jeudi 16 novembre 2023

DAREDEVIL #3, de Saladin Ahmed, Aaron Kuder et Farid Karimi


Daredevil poursuit sa relance sous la houlette de Saladin Ahmed et je reste séduit par ce qu'il raconte. Le scénariste suit plusieurs pistes et introduit son grand vilain à la fin de ce troisième épisode. Tout ça serait presque parfait si Aaron Kuder n'avait pas déjà besoin d'aide mais son renfort, Farid Karimi, ne manque pas de qualité.


Alors qu'il espionne Ben Urich dans son bureau du "Daily Bugle", Daredevil reçoit un message du Père Javi. Les services à l'enfance sont au foyer St. Nicholas suite aux rumeurs lancés contre lui. Après avoir honoré ce rendez-vous, Matt repart patrouiller et en découdre avec les tueurs de Heat dont il découvre qui les dirige...


Je le reconnais volontiers : je n'étais pas sûr que Saladin Ahmed fasse des miracles avec Daredevil. On ne me disait pas grand bien de ce scénariste passé auparavant sur Miles Morales : Spider-Man, même s'il avait connu un beau succès critique avec sa mini-série Black Bolt (dessinée par Christian Ward).


Mais, c'est bien connu, on accueille toujours avec méfiance un auteur qui reprend une série après un run salué et même si j'ai lâché celui de Chip Zdarsky assez tôt, je n'avais pas été impressionné outre mesure par sa contribution au mythe de l'homme sans peur.
 

Et finalement c'est en ne sachant pas trop dans quoi je m'engageai qui me faire considérer avec bienveillance ce qu'écrit Ahmed. Mais j'admets que c'est intéressant et accrocheur.

En trois épisodes, il a hérité d'une situation compliquée (une tradition chez les scénaristes qui reprennent Daredevil) et trouve le moyen de l'exploiter de manière singulière. Dans cet épisode, ainsi, il continue de traiter de deux lignes narratives et le fait avec adresse.

On a donc d'un côté Matt Murdock qui est confronté à sa double vie de prêtre en charge d'un foyer pour orphelins et dont les obligations s'avèrent compliquées à ménager avec son autre vie de justicier. Cible de rumeurs; le foyer reçoit la visite du service pour l'enfance alors que Daredevil était occupé à espionner Ben Urich, qui serait le relais des rumeurs précitées.

La femme à laquelle il doit répondre le perce à jour en devinant qu'il est un homme affairé sur plusieurs fronts, ce qui pourrait compromettre sa mission auprès des enfants. Une fois sa visiteuse partie, Matt est en colère pour une double raison : d'une part parce qu'il sait qu'elle a vu juste, il s'en veut donc, mais aussi, encore, à cause des ragots contre le foyer.

Saladin Ahmed pourrait revenir au début de l'épisode et montrer Daredevil reprendre sa surveillance à l'endroit de Ben Urich. Mais il déjoue nos attentes en choisissant de donner à tête à cornes un moyen de se défouler. Et pour cela, il utilise ce qu'il a établi dans un précédent numéro.

Un groupe lourdement armé sème la terreur en ville, n'hésitant pas à tuer des innocents. The Heat va faire les frais de la rage de Daredevil. On a alors droit à une longue séquence d'action qui permet à Farid Karimi, un artiste dont je n'avais jamais entendu parler et qui a visiblement été appelé en urgence (puisque son nom n'apparaissait pas sur les sollicitations de ce numéro !), de briller.

En effet, cet inconnu au bataillon signe pas moins de onze pages (les 7-8 et 10 à 18). Et il se débrouille fort bien. La chorégraphie des combats est soignée, DD met une raclée en bonne et due forme à tout un commando. Les enchaînements sont fluides, les coups portés ont de la puissance, les acrobaties du héros sont variées et bien découpées, avec toujours de bons angles de vue. Bon, l'encrage est un peu épais et sur les pages 7-8, Karimi aurait put alléger son trait de quelques hachures inutiles, mais sa prestation est mieux que correcte.

On s'en doutait forcément mais Aaron Kuder n'a donc pas tenu plus de deux épisodes avant d'avoir besoin de soutien. C'est quand même un souci parce que deux épisodes, ce n'est vraiment pas beaucoup, et surtout il n'a pas forcé son talent sur ces épisodes en question. C'est là quelque chose que je m'explique pas avec cet artiste au demeurant doué : pourquoi Marvel continue-t-il de le mettre autant en avant alors qu'à chaque fois, c'est la même chose ? Il est incapable de tenir ses délais.

Je ne dis pas qu'il faut arrêter de le faire travailler mais un editor doit savoir anticiper avec ce genre d'artistes. Un moyen très simple aurait été de relancer la série avec un artiste capable de boucler le premier arc sans problème et pendant ce temps Kuder préparait l'arc suivant. En outre, il ne me semble pas que Kuder dispose d'une fan base aussi important que ça et donc justifiant qu'on mise sur lui comme un atout décisif pour relancer une série.

Entendons-nous bien : il n'y a rien à reprocher aux pages de Kuder ici. C'est un boulot soigné, élégant, dans la lignée de qu'il a produit sur les deux derniers mois. Mais sachant que German Peralta, un dessinateur très talentueux et solide, va arriver le mois prochain et qu'en Janvier Karimi sera reconduit, je me demande s'il est même bien utile que Kuder revienne si c'est pour produire deux épisodes et à nouveau tirer la langue. Marvel dispose de deux artistes (Peralta et Karimi) plus fiables que ne le sera jamais Kuder et au moins de talents égaux au sien (même si dans un registre différent) : la sagesse devrait imposer de les conserver et d'utiliser Kuder ailleurs.

Pour en revenir au scénario, l'identité du patron de the Heat (tout comme celle de ses membres) ne manque pas d'intriguer. Leur association n'est pas évidente et surtout Ahmed prend quand même un risque en ressortant ce vilain. De la façon dont il réussira à l'employer dépendra en grosse partie la suite. Mais soit il se rate complètement. Soit il a une idée vraiment épatante.

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