mardi 4 août 2009

Critique 86 : NEW AVENGERS 7 à 10 - THE SENTRY, de Brian Michael Bendis et Steve McNiven











Sentry (The Sentry en vo) est le deuxième arc narratif des Nouveaux Vengeurs, qui se déroule durant les épisodes 7 à 10, publiées par Marvel Comics à partir de Juillet 2005. Le scénario est écrit par Brian Michael Bendis et les dessins sont signés Steve McNiven.
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Captain America et Iron Man veulent en savoir plus sur les origines de Sentry, ce mystérieux individu qui a aidé à sauver de nombreuses vies durant la grande évasion au Raft (voir l'arc précédent). En effet, initialement, il faisait partie des détenus, s'étant même fait lui-même incarcérer après s'être accusé du meurtre de sa femme. Pourtant celle-ci est toujours vivante et en bonne santé...
Au même moment, Spider-Man, Spider-Woman, Luke Cage et Wolverine affrontent, tant bien que mal, le Wrecker
, un membre du gang des Démolisseurs. A l'issue de la bagarre, le malfrat est appréhendé malgré tout.
Du côté de Robert Reynolds alias Sentry, on découvre qu'il a été mentalement manipulé par Feu le mutant Jason Wyngarde et qu'il souffre de shizophrénie, partageant son le contrôle de esprit avec une entité maléfique, Void. In fine, les problèmes psychologiques de Sentry sont résolus grâce à l'intervention d'Emma Frost des X-Men : la mémoire lui revient et des barrières de protection psi lui permettent de contrôler (plus ou moins...) son alter ego démoniaque.
Il rejoint donc l'équipe des Nouveaux Vengeurs avec l'ambition de regagner son statut héroïque originel, même si son passé de justicier a été oublié par tous.
C'est également à cette époque que nous est révélée l'existence des Illuminati
, l'association secrète formée par six des plus influents héros de la Terre : Iron Man, Red Richards, Namor, Charles Xavier, Dr Strange et Flêche Noire. Leur objectif : manoeuvrer dans l'ombre pour le bien de l'humanité...
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Pour le deuxième arc de la série, Brian Bendis, contre toute attente, choisit de ne pas poursuivre sur la lancée de Breakout, à savoir la traque des fugitifs du Raft et l'enquête sur les agissements du S.H.I.E.L.D.. Cette option a de quoi déroûter et même décevoir, mais ce ne sera pas la dernière fois que le scénariste déjouera les attentes du public...
C'est donc quatre épisodes qui vont être consacrés au personnage de Sentry, aperçu dans le récit précédent. Si on passe outre son look particulièrement grâtiné et le flou concernant ses pouvoirs (flou encore en vigueur aujourd'hui), ce n'est pourtant pas une figure a priori inintéressante et elle ouvrait même la porte à une théorie prometteuse à l'époque. Malheureusement, tout cela n'aboutira pas à grand'chose de convaincant.
L'histoire joue avec la mythologie même des comics en se penchant sur le cas d'un héros qui aurait été oublié par l'Histoire, mais qui s'amuse aussi avec la notion même de réalisme : en faisant intervenir le scénariste qui l'a créé, Paul Jenkins, dans le récit, Bendis effleure ce qui aurait pu produire un effet intriguant et jubilatoire - les personnages de comics peuvent-ils acquérir leur existence propre mais aussi être totalement oubliés dès lors qu'ils cessent d'apparaître dans les revues qui leur sont consacrés ?
Résultat : justicier déjà peu gâté, Sentry a tout du pantin ridicule à la fin de cet arc. Une image dont le personnage ne se débarrassera jamais (quand bien même Bendis lui voue un attachement franchement ahurissant puisqu'il le conservera dans Les Puissants Vengeurs et les Dark Avengers).
Bob Reynolds avait cependant l'étoffe sinon d'un bon héros intéressant, en tout celle d'un personnage dôté d'un potentiel certain puisqu'il incarnait une énième version d'un personnage comme en compte déjà la série. En effet, ce n'est ni plus ni moins que le nouveau specimen du super-soldat, un "héros de la science" (comme dirait Moore justement) au même titre que Captain America, Luke Cage (qui a subi des expériences en prison l'ayant rendu invulnérable), ou Spider-Woman (cobaye de l'Hydra, l'organisation rivale du S.H.I.E.L.D.). Reynolds, en testant sur lui-même (un vieux cliché de la littérature super-héroïque) une expérience scientifique, est devenu un surhomme à "l'usage" proche de Cap et compagnie. S'il est devenu un être surpuissant, il a aussi créé un monstre qui le dévore, Void, et en souffre mentalement de manière très aiguë.
De façon surprenante, Bendis n'exploitera ni la névrose prononcé du personnage, qui aurait pû fournir de la matière aux intrigues futures et à la vie même de l'équipe des Nouveaux Vengeurs (Sentry restera toujours une sorte de ravi de la crêche, sous l'influence d'Iron Man puis, dans Dark Avengers, de Norman Osborn), ni même (et c'est encore plus frustrant) le lien qui unit implicitement plusieurs des Nouveaux Vengeurs comme des versions diverses du super-soldat.
Du coup, il est difficile d'être indulgent pour ces épisodes où pointe un autre élément distinctif des New Avengers, là aussi curieusement peu exploré par la suite : leur incapacité à fonctionner ensemble et donc à accomplir avec succès leurs missions.
En effet, il faudra le concours d'une héroïne extérieure pour maîtriser Sentry/Void, en l'occurrence Emma Frost ; et la victoire contre le Wrecker est tirée par les cheveux, les héros ne devant leur salut qu'à une ruse et de la chance face à un adversaire qu'ils ne dominent jamais physiquement. Si l'on souvient des réticences de Captain America à intégrer Wolverine dans la bande à la fin de Breakout, on voit déjà que l'équipe des Nouveaux Vengeurs est vouée à l'échec : à se demander si Bendis ne l'a pas composée juste pour faciliter sa scission lors des prémices de Civil War...
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En revanche, graphiquement, le remplacement de David Finch par Steve McNiven, bien avant qu'il ne devienne la vedette qu'il est désormais (depuis Civil War), est la bonne surprise de cet arc.
Le trait fin, élégant et précis de l'artiste est un bonheur pour les yeux après le côté un peu (beaucoup...) "bourrin" de Finch. Epaulé par ses complices Dexter Vines (à l'encrage) et Morry Hollowell (aux couleurs), Mc Niven produit des planches superbes sur une histoire bien moins bonne que lui.
Nous avons même droit, pour évoquer le passé occulté de Sentry, à quelques bandes signées par le vénérable vétéran Sal Buscema. L'emploi de cet invité au style rétro et inimitable est bien vu pour installer le décalage scénaristique et historique du récit.
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La suite des New Avengers déroute donc autant qu'elle déçoit : Bendis a-t-il sciemment voulu provoquer son lectorat après avoir démarré la série sur les chapeaux de roue ? Ou s'est-il bêtement planté en croyant malgré tout bien faire ? Il faudra un arc suivant bien mieux ficelé et plus nerveux pour se rattraper.

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