Fichtre ! Quel épisode ! Encore une fois, Jonathan Hickman réussit un sacré numéro avec ce quatrième chapitre de House of X. Le cliffhanger de la semaine dernière était accrocheur, laissant la porte ouverte à bien des théories, mais rien ne préparait à ce qu'on allait découvrir cette fois. Et dans quel état le lecteur allait être ! Ajoutez à cela des planches de folie par Pepe Larraz et vous obtenez ce qu'on peut appeler un "instant classic" - pas moins!
Krakoa. Le Professeur X réunit dans une salle Magneto, le Fauve, Trinary, Tornade et les Stepford Cuckoos. Ils entrent en contact avec l'équipe des X-Men envoyée en mission sur la station Orchis. Jean Grey répond à l'appel et expose la situation : Archangel et Husk sont morts, Wolverine et Nightcrawler blessés.
Cyclope reste résolu : il faut détruire la Sentinelle-Mère avant son activation. Nightcrawler téléporte Wolverine, Mystique, et Cyclope près de chaque branche qui retient la Sentinelle à la station et lui à la dernière des quatre.
Dans le vaisseau endommagé des X-Men, Monet évacue Jean Grey tandis qu'elle va retarder les agents de sécurité d'Orchis qui ont abordé. Wolverine, Cyclope et Nightcrawler coupent les trois premières attaches. Mystique est exécutée par Karima Shapandar et le Dr McGregor avant d'y arriver.
Monet est tuée. Jean s'éloigne de la station dans une capsule de survie. Cyclope doit détruire la dernière branche à la place de Mystique, mais Wolverine et Nightcrawler sont plus près. Ils se sacrifient pour s'en charger.
Karima Shapandar stoppe Cyclope que le Dr Mc Gregor abat. La capsule de survie de Jean est détruite. Toute l'équipe a été massacrée mais sa mission est accomplie. A Krakoa, le Professeur X pleure ses agents.
Comme Powers of X #3, la noirceur du dénouement saisit le lecteur. A vrai dire, personne, je crois, ne pouvait croire à une issue aussi radicale, aussi terrible. Bien entendu, Cyclope, Wolverine et compagnie reviendront (ils sont présents dans les séries qui succéderont à House of X-Powers of X), mais tout de même...
Tout de même, d'abord, on se demande par quel tour de passe-passe, Hickman va les ressusciter. Ce sera intéressant d'observer comment le scénariste surmontera ce qui est un des pêchés mignons des comics super-héroïques (et chez les mutants en particulier).
Bien entendu, on pense aussitôt à la fameuse sixième vie de Moira McTaggert comme une solution. Ou à la onzième - bien que Destinée ait déclaré qu'une énième incarnation était peu probable. Ou alors on en revient à la première scène de House of X #1, avec le Pr. X dans les entrailles de Krakoa alors que sortent de curieux cocons de nouveaux mutants, qui pourraient être ceux qui meurent dans ce troisième épisode, ré-engendrés. J'ai un faible pour cette dernière option, ne serait-ce que parce que l'un des "nouveaux nés" de Krakoa avait les yeux rougeoyants comme Cyclope. Mais ce n'est qu'une piste possible. Hickman est bien assez malin pour nous surprendre avec quelque chose auquel on n'a pas encore pensé.
Pour en revenir à ce numéro, c'est un petit chef d'oeuvre. Le rythme est haletant, la tension maximale. On devine très vite que la mission va mal se passer. D'entrée de jeu, l'explosion provoquée par Erasmus a endommagé sérieusement le vaisseau des X-Men, mais surtout tué Archangel et Husk. Ces deux morts choquent le lecteur qui comprend que Hickman ne plaisante pas. De même Wolverine est salement blessé (l'image reste plus suggestive mais tout de même ce qu'on voit est brutal - le bras gauche du griffu est décharné), Nightcrawler aussi est touché. Monet et Jean Grey doivent rester à bord pour garder le contact avec le Professeur X, donc il ne reste plus que quatre membres opérationnels pour détruire la Sentinelle-Mère alors que les gardiens de la station Orchis se déploient.
Tout va très vite et pendant un bref moment, on croit que le commando de Cyclope reprend l'avantage. Puis Hickman réserve un sort abominable à Mystique, exécutée sans pitié par le Dr. McGregor, déterminée à venger son mari. La scène fait froid dans le dos parce qu'elle est directe. C'est une scène de guerre où l'adversaire ne fait pas de quartier. On pourra ergoter sur le choix d'intégrer Mystique à une telle mission, mais en vérité la métamorphe devait évoluer selon un scénario précis (certainement se faire passer pour un membre du personnel de la station pour atteindre son objectif) et elle n'en a pas eu le temps.
Puis, tout dégénère, inéluctablement. On est moins étonné en fait par la tournure des événements que par leur aspect impitoyable. Les anti-Hickman y verront sans doute une preuve supplémentaire d'empathie pour les personnages (au profit du récit global). Pour ma part, j'ai trouvé qu'il y avait un certain panache, un authentique culot à envoyer à la mort des X-Men emblématiques, sans épargner personne. Et cela produit des moments intenses, poignants, iconiques. La fin de Wolverine et Nightcrawler est vraiment héroïque et spectaculaire, superbement mise en scène. Celle de Monet, hors-champ, est aussi remarquablement écrite. La chute de Cyclope, l'agonie de Jean Grey, tout ça forme des scènes mémorables, puissantes. On est vraiment à genoux, comme le Pr. X, à la fin. Depuis quand avait-on été émus par les mutants et leur disparition ?
Pepe Larraz est un artiste extraordinaire : Joe Quesada l'avait assuré, il serait la révélation du projet de Hickman, ses pages allaient bluffer tout le monde. Et c'est vrai. Ce genre d'épisode est une sorte de test grandeur nature pour vérifier ce qu'un dessinateur a sous le pied. Il faut assurer du côté du découpage - toujours veiller à rendre la scène lisible - , des compositions - bien situer les personnages dans les décors - , la valeur des plans - gérer l'expressivité et le mouvement...
Tout y est, c'est un sans faute. Mieux même : Larraz se permet des inventions graphiques très inspirées, comme la visualisation aquatique de ce qui passe dans le vaisseau des X-Men grâce aux pouvoirs de Tornade. L'effet est magnifique mais aussi esthétiquement troublant car il souligne la submersion littérale de l'équipe, emportée par une sorte de vague trop puissante pour elle.
La station Orchis, la Sentinelle-Mère, le soleil, offrent à Larraz et au coloriste Marte Gracia l'occasion de produire des images fabuleuses, grandioses, épiques et dramatiques. Tout concourt à renforcer le sentiment que ces soldats ont été envoyés dans un piège dont ils ne pouvaient revenir vivants, et donc à donner à leur sacrifice une dimension de martyr. Lorsque à la toute fin de l'épisode, le Pr. X jure "No More", c'est un renvoi au "No more mutants" de Scarlet Witch dans House of M (Hickman dresse d'ailleurs en ouverture une liste des plus grands criminels anti-mutants et Wanda Maximoff y figure, non en tant que mutante mais comme Avenger), mais c'est aussi une adresse au futur, "plus jamais" ça. Larraz représente Xavier à genoux, et une larme coule sur son visage - première émotion réelle lisible sur ce visage constamment casqué et indéchiffrable.
Comment la mini-série (et sa soeur) va rebondir après ça ? Ce n'est qu'une des questions passionnantes à laquelle Hickman devra répondre. Mais en attendant, on sort de cet épisode le souffle coupé.
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