Avec ce cinquième et pénultième épisode de House of X, nous entrons dans le dernier quart du projet de Jonathan Hickman (puisqu'il ne reste que quatre épisodes à paraître, toutes séries confondues). Et cette dernière ligne droite se dessine nettement cette semaine avec un numéro qui synthétise pas mal d'idées et ouvre d'ultimes portes. Le résultat est encore une fois emballant, et magnifiquement mis en images par Pepe Larraz, au diapason de son scénariste.
Krakoa. Polaris et son père, Magneto, assistent à la cérémonie des Cinq : Goldballs, Proteus, Hope, Elixir et Tempus redonnent vie aux huit X-Men abattus lors de la mission sur la station Orchis. Le professeur X achève le processus en leur rendant la mémoire.
S'ensuit une présentation, par Tornade, devant le peuple mutant. Les Cinq sont acclamés comme des faiseurs de miracles puis les huit ressuscités sont réintroduits dans la communauté en héros. Magneto hésite à se réjouir complètement car, le lendemain, a lieu un important rendez-vous.
Mais Charles Xavier est confiant, galvanisé par ce qu'ils ont déjà accompli. Aux Nations Unies a lieu le vote pour la reconnaissance de la Nation X. Emma Frost a préparé le terrain en compagnie du Fauve notamment.
Krakoa est admis dans le concert des pays de l'institution, avec l'intervention évidente d'Emma Frost, qui a influencé certains ambassadeurs. Xavier s'en accommode car ceux qui ont rejeté Krakoa sont identifiés et minoritaires donc. Et il a même prévu de grandes responsabilités pour la Reine Blanche.
Deux jours plus tard. Malgré les réticences de Wolverine, Xavier passe à une nouvelle étape en ouvrant les portes du refuge mutant à ses pires ennemis. En échange de leur promesse sacrée pour préserver Krakoa et se plier aux règles de la communauté, Apocalypse et d'autres sont accueillis.
Le succès commercial aidant, House of X (tout comme Powers of X) a tout pour devenir un jalon important dans l'histoire éditoriale des X-Men, comme l'ambitionnait Jonathan Hickman. Le scénariste a en effet totalement repensé la franchise en partant des fondations et en en développant le concept. C'est comme si la machine, bien grippée, re-fonctionnait comme au premier jour. Un miracle.
Le miracle est au coeur de l'ouverture de cet épisode puisqu'on assiste à la résurrection des huit X-Men morts sur la station Orchis. Et, comme je l'avais imaginé, tout renvoie à la toute première scène du premier épisode de HoX lorsque le Pr. X évoluait dans les entrailles de Krakoa et assistait à l'éclosion de cocons. La série est bâtie comme un fabuleux jeu sur la temporalité, entre la révélation des multiples vies de Moira McTaggert, le saut dans les futurs (dans cent et milles ans), et donc jusqu'à ce flash-forward inaugural qui trouve son explication dans ces pages.
Hickman emploie magistralement des mutants qui embarrassaient bien des scénaristes comme Hope Summers, Tempus et Goldballs (créés par Bendis dans ses Uncanny X-Men), ou même Proteus. Le rôle qu'il leur distribue est tout bonnement génial et permet de faire passer la résurrection des X-Men comme une lettre à la poste, tout comme il assigne à Cerebro une fonction insoupçonnée et pourtant évidente.
Mais ce qui suit est peut-être encore plus passionnant. On a droit à une célébration étonnante avec Tornade dans une partition tout à fait inédite. Faire de Ororo une sorte de pasteur qui enflamme une assemblée de mutants comme dans une église produit un effet ébouriffant. Et un soupçon de malaise bienvenu, car soudain la communauté des X-Men nous apparaît clairement comme une sorte de congrégation quasi-fanatique, exultant de manière presque hystérique, devant des faiseurs de miracles et des héros revenus d'entre les morts.
Nus comme des vers, Cyclope, Jean Grey, Nightcrawler, Angel, Wolverine, Husk, Monet, Mystique sont des divinités païennes troublantes, anges et démons, monstres et surhommes, encore maculés de la substance des oeufs dont ils viennent de sortir, à peine conscients. Ce sont des clones, mais avec une conscience préexistante, leurs âmes originelles restaurées comme leurs corps. Hickman ne mentait pas en donnant à Magneto cette réplique à la fin de HoX #1 comme quoi l'humanité avait de nouveaux dieux désormais.
Par ailleurs, le retour des morts renvoie à la rencontre entre Xavier, Magneto et Mister Sinister dans PoX #4 la semaine dernière : on comprend pourquoi Nathaniel Essex a été chargé de collecter l'ADN de tous les mutants, tout comme nous est dévoilée la fonction précise et le lien des Cinq, véritable entité à part (par exemple, Goldballs, mutant au pouvoir grotesque, devient un élément beaucoup plus riche que ne l'avait sans doute imaginé Bendis, et Hope assume elle aussi un rôle bien moins symbolique). Tout est si bien fichu, échafaudé dans le projet de Hickman qu'on ne peut qu'être impressionné - et ravi.
L'épisode s'ouvre par un dialogue entre Polaris et Magneto (cela induit-il que Hickman a décidé de revenir sur la retcon comme quoi Magneto n'était plus le père de Quicksilver et Scarlet Witch ? On verra. La question se pose aussi sur le statut de Namor, requalifié comme mutant depuis quelques années, mais totalement absent depuis le début de HoX-PoX.). Cet échange porte sur ce qui donne son titre à l'épisode : la notion de société, qui est la seule valablement conservée par les mutants.
Dans le contexte actuel, il s'agit d'un terre conquise et reconnue, dont les habitants ne peuvent plus être ignorés ni chassés. Et c'est l'enjeu de la deuxième partie de l'épisode quand les Nations Unies votent pour la reconnaissance officielle de Krakoa. Là encore, on a droit à quelques surprises sur la méthode : le Pr. X devine qu'Emma Frost a influencé les votes mais ne s'en formalise pas trop - au contraire, il promet même à la Reine Blanche un poste à responsabilité dans un futur proche.
Bien entendu, une telle attitude va encore nourrir les doutes sur la personnalité de Xavier, qui assume une part de manipulation de plus en plus évidente, un façon de suggérer que "la fin justifie les moyens" - la citation en exergue de l'épisode est encore plus explicite : le Pr. X y dit que la différence entre les mutants et les humains, c'est que les mutants n'ont jamais eu le choix jusqu'à présent... Une data page précise ensuite la liste des pays ayant rejeté la reconnaissance de la Nation X (parmi eux, le Wakanda - une piste pour un conflit à venir ?).
Enfin, la troisième partie de l'épisode ne dépareille pas puisque Xavier et Magneto ouvrent les portes de leur refuge (leur arche) à leurs anciens ennemis. Si Krakoa est le pays des mutants, la Terre Sainte de la "mutanité", alors tous les enfants de l'atome doivent pouvoir y résider. L'idée est dangereuse malgré sa générosité : en accueillant Apocalypse, Mister Sinister et d'autres canailles, Xavier n'ouvre-t-il pas la porte aux loups ? Un serment suffira-t-il à étouffer les ambitions politiques ou les divergences idéologiques d'hier ? J'ai pourtant le sentiment que Hickman procède de la sorte avec une intention ferme (et louable) de ne plus dresser les mutants les uns contre les autres afin de renouveler les futurs adversaires des X-Men. Car c'est aussi cela qui a fini par étrangler la franchise : les mutants ne faisaient que s'affronter entre eux, à coups de virus, de voyages dans le temps, de possessions - alors qu'ils sont aussi des aventuriers partant dans l'espace, des héros traditionnels, des experts (qui, si on les avait consultés au lieu de les provoquer, auraient pu éviter des crises - pensez à Avengers vs X-Men si Captain America avait demandé l'aide de Cyclope plutôt que de débarquer sur Utopia en réclamant Hope).
Visuellement, il faut mieux assurer quand on a un script d'une telle qualité et Pepe Larraz sort une nouvelle fois le grand jeu. L'espagnol restera comme la grande révélation/confirmation de HoX, il franchit un palier dont il faut espérer que Marvel ne le gâchera pas en cramant l'artiste sur des events débiles.
Dernièrement, sur Twitter, Bryan Hitch remarquait à quel point Immonen avait influencé les artistes Marvel ces dix dernières années et Larraz en est un des exemples. Il n'imite pas le canadien mais a su en s'inspirer de sa narration intelligemment, notamment dans des plans grandiosement composés. La figuration abondante ne lui fait pas peur et il l'exploite avec adresse pour donner toute l'ampleur requise dans des scènes clés (la première partie à Krakoa, avec la prêche de Tornade).
Le trait de Larraz emprunte aussi aux rondeurs d'un Alan Davis, à la souplesse de ce dernier. Les personnages masculins sont souvent athlétiques, avec des exceptions notables (Xavier), les femmes divinement roulées mais sans être objectivées sexuellement. Tout est justifié dans la mesure où l'histoire définit les protagonistes comme des êtres divins, des créatures révérées par les leurs. C'est ainsi qu'auraient dû être mis en images les Inhumains quand il s'agissait ostensiblement d'en faire les remplaçants des X-Men. Larraz, avec Hickman, en fait les Néo-Dieux du MCU.
L'iconographie religieuse est abondante dans la lecture des X-Men selon Hickman et Larraz, sans pourtant tomber dans une imagerie bondieusarde. Il s'agit d'incarner plus organiquement les acteurs de l'histoire, jamais de tomber dans une représentation trop éthérée ou chargée de symboles. Ce rôle est laissé à la couleur quand Marte Gracia enveloppe d'une lumière céleste, plus signifiante, l'entrée des méchants à Krakoa, mais, tout compte fait, ça reste discret. Sinon, l'aspect charnel, sensuel même, prévaut (souligné par des teintes chaudes).
Je me répète, mais bien volontiers, semaine après semaine, mais c'est une indiscutable réussite. Pas seulement ponctuelle, me semble-t-il, mais appelée à faire date.
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