samedi 11 novembre 2023

BIRDS OF PREY #3, de Kelly Thompson et Leonardo Romero


C'est ce qui s'appelle un script réglé comme du papier à musique : Kelly Thompson a écrit un premier arc pour Birds of Prey donc chaque épisode marque une étape, à la manière d'un roman noir sur un braquage. Sauf qu'ici, c'est une jeune fille qui sert en quelque sorte de butin. Leonardo Romero prouve une fois encore son brio en collant au plus près de ce modèle, diversifiant à chaque fois son approche graphique.


Les Birds of Prey ont atteint Themyscera en suivant le plan loufoque de Harley Quinn et sans être détectées. Elles se séparent alors pour couvrir le plus de terrain possible afin de trouver Sin au plus vite. Pendant ce temps, Green Arrow doit leur gagner du temps en tentant de piéger Wonder Woman...
 

Si je ne suis plus actif sur les forums (après y avoir passé beaucoup - beaucoup trop ! - de temps), parfois il m'arrive de revenir sur le "lieu du crime", mais sans intervenir, pour notamment lire ce que mes semblables disent des nouveautés comics. Je le fais aussi avec quelques Youtubers qui consacrent des vidéos aux comics.


Mais il faut bien reconnaître qu'on trouve plus de reviews de monthly comics sur les forums que sur Youtube. Et sans y chercher des gens forcément d'accord avec moi, j'estime intéressant de prendre, en somme, la température. C'est l'occasion d'observer comment de nouveaux titres sont reçus.


Et, c'est là où je veux en venir avec ce préambule, ce qui me frappe, c'est une forme d'impatience croissante chez les fans. Beaucoup de forumeurs se plaignent à bon compte du rythme des intrigues et aussi des écarts entre les ambitions affichées par les communicants des éditeurs et la réalité des comics publiés.

C'est comme si aujourd'hui plus personne n'avait le temps, et encore moins l'indulgence de savourer les comics. Il y a une sorte d'impératif dressé par certains lecteurs entre ce qu'on leur promet et ce qu'ils ressentent, ce qu'ils lisent et ce qu'ils réclament. Il faut que ça aille vite et que ce soit aussi spectaculaire que possible.

Cette impatience et cette intransigeance interrogent : est-ce de l'exigence ou de l'intolérance. Autrement dit : les fans de comics sont-ils vraiment des fans de comics ? Ou des râleurs jamais satisfaits ? 

Prenez Birds of Prey : nous en sommes au troisième mois de publication et je pense, en toute honnêteté, que c'est un des meilleurs, des plus agréables titres disponibles. C'est formidablement bien écrit, superbement dessiné, il y a une complicité éclatante entre l'auteur et l'artiste, c'est le revival d'une série parfaitement abouti. Et pourtant on en trouve pour ne pas être content. Que leur faut-il de plus ?

C'est un peu pareil pour G.O.D.S. dont je vous parlai hier et à qui les mêmes fans reprochent de ne pas être révolutionnaire comme ils s'y attendaient. Pour ma part, quand j'entame la lecture d'une nouvelle série, je n'en attends rien : c'est presque une politesse que je rends aux éditeurs et créateurs. Je veux arriver sans a priori et être surpris, en bien ou en mal. Je ne veux pas lire une série en me disant que la précédente version était déjà bien ou mal et que donc les auteurs ont la pression de faire mieux ou aussi bien. Et surtout je fais attention à ne jamais prendre pour argent comptant la publicité autour de ladite série.

Birds of Prey pourrait servir d'exemple car justement son intrigue est conçue comme une aventure en terrain non conquis, voire franchement hostile (les héroïnes doivent récupérer une des leurs sur une île où elles ne sont pas bienvenues). Toutes ces femmes, unies, doivent séduire le lecteur et affronter des périls multiples en étant prêtes à se sacrifier pour l'objectif à atteindre. Qu'importe leur réputation, leur efficacité, leur puissance collective ou singulière, comme un comic-book, elles doivent franchir les obstacles et conquérir leur double but (sauver leur amie et charmer le fan).

Kelly Thompson avance à pas comptés mais sa prudence ne doit pas être prise pour de la frilosité. Elle est surtout vigilante et minutieuse, comme ses personnages, car, comme eux, elle sait qu'elle ne doit pas se planter. Un échec et c'est la fin. On a donc eu droit à un premier épisode avec la formation des Birds of Prey, un deuxième avec la préparation de leur expédition, et ce troisième avec l'action en conditions réelles. D'aucuns trouveront ça trop plan-plan, voire lent. Moi, je trouve que c'est gradué, nuancé et jamais ennuyeux.

Chaque numéro a son lot d'action et soigne a caractérisation et le contexte tout en conservant une part de mystère, essentielle pour justement ne pas tout déballer tout de suite au lecteur pressé (qui râlerait pareil si tout lui avait été dit plus vite comme il le souhaite). Tout cela est magnifiquement servi par les illustrations de Leonardo Romero.

C'est un dessinateur appliqué mais pas ronronnant. Il adapte son découpage à chaque étape du récit. Dans le premier épisode, il a mis en valeur les qualités esthétiques de chaque héroïne tout en soulignant ce qui les rendait unique et donc ce qui faisait de leur union une curiosité. Puis, dans le deuxième épisode, il a montré comment elles pouvaient fonctionner ensemble dans l'urgence. Ce mois-ci, il les représente en binômes et fait en sorte de souligner à quel point leur façon de se battre sont distinctes.

L'effort placé dans tout cela peut presque passer inaperçu car Romero enveloppe son dessin dans une mise en scène étudiée, avec un découpage fluide, des compositions soignées et détaillées, des plans aux valeurs variées. Pourtant, quand on voit par exemple Big Barda et Batgirl affronter des amazones, il valorise ce qui les en fait des partenaires complémentaires, au même titre que Meridian et Zealot, ou Black Canary et Harley Quinn. Imaginez ce que cela requiert de recherches pour faire en sorte que le lecteur n'ait pas l'impression de voir à chaque fois deux femmes se battre identiquement...

Et puis il y a la scène finale où Green Arrow doit retarder Wonder Woman. Quand on lit cet épisode après Wonder Woman #2 de Tom King et Daniel Sampere où l'amazone affronte un régiment entier de l'armée américaine, on sait déjà que l'archer n'a pas une chance mais il la joue quand même crânement et cela aboutit à un cliffhanger intense. Je défie quiconque de ne pas avoir furieusement envie de lire la suite dans un mois au terme de cette ultime planche (qui renvoie d'ailleurs directement à la couverture).   
Morale(s) de l'histoire : ne vous trompez pas d'impatience ni d'exigence en lisant. Savourez l'épisode pour ce qu'il offre, et aimez-le ou pas en fonction de ça, pas parce qu'il ne répond pas à toutes vos questions ou toutes vos attentes. Et n'attendez pas trop des comics, n'écoutez pas le pub que les éditeurs font (et en la faisant, ils veulent toujours survendre leurs produits, ce qui n'est pas une bon service). Là aussi, accueillez l'histoire, appréciez-la pour ce qu'elle est (et pas pour ce à quoi on la compare).

Si, après ça, vous n'aimez pas davantage Birds of Prey (comme G.O.D.S.), ce n'est pas grave, mais je pense que vous passerez à côté de deux excellentes séries.

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