mardi 21 mars 2023

BLACK MAGICK, VOLUME 1 : AWAKENING, de Greg Rucka et Nicola Scott


Avant d'attaquer une nouvelle semaine de sorties inédites, revenons ce mardi sur la série Black Magick créée par Greg Rucka (scénario) et Nicola Scott (dessin), publiée depuis 2016 par Image Comics. Ce polar teinté d'ésotérisme est du pur Rucka, avec son héroïne brune et forte tête, prise dans une intrigue tortueuse à souhait, dans un cadre urbain. Mais c'est aussi une oeuvre visuellement splendide grâce au travail prodigieux de Nicola Scott.


Portsmouth, New Hampshire. La détective Rowan Black assiste, dans la forêt, à une réunion de sorcières lorsqu'elle est appelée sur la scène d'une prise d'otages en ville. Le preneur d'otages réclame de lui parler à elle et elle seule. Elle entre dans le fast-food où il s'est retranchée et il s'assure qu'elle ne porte pas de micro avant de relâcher ses prisonniers. Désemparé, il s'apprête à brûler vive Rowan mais elle lance un sort pour que c'est lui qui périsse dans les flammes.


Le lendemain, Rowan et son co-équipier Chaffey sont appelés sur les docks où a été repêché le cadavre du violeur et tueur de Sarah Belles, Bruce Dunridge, et dont la main gauche a été tranchée. Rowan parle de ces deux affaires à son amie, également sorcière, Alex, convaincue qu'une attaque d'envergure se prépare contre leur clan. Elle n'a pas tort puisque, loin de là, l'organisation du Marteau découvre les faits et envoie un de ses agents, Stepan Hahn, enquêter...


Il n'est pas difficile de reconnaître un comic-book écrit par Greg Rucka : le scénariste a une préférence affichée et assumée pour les héroïnes, toutes les mêmes - brunes, fortes têtes, mais aussi avec une prédilection à se fourrer dans des histoires impossibles dont elles ne ressortent pas indemnes, si ce n'est physiquement en tout cas mentalement.


Bien entendu, l'héroïne la plus célèbre sur laquelle Rucka s'est exercé est Wonder Woman mais il a toujours connu des difficultés à composer avec les pesanteurs éditoriales de DC qui veille sur son icone comme le lait sur le feu. Et le scénariste a souvent claqué la porte de l'éditeur en pestant contre son ingérence... Avant de fréquemment revenir pour s'occuper des destinées d'autres femmes à fort caractère (Renee Montoya, Batwoman...).


La carrière, fournie, de Rucka passe aussi par des creator-owned dont celui qui nous intéresse aujourd'hui : Black Magick. On n'est donc pas étonné une seconde de le voir animer une détective de la police de Portsmouth, New Hampshire, qui s'appelle Rowan Black, qui est brune, qui a un fort tempérament et se trouve très vite impliquée dans une affaire tortueuse.

La nouveauté ici, c'est que Rucka ajoute au polar une bonne dose d'occultisme puisque Rowan Black fait partie d'un clan de sorcières, qu'on découvre dès les premières pages du premier épisode, en train de procéder à un cérémonial étrange dans une forêt. Comme Black Magick est publiée en indépendant, chez Image, la censure est absente et on voit donc des corps nus frontalement, y compris masculins, avant d'assister, quelques pages plus loin à une scène d'immolation par le feu très réaliste.

Cette liberté de ton autorise Rucka en principe à aller très loin. Mais, contre toute attente, il n'abuse pas de ce genre de moments, ce qui a pour effet de les rendre encore plus mémorables et choquants, mais surtout imprévisibles. C'est bien joué.

L'intrigue est accrocheuse même si on sent bien que l'auteur en garde sous le pied, et que les cinq premiers épisodes qui composent ce premier tome ne sont qu'une entrée en matière pour un récit plus ambitieux. A ce jour, pourtant, Black Magick ne compte que 16 épisodes car sa réalisation a été régulièrement interrompue par les autres travaux de Rucka et surtout de la dessinatrice Nicola Scott - et ce n'est pas près de reprendre.

Car Nicola Scott, comme on le sait depuis peu, prolonge son bail chez DC, après avoir signé un épisode (king-size) de la mini-série Wonder Woman Historia, va soutenir Tom Taylor sur la relance de la série Titans, initiée dans les pages de Nightwing.

Nicola Scott est un excellente dessinatrice, tant qu'on ne lui colle pas un encreur qui affadit son trait, et de ce point de vue, Black Magick est son oeuvre la plus aboutie, la plus impressionnante. Elle y travaille en noir et blanc avec des rehauts de gris au lavis. La coloriste Chiara Arena ajoute quelque touches de couleurs chaque fois que des manifestations magiques interviennent dans le récit, mais de manière parcimonieuse.

Les planches de Scott sont un régal pour les yeux et la minutie avec lesquelles elle les compose est bluffante. Les décors sont détaillés, les angles de vue toujours frappants, l'expressivité des personnages, leur gestuelle étudiées. C'est non seulement très beau mais il s'en dégage une ambiance envoûtante, immersive, comme on en rencontre rarement. On est très loin de ce que l'artiste produit par ailleurs pour des comics mainstream où les délais ne lui permettent pas de telles licences.

Evidemment, pour Rucka (qui n'est déjà pas connu pour être très ponctuel pour livrer ses scripts) comme pour Scott, on sent bien que Black Magick est quelque chose d'à part, et comme visiblement ce n'est pas non plus un énorme carton question ventes, ils ne s'y consacrent que lorsqu'ils ont vraiment du temps. Il faudra donc être patient pour lire de nouveaux épisodes et encore plus pour connaître la fin de l'histoire. Mais ça en vaut la peine, si vous aimez en particulier les brunes tourmentées, le polar, et la sorcellerie.

(Quant à moi, je tâcherai de rédiger la critique du tome 2 dans pas trop longtemps, mais ça va être une semaine chargée, donc patience.)

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