samedi 14 septembre 2019

ISOLA #9, de Brenden Fletcher, Karl Kerschl et Msassyk


Il faut décidément être très patient pour lire Isola puisque le précédent épisode était sorti le 26 Juin dernier ! Ce qui sauve cette série, c'est la qualité de chaque nouveau numéro, mais bon sang, que c'est long... Et pour moins de trente pages. Ce neuvième chapitre, le pénultième de ce deuxième arc, marque toutefois un vrai tournant, dans la narration et le cliffhanger. (Presque) de quoi tout pardonner à Brenden Fletcher, Karl Kerschl et Msassyk...


Rook est toujours sous la coupe de Miluse. Cette dernière a réussi à écarter Olwyn en l'obligeant à coucher dehors. Elle a littéralement envoûté la capitaine au point de lui faire croire que les légumes de son jardin ne sont pas pourris.


Impuissante mais pas résignée, Olwyn entreprend de découvrir le secret de la cabane de Miluse, alors qu'elle dort avec Rook. La tigresse voit, grâce à son regard altéré par la magie de son frère, que les animaux que retient prisonnier Miluse sont en fait des enfants dans des cages.


Mais en voulant les libérer, elle alerte la jeune sorcière qui tente de la tuer. Olwyn ne doit la vie sauve qu'à l'intervention de la mère de Miluse. Tandis que la tigresse emmène les otages au loin, Miluse tue sa mère. Le bruit engendré par cette pagaille réveille Rook, qui recouvre ses esprits.


Une fois suffisamment éloignés de la cabane de Miluse, les enfants transformés reprennent forme humaine et invitent la tigresse à les suivre jusqu'au village de la tribu de Kaji pour que les sorciers la libèrent du sortilège de Asher.


Rook a également fui Miluse et recherche sa reine, en vain. Découragée, elle se reproche d'avoir cédé aux charmes de la sorcière. Mais elle se reprend quand une voix familière la réconforte. Olwyn sous sa forme humaine se présente devant sa capitaine.

Revenons brièvement sur la parution de Isola. Les comics, par leur périodicité traditionnelle (c'est-à-dire mensuelle), ont formé les lecteurs à une habitude proche de l'addiction. Il nous faut notre dose, quasiment comme un drogué. Mais pas seulement...

En effet, bien qu'on les nomme séries, les comics sont en fait plus proches du feuilleton : les épisodes se suivent, ils forment des histoires au long cours le plus souvent. Le rythme de parution mensuel est donc idéale pour ce type de narration qui nécessite de ne pas laisser filer trop de temps entre chaque numéro.

En devenant bimestriel, Isola, qui est un comic-book où il ne se passe déjà pas grand-chose, où l'action au sens le plus spectaculaire est rare, impose au lecteur d'avoir une bonne mémoire pour se souvenir de ce qui s'est passé précédemment, parce qu'on ne lit pas que ce titre. Si encore chaque épisode était devenu plus garni en changeant de parution, on aurait eu la satisfaction d'en avoir plus même si on en avait moins souvent. Mais ce n'est pas le cas.

On pourra alors imaginer ce qui nécessite autant de temps à Brenden Fletcher, Karl Kerschl et Msassyk pour ne produire qu'un épisode en deux mois. Comme le résultat reste superbe et envoûtant, on n'ose pas trop râler. Mais il est certain qu'on pardonnera moins facilement aux auteurs le jour où ils livreront un numéro inférieur en qualité.

Ce n'est pas le cas cette fois-ci car ce neuvième chapitre est un des meilleurs depuis le début. L'écriture et le dessin sont virtuoses : tout ou presque est raconté du point de vue d'Olwyn, donc d'une tigresse muette et placée en situation délicate. Pourtant Fletcher et Kerschl parviennent à rendre admirablement les sentiments de frustration et de détermination de l'animal, à faire progresser le récit par petites touches et péripéties tendues.

Le découpage de Kerschl est extraordinaire par sa variété dans la valeur des plans, leurs compositions, l'expressivité des personnages. Vous doutez qu'on puisse vibrer à l'enquête d'une tigresse, lisez donc cet épisode et vous verrez ce qu'un artiste de génie peut tirer de cette contrainte. C'est bluffant.

Le lettrage et la colorisation ajoutent à la magie, suggérant à chaque plan une ambiance captivante, stressante ou ensorcelante. Fletcher et compagnie auraient pu tirer sur la ficelle et développer quelques épisodes durant ce séjour empoisonné chez Miluse, mais en deux chapitres, ils produisent une histoire dense, électrisante, troublante, pleine d'images mémorables et originales.

Jusqu'à la toute dernière, une pleine page superbe encore, qui renverse complètement la situation et pourrait donner une impulsion radicalement nouvelle à la série entière.

Dommage hélas ! qu'il faille attendre deux mois et quelques pour savoir à quoi elle va aboutir. Mais Isola nous a habitués aux miracles autant qu'elle nous enseigne la patience.

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