêler d'un accord passé entre la Grande-Bretagne et Aggamon, sorcier suprême de la dimension pourpre, pour récupérer des esclaves...
 

Retenez bien son nom : Jed MacKay. Dans les moins (les années ?) à venir, il va compter pour les fans des comics Marvel puisque c'est lui qui va succéder à Jason Aaron en Mai prochain sur le titre Avengers. Une promotion pour cet auteur pugnace qui s'est d'abord fait remarquer avec des héros délaissés.


En effet, depuis maintenant presque deux ans, il est aux commandes de Moon Knight et avant ce relaunch de Doctor Strange, c'est déjà lui qui avait signé la mini-série La Mort de Doctor Strange (2021) puis la série régulière Strange (2021-2023) avec Clea dans le rôle du sorcier suprême. On peut donc dire que Jed MacKay (qui a aussi oeuvré depuis plusieurs années sur plusieurs projets Black Cat) a de la suite dans les idées.


Toutefois ça n'a pas dû être si fréquent qu'un même auteur ait dû tuer un personnage et écrive son retour dans le monde de vivants comme c'est le cas avec Stephen Strange. Mais ça fait partie, finalement, de l'intérêt de cette nouvelle série car la question se pose de savoir comment il s'en sort.

Je n'ai pas lu La Mort de Doctor Strange ni Strange, n'ayant jamais cru que Marvel se passerait longtemps du personnage et aussi parce qu'il faut bien dire que si La Mort... était illustré par Lee Garbett (que j'apprécie), Strange était mis en images par le médiocre Marcello Ferreira. Par contre, la présence au générique de Pasqual Ferry pour Doctor Strange a positivement pesé dans mon envie d'investir sur cette relance.

Car, même si c'est une formule facile, Ferry est né pour dessiner le sorcier suprême. Ces derniers mois, l'artiste espagnol a fait un retour très concluant au premier plan dans l'excellente mini Namor the Sub-Mariner : Conquered Shores (écrite par Christopher Cantwell) et le voir enchaîner sur Doctor Strange m'a fait plaisir : ça montre, selon moi, qu'il est motivé et qu'il se sent inspiré par ce héros.

Le trait fin, délié, de Ferry convient à la perfection à cet univers mystique, avec des trolls, des gobelins et autres créatures bizarres, mais aussi des mages, des sorciers, et autres puissants occultistes. Sa manière de composer des plans impeccables et de bâtir des architectures subtilement baroques, soulignée par les couleurs nuancées de Matt Hollingsworth, est idéal pour un titre pareil.

Dès les premières pages, on sent que Ferry a le personnage bien en main : il représente Strange avec une classe et un soupçon de malice jubilatoires. Il rend d'ailleurs au sorcier son look original, avec cette fine moustache (et plus de barbe) comme l'avait créé Steve Ditko. Idem pour Clea qui est le feeu sous la glace, altière et volcanique à la fois. Tout ça vit dans le dessin de Ferry avant même qu'on lise le texte de MacKay. Et aussi parce que le dessinateur ne verse pas dans l'exubérance grâce à un découpage très maîtrisé où ce qui se passe à l'intérieur des cases n'a pas besoin de déborder pour émerveiller ou inquiéter (en ce sens, c'est l'exact opposé de ce qu'avait produit Chris Bachalo sur le run écrit par Jason Aaron, par ailleurs tout aussi recommandable).

Le regard séduit, on s'attache à ce que raconte le scénario. Ce premier épisode consacre une large part au retour aux affaires de Stephen Strange, sans s'attarder sur ce qui s'est passé dans les pages de Strange (une seule planche résume cela, très laconiquement). Ce qui faut savoir est rappelé en quelques lignes et ça suffit.

On peut y voir une certaine désinvolture de la part de MacKay, mais je crois plutôt qu'il a jugé inutile de s'appesantir sur des explications concernant le retour, la résurrection de Stephen Strange, qui de toute façon auraient échouer à convaincre. On meurt tellement fréquemment dans le Marvel-verse qu'il est désormais superflu de justifier qu'on peut revivre moins de deux ans après être passé.

Stephen Strange se montre donc étonnamment léger mais conscient de ses responsabilités. Et c'est là, la bonne idée de Jed MacKay : rappeler que Strange est un docteur, avec des consultations, des opérations à effectuer, et qu'en qualité de sorcier suprême, il a des devoirs. On le voit donc répondre aux appels de ses amis comme Spider-Man, Luke Cage, Black Cat, Daredevil et même rendre visite au Doctor Fatalis (pour, là, une mention explicite à la série Strange dans laquel le maître de la Latvérie avait réclamé le titre de sorcier suprême en apprenant que Clea en avait hérité).

En quelques pages, au ton amusé et amusant, MacKay adresse des clins d'oeil à ses propres séries (Black Cat, Moon Knight) et à celles de ses collègues (Spider-Man, Daredevil), histoire de situer dans la continuité sa propre production et le fait que Strange est à nouveau disponible. Puis tout bascule, très vite.

Un ennemi (Aggamon, sorcier suprême de la dimension pourpre) commerce avec le Royaume-Uni pour récupérer des esclaves provenant de royaumes mystiques. Clea et Stephen s'interposent. C'est là que démarre vraiment l'intrigue à venir avec un cliffhanger accrocheur. On notera qu'entre Doctor Strange et la franchise X, les anglais ne sont pas présentés sous un jour flatteur (anti-mutants, en rapport avec un sorcier esclavagiste)... Et aussi que Stephen et Clea ont une relation animée par leurs conceptions divergentes quant à la manière de régler une crise.

J'ignore si ce sera le cas dans les prochains n° mais celui-ci est agrémenté d'une back-up story mettant en scène Wong qui officie désormais pour une branche dédiée à la magie au sein du S.H.I.E.L.D., le W.A.N.D. (Wizardry Alchemy Necromancy Department), mais dont l'activité va l'amener à s'intéresser à l'affaire de Strange.


Hélas ! Visuellement, c'est beaucoup moins agréable que les planches de Ferry puisque c'est Andy MacDonald qui dessine. Mais bon, ce ne sont que 7 pages...

En tout cas, ce relaunch me plaît bien, beaucoup même. Tant que Ferry tient le rythme, j'en serai. Mais sans négliger la qualité d'écriture de McKay.

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