mardi 10 septembre 2019

ALPHA FLIGHT : TRUE FLIGHT #1, de Jim Zub, Jed MacKay, Ed Brisson et Max Dunbar, Djibril Morissette-Phan, Scott Hepburn


Voilà un retour qu'on n'attendait pas (plus) - même s'il faudra voir ce que Marvel en fait. Mais tout d même ça fait plaisir de retrouver Alpha Flight, et l'initiative est très "couleur locale" puisque ce sont uniquement des auteurs canadiens qui ont produit les trois histoires courtes de ce True North. La forme est un peu frustrante, mais permet de renouer en douceur avec ces personnages.


- Mired in the Past (écrit par Jim Zub, dessiné par Max Dunbar.) - Snowbird et Talisman arrivent dans un village retiré d'où émane une énergie mystique malfaisante. Les rares habitants restent cloîtrés chez eux. Soudain un monstre attaque Talisman qui le repousse. Snowbird et sa partenaire sont aspirées dans un dimension parallèle où erre l'esprit de Richard Easton, le père de Snowbird. Elle le guide jusque dans l'au-delà avec Talisman afin qu'il y trouve le repos et n'effraie plus le village.
   

- Monsters  (écrit par Jed MacKay, dessiné par Djibril Morissette-Phan.) - Après un combat mené avec Vega et Aurora, Puck et Marina les laissent profiter d'un bain de soleil pour se promener plus loin sur la plage. Puck évoque comment en 1937, aux côtés d'Ulysses Bloodstone et Fat Cobra, il a chassé un plodex, ancêtre de son amie. Elle le lui pardonne car, étant à moitié humaine, elle a choisi depuis longtemps de ne pas être un prédateur comme ses devanciers.


- Illegal Guardians (écrit par Ed Brisson, dessiné par Scott Hepburn.) - Heather McNeil Hudson et sa fille Claire sont attaquées chez elle par un commando du Département H. James Hudson/Guardian vient à leur secours et les véhicule dans un endroit sûr. Heather sait qu'elle est traquée pour un ancien crime et veille à ce que son ex-mari ne croit pas que leur couple va renaître parce qu'il l'aide. Mais en vérité, tout ceci n'est qu'une simulation pour préparer James qui veut regagner la confiance de son épouse en cavale.

Apparue dans les pages d'Uncanny X-Men période Chris Claremont, l'Alpha Flight était surtout la création de John Byrne, son dessinateur. Anglais de naissance, mais ayant grandi au Canada, il sauva auparavant Wolverine de la mort que lui destinaient le scénariste et Dave Cockrum, l'artiste qui le précéda, car le mutant venait de la Belle Province.

Cette équipe de super-héros connut un tel succès que Byrne accepta, à contrecoeur, d'en tirer une série à part entière. En vérité, il s'attacha à écrire et dessiner des épisodes se concentrant sur chacun de ses membres, ne les réunissant que pour des circonstances exceptionnelles et tragiques. Il passa ensuite la main à Bill Mantlo et au tout jeune Mike Mignola.

La carrière de l'Alpha Flight se poursuivit, cahin-caha. Brian Michael Bendis extermina les héros durant l'arc The Collective du premier volume de ses New Avengers. Greg Pak et Dale Eaglesham les ressuscitèrent le temps d'une mini-série. Depuis, ces personnages ne faisaient clairement plus partie des plans de Marvel.

Alpha Flight : True North aura-t-il une suite ? Est-ce le prélude à une nouvelle série ? Une sorte de test auprès des lecteurs ? On verra, mais l'initiative réjouira les fans de la première heure, même si elle est forcément frustrante. Trois petites histoires d'une dizaine de pages chacune ne suffisent pas à traiter tous les membres du groupe. Mais les efforts des scénaristes et des dessinateurs sont louables.

Dans la première histoire, Jim Zub met en scène Snowbird et Talisman (la fille de Shaman) dans une intrigue très ramassée et simple, mais dont le dénouement est émouvant. On retrouve les codes de la série : un zeste de fantastique magique, le thème de la filiation, le fait que les personnages sont tous des métisses (mi-humain, mi-mutant, mi-créature divine, etc.), et comme le faisait Byrne, des héros agissant sans que toute l'équipe ne soit mobilisée. Le cadre de l'aventure est dépaysant puisqu'il se situe dans une région reculée du Canada, et le méchant est atypique.

Max Dunbar illustre avec efficacité ce segment. Son trait est vif mais agréable, il maîtrise bien les deux héroïnes (avec un costume très "redesignée" de Talisman - dommage, je préférai celui créé par Byrne). La représentation des pouvoirs est bien exécutée (il faut dire que Snowbird est un personnage très graphique, avec ses transformations).

On passe cependant à un niveau supérieur avec la deuxième histoire, la plus réussie du lot. On la doit à Jed MacKay qui se penche plus particulièrement sur deux outsiders du groupe : le nain Puck et l'hybride Marina. Dès les premiers épisodes de Byrne, une scène mémorable et choquante a lié ces deux personnages puisque Marina, sous l'emprise psychique du Maître du Monde, éventra Puck ! De l'eau a passé sous les ponts depuis et ils se sont réconciliés, même si la créature aquatique demeure une personnalité trouble.

Le récit fait la part belle aux flash-backs puisque Puck raconte comment, en compagnie du chasseur de monstres Ulysses Bloodstone et du sumo Fat Cobra, il traqua un plodex, ancêtre de Marina. L'occasion de rappeler : 1/ que si Puck est un nain, c'est parce que (comme l'a établi Bill Mantlo) il a avalé une épée magique qui, en contrepartie, a réduit sa taille humaine, et 2/ que lui et Marina ont donc en commun des origines presque communes. C'est surtout pour MacKay le prétexte à une réflexion sur le pardon, la résilience et le libre-arbitre (Marina s'est affranchie des moeurs barbares de ses aïeux). Très beau.

Très beau aussi, le dessin de Djibril Morisette-Phan, que je ne connaissais pas : on y devine les influences d'artistes comme Michael Lark, Michael Walsh, un trait un peu charbonneux, dans un découpage simple et des compositions soignées où prime le clair-obscur (les scènes au passé sont superbes). Une révélation.

Enfin, Ed Brisson signe le dernier tiers du numéro. Auteur en vue chez Marvel, il est celui des trois qui se réfère le plus précisément à l'historique de la série en mentionnant des faits remontant à un run de 2011, quand Heather McNeil Hudson/Vindicator commit un crime sous l'emprise du Maître du Monde (encore lui !). Le risque avec ce genre de citations, c'est qu'elle égare le lecteur qui n'en avait pas connaissance auparavant, mais Brisson veille tout de même à ce que son histoire reste lisible.

On voit peu James Hudson et Heather dans leurs costumes identiques, l'auteur préférant insister sur les retrouvailles d'un couple brisé. Les dialogues sont excellents, permettant toujours au lecteur d'apprécier les situations, qui défilent à un rythme soutenu. Le twist final est épatant, inattendu, et indique clairement le souhait de Brisson de poursuivre ce qu'il vient d'entamer (croisons les doigts).

Scott Hepburn dessine cette partie avec son énergie coutumière : cet artiste a rarement eu l'occasion d'animer une série, étant souvent la "doublure" de confrères plus connus (Bachalo sur Spider-Man/Deadpool) ou placé sur des titres vite annulés (Drax). Il livre une copie très propre, dans un style qui se rapproche de Chris Samnee ou Jason Latour.

Tout cela ressemble à un ballon d'essai et même si Marvel publie déjà beaucoup de séries, on aimerait bien qu'une chance soit donnée à Alpha Flight, même en conservant ce format anthologique.   

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