mercredi 15 mars 2023

JUSTICE SOCIETY OF AMERICA #3, de Geoff Johns, Mikel Janin et Jerry Ordway


En Janvier dernier, lors de la parution du précédent n° de Justice Society of America, j'exprimai mes doutes sur le projet de Geoff Johns, et ce troisième épisode ne les a pas levés. Pourtant, il s'agit bien du chapitre qui m'a le plus plu, mais ça ne signifie pas qu'il est sans défaut, loin de là. Mikel Janin dessine les 3/4 des pages intérieures, laissant les premières à Jerry Ordway, ce qui flatte le regard à défaut de contenter l'esprit.



1944. Le Soldat Inconnu indique au Sergent Rock et sa Easy Company l'adresse d'un laboratoire nazi où Per Degaton mène des expériences, mais il s'échappe en atteignant 1947. De nos jours, Huntress rencontre Khalid Nassour/Doctor Fate en compagnie de Deadman et le détective Chimp. Fate l'introduit auprès de l'incarnation actuelle de la JSA pendant que les deux autres emmeènent la boule à neige quantique à Madame Xanadu...
 

Dans le milieu des comics, aussi bien de la part des professionnels, des critiques que des fans, il y a toujours une méfiance certaine quand un auteur qui a marqué de son empreinte un titre y revient, comme s'il était improbable qu'il ait autant de succès la deuxième fois. Alors imaginez quand il y retourne pour une troisième fois...


Est-ce que Geoff Johns sait cela ? Sans aucun doute. Cela le préoccupe-t-il ? Visiblement pas. Et même si cette fois, il n'a signé que pour un run de douze épisodes, ce doute persiste car l'aura du scénariste n'est plus du tout la même qu'auparvant. La première fois qu'il a écrit JSA, il succédait au tandem David Goyer-James Robinson, la deuxième il relançait la série tout seul, fort d'un run acclamé, puis accompagné par Alex Ross.


Qu'est-ce qui a motivé Geoff Johns à s'y recoller ? Certainement une sincère affection pour ces personnages, absents depuis longtemps (ils avaient été effacé de la continuité DC durant la période des New 52 et n'ont reparu que tardivement depuis Rebirth). Mais cela suffit-il ?

Johns n'écrit plus pour DC des séries régulières depuis un moment (depuis Justice League durant les New 52 si je ne m'abuse). Sa réputation a été entâchée par les déclarations incendiaires de l'acteur Ray Fisher qui l'a accusé d'avoir eu un comportement limite durant al production du film Justice League commencé par Zack Snyder et achevé par Joss Whedon avant d'avoir droit à un director's cut par Snyder.

Johns a conservé malgré tout une place à part chez DC, développant des projets ambitieux (la trilogie Batman : Earth One) mais polémiques (comme Doomsday Clock, Three Jokers), semblant réserver son énergie à des titres indépendants (Geiger, Junkyard Joe, chez Image Comics). Etrange destin de celui qui fut le grand architecte du DCU, garant de la tradition tout en voulant moderniser la marque, et aujourd'hui oeuvrant dans son coin, quasiment comme un rescapé d'une époque révolue.

Le parallèle avec les héros de la JSA devient alors troublant puisque, eux aussi ont été écartés du DCU avant d'y revenir par la petite porte, mais grâce principalement à Johns, lié à eux comme un père à ses enfants mal-aimés. Et l'intrigue de The New Golden Age prolonge cette direction puisque l'héroïne est Huntress, la fille de Batman et Catwoman, envoyée à divers époques dans le passé pour prévenir le massacre de son équipe des mains d'un criminel temporel, Per Degaton.

Pourtant il faut bien avouer que Johns peine à convaincre. La répétition du cliffhanger, la présence très discrète de Per Degaton pourtant censé être la grande menace du récit, le manque de substance des personnages (dûe au peu de scènes qu'ils ont pour exister), tout cela donne un produit confus, au rythme flottant, dans une ambiance vaporeuse, qui plus est perturbé par une publication irrégulière.

Cet épisode m'a pourtant plu, il est dynamique, il y a de l'action, Mikel Janin y dessine plus de pages, et Jerry Ordway est excellent. Visuellement, c'est un beau comic-book, on serait très ingrat de ne pas le reconnaître, et d'ailleurs Janin et Ordway ont beaucoup compté dans mon choix d'investir dans cette mini-série. Sur ce plan-là, aucun regret.

Le prologue, situé en 1944, illustré par Ordway, est superbe, et prouve encore une fois que Johns connaît l'Histoire de DC comme sa poche, convoquant le personnage du Soldat Inconnu mais aussi la Easy Company du Sgt Rock, et les mentionnant comme d'authentiques héros de l'âge d'or.

La suite est aussi soignée. Revoir Bobo le détective chimpanzé et Deadman aux côtés de Doctor Fate/Khalid Nassour fait plaisir, juste avant d'assister à une scène de baston avec la JSA (composée d'Alan Scott, Jay Garrick, Power Girl, Doctor Mid-Nite II, Stargirl, Wildcat II, Jakeem Thunderbolt et le génie Yz, et mentionnant ensuite Ted Grant et Hourman) mise en scène avec efficacité.

Mais d'où vient alors qu'on reste frustré ? La narration est très décompressée, il ne passe objectivement pas grand-chose, on a l'impression que Johns gagne du temps, joue la montre - un comble pour une histoire où l'horloge tourne contre les héros. Par exemple, la scène de bataille avec la JSA que je mentionne est tout de même très longue - trop ! Ce qu'affronte l'équipe (une invasion de Bizarro provoquée par Angle Man) n'est pas suffisant pour justifier qu'elle ne règle pas ça plus vite, ça ressemble à un prétexte pour délayer la sauce et respecter une sorte de quota de baston que le lecteur ne réclame même pas.

Et, en vérité, c'est comme ça depuis le début. Tout semble se traîner, tarder à exploser. Quand on ressent ça au bout de seulement trois épisodes, donc avec encore neuf à lire, ce n'est pas encourageant ni stimulant. C'est comme consulter sa montre quand on regarde un film, ce n'est pas bon signe. La seule chose qui fait espérer que ça va bouger un peu, c'est le cliffhanger final, qui change de celui vu auapravant. Mais pas non plus de quoi s'enflammer.

Parce que, honnêtement, Per Degaton est un vilain vu et revu et on peut légitimement s'interroger sur la pertinence à l'utiliser encore. Ce qui aurait été bienvenu, ça aurait de suprendre le lecteur avec un adversaire moins familier, ou à tout le moins avec un Per Degaton en possession d'une arme, d'un atout inédit. Et puis, franchement, retrouver la JSA aurait été certainement plus jubilatoire si c'était l'équipe qu'on aime, qu'on connait, et pas une importation de celle de la série télé Stargirl... Ecrite par Geoff Johns.

C'est tout le paradoxe (temporel) de cette mini-série : elle aurait gagné à être rafraîchie, peut-être avec un autre auteur, tout en ne cherchant pas à dérouter le fan là où il aime le moins l'être (donc sans lui imposer des personnages prolongeant une série télé annulée). Johns tente davantage ostensiblement de recycler des idées qu'il avait pour son show télé que de réellement proposer un troisième volume de Justice Society of America digne de ce nom.

Et se pose enfin LA question, un peu dérangeante mais évidente : et si Geoff Johns avait fait son temps chez DC (et qu'il lui fallait mieux tirer sa révérence, pour uniquement écrire ses creator-owned ou re-tenter sa chance chez Marvel) ?

Je ne sais sincèrement pas quoi faire. D'un côté, j'ai envie de lire la suite. De l'autre, je n'ai pas envie d'écrire dessus sans être pleinement motivé. Peut-être que je vais sagement attendre la fin et rédiger, quand elle sera venue, une critique globale sur les épisodes 4 à 12. Ce serait certainement la plus sage des options.

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