vendredi 19 février 2021

MARAUDERS #18, de Gerry Duggan Stefano Caselli et Matteo Lolli


Si j'ai laissé tomber X-Force dont le traitement m'a lassé, je ne suis pas prêt de lâcher Marauders qui se bonifie de numéro en numéro - et pourtant, rappelez-vous, les débuts furent laborieux. Gerry Duggan a pris son temps pour atteindre sa vitesse de croisière, en laissant apparemment tomber la configuration initiale de la série, mais aujourd'hui je me régale. Cette fois, l'épisode est dessiné moitié par Stefano Caselli, moitié par Matteo Lolli, pour un résultat solide.


Madripoor, quartier de Lowtown. Emma Frost a invité le Pr. X et Magneto pour l'inauguration de l'hôpital qu'elle a financé à destination des habitants les plus modestes de l'île. L'établissement porte le nom de Moira McTaggert et est aussi un moyen d'empêcher les Verendi de spéculer sur l'immobilier.
 

Les frais médicaux sont entièrement pris en charge par la Hellfire trading company et accueille tous les patients sans distinction ni privliège. Parmi le personnel soignant, Callisto a l'idée d'intègrer des Morlocks comme Masque, dont le pouvoir trouve un débouché inattendu.


Mais l'opération des Marauders sur Lowtown ne s'arrête pas là. Iceberg, Pyro et Bishop acquièrent également un bar mal famé pour éloigner les fripouilles. Ce qu'ils ignorent, c'est que les Verendi ont cette fois anticipé leur mouvement et, en créant de nouveaux Reavers, s'y opposent.


La situation dégénère rapidement, une bagarre éclate, filmée par les médias locaux opportunément prévenus. Les conséquences sont rapides : l'ONU, interpelé par les Verendi, qui gouvernent Madripoor, interdit aux Marauders l'accès au port de l'île.

Commençons par... La fin de l'épisode ! On peut y lire un étonnant "To be concluded". Que les fans de la série se rassurent : Marauders n'est pas terminée ou annulée. Mais alors pourquoi cette mention ? Mon hypothèse est que Gerry Duggan a développé le titre en saisons, une pratique désormais courante. Et j'ai l'impression que que cette première saison qui va se conclure donc au 19ème épisode va concerner l'issue du contentieux entre les Marauders et les Verendi dans le cadre de l'île de Madripoor. Je peux me tromper, mais si je m'en tiens à la couverture de Marauders #20 (dont Tornade tient la vedette, avec Diablo et Kitty Pryde), je crois quand même que le scénariste va passer à autre chose. Et cela aurait un rapport direct avec Ororo Munroe au sujet de laquelle l'editor Jordan White a prévenue que 2021 serait son année, avec une histoire dédiée (et sans doute amorcée dans Giant-Size X-Men : Jean Grey & Emma Frost puis Giant-Size X-Men : Storm et plus récemment dans X-Men #17).

Revenons à ce n°17 de Marauders. Il est découpé en deux parties bien nettes, tout à fait intéressantes. Les Verendi, les gamins qui avaient voulu refonder le Hellfire Club (depuis la série Wolverine & the X-Men de Jason Aaron), ont pris le pouvoir sur l'île de Madripoor, qui a toujours été une location prisée par des crapules de tous genres. Après avoir tenté d'attaquer frontalement Krakoa, puis en cherchant à y infiltrer des agents (comme Yellowjacket), ou en transigeant avec Sebastian Shaw, les Verendi veulent en faire une place financière suffisamment importante pour contrer le commerce des mutants.

Dans cette optique, ils font de la spéculation immobilière et ont entrepris de déloger Lowtown, le quartier le plus misérable de l'île, en graissant la patte des malfrats locaux, mais aussi en y érigeant un gratte-ciel. Apprenant cela, Kitty Pryde, venue remercier des pêcheurs qui avaient recueilli Lockheed après son assassinat par Shaw, en a informé Emma Frost. Celle-ci va utiliser une partie des fonds de la Hellfire trading company pour s'opposer au projet des Verendi en protégeant les résidents de Lowtown.

Rachetant à tour de bras des logements pour que les habitants puissent continuer à y vivre, mais dans de meilleures conditions, Emma finance à présent un hôpital pour les nécessiteux. Invités à l'inauguration, Charles Xavier (pour une de ses rares sorties hors de Krakoa) et Magneto ont la surprise de voir que l'établissement porte le nom de Moira McTaggert. Callisto, elle, demande à des Morlocks de soutenir les personnel soignant.

Duggan ne manque pas de malice et joue avec les nerfs des lecteurs comme ceux des personnages. La réaction de Xavier et Magneto devant le nom de l'hôpital est impayable, mais, plus fort encore, l'utilisation de Masque, une des plus cruelles Morlocks, reconvertie en chirurgienne plastique, est formidable. L'idée même de l'hôpital est brillante puisque, depuis le début de Dawn of X, tout le monde s'interroge sur les remèdes krakoans mais aussi le degré de philanthropisme des mutants. Qu'Emma Frost devienne la financière d'un endroit où tous les nécessiteux peuvent se faire soigner gratuitement alors qu'elle a bâti sa réputation sur sa fermeté de femmes d'affaires prouve que Duggan a compris le personnage, imprévisible. Surtout, on voit que, avant la future série X-Corp, qui démarrera en Mai prochain (longtemps annoncée, elle arrive enfin), les mutants se diversifient toujours plus.

C'est Stefano Caselli qui dessine cette partie et il s'en acquitte avec son brio coutumier. Son trait précis et expressif permet d'apprécier toutes les émotions, même en arrière-plan (Proteus très touché par le fait que l'hôpital porte le nom de sa mère qu'il croit morte). Quand on pénètre, avec Callisto et Masque, dans le bâtiment, Caselli parvient à représenter parfaitement l'intérieur, flambant neuf. Les détails sonnent juste (Masque se lavant les mains avant de réparer le visage d'un enfant en bas âge affligé d'un bec-de-lièvre).

Puis on change de décor et de personnages. Un trio - Iceberg, Pyro et Bishop - font l'acquisition express d'un bar mal famé dans Lowtown, sans remarquer qu'un client envoie un message sur son smartphone aux Verendi. Ceux-ci, dans leur repaire, ont récupéré divers individus ayant croisés les mutants et blessés sévèrement par eux en diverses occasions (on reconnaîtra ensuite un militaire mutilé par Iceberg, un garde du corps blessé par Gorgone). Tel un Frankenstein moderne, l'un des Verendi en a fait des monstres assoifés de vengeance et surtout totalement transformés en armes vivantes.

A l'issue de l'épisode, le trio de mutants dans le bar et ces néo-Reavers (référence à des vilains des années 80 apparus dans la série Uncanny X-Men écrite alors par Chris Claremont) se sont affrontés en commettant assez de dégâts pour que des caméras de télévision les surprennent. Bien entendu, c'est une mauvaise publicité pour les mutants, accusés de semer le trouble alors qu'ils prétendent défendre l'opprimé. Les Verendi saisissent l'ONU qui interdit aux Marauders l'accès au port de Madripoor tandis que Bishop transmet un rapport au Fauve pour enquêter sur les Reavers.

En un épisode, on est donc passé de mutants généreux et opportunistes à une bande de voyous disgraciés. La situation s'est complètement retournée contre les héros grâce aux manoeuvres subtiles des Verendi, d'abord frustrés, puis accrocheurs. Duggan met le pression sur les Marauders et rend leur position plus précaire, relançant le suspense de façon très efficace. Le match retour s'annonce corsé.

Après les planches superbes de Caselli, je craignais que Matteo Lolli ne soit pas à la hauteur pour conclure l'épisode. Le résultat est effectivement moins abouti mais pas honteux. Lolli, sans forcer son maigre talent, parvient à produire des pages mieux composées qu'à son habitude, même si cela manque toujours autant de dynamisme et de précision. Ce garçon gangerait beaucoup à avoir un encreur solide pour que son trait gagne en intérêt. C'est fade, mais pas vilain toutefois. Et ça permet à caselli de souffler un peu.

Voilà en tout cas une série qui, avant d'entamer un nouveau cycle, captive toujours. On est loin du projet initial (des mutants pirates qui livrent la pharmacopée krakoane et sauve des mutants opprimés à l'étranger), mais le virage pris est nettement plus maîtrisé.

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