dimanche 12 mars 2023

BARBARELLA/DEJAH THORIS, de Leah Williams et German Garcia


Ce dimanche, je vais vous parler d'une mini-série curieuse, typique de l'éditeur qui l'a publiée, Dynamite. Cette maison exploite des franchises aussi diverses que Red Sonja, Vampirella, Dejah Thoris ou, et c'est le plus étonnant, Barbarella. Leah Williams, la scénariste de X-Terminators, a ainsi imaginé, en 2019, la rencontre improbable entre l'héroïne de Jean-Claude Forest, et celle de Edgar Rice Burroughs, superbement mise en images par German Garcia.


L'extravagant Dr. Gitu est retrouvé mort dans son laboratoire par Barbarella, l'exploratrice du futur, dont il avait fait la connaissance sur un forum en ligne. Elle trouve sur place sa dernière invention, un miroir à la surface scintillante et fluide, et passe à travers. Sur Mars, dans un passé reculé, la princesse Dejah Thoris trouve le même objet et fait le même chemin que Barbarella.


Réunies, les deux femmes découvrent un monde en guerre entre une faune sous-marine et une armée spatiale qui veut épuiser les ressources de cette planète. Pour sauver les indigènes, elles atteignent un autre portail spatio-temporel qui leur permet de rencontrer le Dr. Gitu. Lequel a une solution radicale au conflit et une bonne raison pour avoir provoqué la rencontre entre Dejah et Barbarella...


C'est peu de dire que tous les comics produits par Dynamite sont de qualité égale à ce crossover entre Barbarella et Dejah Thoris. D'habitude cet éditeur mise tout sur des couvertures de floppies signées par des artistes aussi talentueux que Alex Ross ou Jae Lee, mais les pages intérieures sont rarement à la hauteur.


Pourtant, Dynamite possède un joli catalogue de propriétés et surtout n'hésite jamais à éditer des rencontres entre des personnages qui n'ont rien en commun. Vampirella partage des aventures avec Red Sonja ou des super-héros du golden age tombés dans le domaine public, parmi tant d'autres exemples.

Mais là, c'est différent parce que les noms de Leah Williams (scénario) et German Garcia (dessin) parleront aux amateurs de comics, la première ayant récemment écrit X-Terminators (dessiné par Carlos Gomez, pour Marvel), le second illustrant actuellement la série Briar (de Christopher Cantwell, chez Boom ! Studios). 

Barbarella, je ne sais comment, est désormais exploitée par Dynamite et ça fait quand même tout drôe de voir l'héroïne emblématique de la révolution sexuelle, créée en 1962 par le génial Jean-Claude Forest, être la propriété des américains. Sans doute les ayant-droits de Forest ont-ils reçu un généreux chèque pour léguer le belle aventurière, immortalisée par Jane Fonda au cinéma dans le film de Roger Vadim en 1968.

Dejah Thoris est le fruit de l'imagination prolifique d'Edgar Rice Burroughs qui l'a inventé en 1917 dans ses romans martiens, la princesse devenant la partenaire de John Carter. Leah Williams trouve un moyen astucieux de réunir Barbarella et Dejah pour les plonger dans une aventure mouvementée au coeur de laquelle se joue le destin de Mars.

Mais surtout on louera le talent de Williams qui sait respecter les voix de ses deux personnages. Barbarella reste cette exploratrice très intelligente autant que belle, à la langue bien pendue, et qui sait aussi écouter ses désirs. Toutefois l'histoire ne permet pas - à moins que ce ne soit de l'auto-censure de la part de la scénariste - de mettre en scène le tempérament sensuel de l'aventurière du futur (en dehors d'un très bref moment où elle a envie d'embrasser Dejah Thoris... Mais à la fin c'est cette dernière qui gratifera d'un baiser sa partenaire).

Dejah est elle aussi bien animée, Williams soulignant son allure de majesté, son caractère de guerrière, mais aussi sa désorientation quand elle voit dans quel environnement elle doit évoluer, passant d'une Mars asséchée à une planète submergée. Le duo que forment les deux femmes fournit son lot de scènes drôles, Barbarella qui affronte chaque situation avec sang-froid et trouve une solution rapide à tous les obstacles qui se dresse devant elle, tandis que Dejah est davantage dans l'action, la sensibilité, l'instinct, l'immédiateté. Ce sont un peu la tête et les jambes avec ces deux-là.

German Garcia nous enchante avec ses planches et on les savoure d'autant plus que l'artiste revenait alors d'un très long congé, alors que dans les années 90 il était un dessinateur promis à une carrière brillante. Depuis son style a beaucoup changé, en bien : il n'a plus rien à voir avec celui qu'on trouvait dans les pages de Superman ou X-Men.

Le trait s'est considérablement épuré et a gagné en élégance. La manière dont il croque les deux héroïnes est symbolique de cette évolution : Barbarella possède un charme sidérant, qu'aurait apprécié Forest, tandis que Dejah Thoris, dans son costume invraisemblable, qui ne laisse que peu de place à l'imagination tant elle est découverte, impose sa silhouette plus athlétique et sa peau de couleur plus mate.

Entre la blonde cérébrale mais épicurienne et la brune royale et peu farouche, on n'a pas le temps de s'ennuyer, d'autant moins que tout se tient en quatre épisodes rondement menés. Il y a une part de plaisir coupable dans ce comic-book tellement curieux, avec son tandem uni de manière opportuniste. Mais le rythme, l'esprit, et la beauté picturale du résultat compensent largement la bizarrerie du projet.

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