mercredi 17 février 2021

FUTURE STATE : CATWOMAN #2, de Ram V et Otto Schmidt

 

Ce second épisode de Future State : Catwoman est intéressant à plus d'un titre. D'abord parce qu'il confirme que Ram V est décidément le scénariste le plus intéressant à suivre chez DC actuellement : son écriture rythmée, inventive et sensible fait des merveilles. Ensuite parce que Otto Schmidt dessine cette histoire avec beaucoup de vivacité. Enfin, parce que l'intrigue, en plus de composer habilement avec un trio de personnages emblématiques, prouve que le projet Future State aurait pu avoir bien d'allure si, comme ici, les mini-séries s'étaient davantage adressées aux autres.


2025/ Gotham. Dans le train où elle s'est introduite pour sauver des déportés du quartier de Alleytown, Catwoman a affronté des gardes et a subi une blessure sérieuse. Le chef du convoi ordonne qu'on la gaze avec des sédatifs pour la capturer pendant que ses complices s'emploient à ralentir le train et évacuer ses détenus.


De son côté, quelques wagons plus loin, Talia Al Ghul, qui se cachait sous l'identité de Mme Canorus, représentante du Magistrat, a libéré Bruce Wayne, fait prisonnier. Mais alors qu'il s'apprête à quitter le train avec elle, il voit Catwoman en difficulté sur un écran de contrôle.


Alors qu'elle est capturée apr le chef du train, Catwoman est sauvée d'une exécution sommaire par l'intervention de Talia et Bruce. Les retrouvailles de Bat et Cat sont de courte durée car Bruce a promis, en échange de l'aide de Talia, de rejoindre la Résistance au Magistrat.


Et il refuse que Catwoman les suive car cela ferait d'elle une cible du Magistrat. Ils se séparent donc mais en convenant d'une astuce pour se revoir en cas de besoin...

J'aime décidément beaucoupce que produit Ram V et il est difficile de résister à la manière dont il anime Catwoman, quelle que soit l'époque où se situent ses aventures. De toutes les mini-séries Future State, Catwoman a été, avec Dark Detective, celle que j'ai trouvée la plus aboutie, celle qui a le mieux tiré parti des contraintes du format et du contexte, ce qui n'est pas un mince exploit avec seulement deux épisodes.

Cette attaque de train est digne des meilleurs heist stories : il y a de l'action, de rythme, des péripéties, des rebondissements, une excellente caractérisation, du romanesque. Ram V réussit à faire tenir tout ça en deux fois vingt pages, sans jamais sembler compressé par le peu d'espace mis à sa disposition - c'est encourageant pour la reprise de Justice League Dark le mois prochain où il ne disposera que de dix pages par mois (puisque que le titre sera une back-up story à la Justice League de Bendis).

On voit que le scénariste a d'abord veillé à structurer son histoire en deux actes : le précédent numéro s'achevait sur la révélation de l'identité de Mme Canorus, la déléguée du Magistrat à bord du train, et la présence dans une cellule aménagée d'un prisonnier fameux, respectivement Talia Al Ghul et Batman. 

Ram V inscrit son récit précisément dans la continuité tortueuse de Future State : tout se passe après que Bruce Wayne ait été blessé par le Gardien de la Paix 01 dans Dark Detective. Il a donc été capturé suite à cela et embarqué dans ce train qui passe dans le quartier de Alleytown, d'où sont déportés des habitants. Talia organise son évasion pour qu'il intègre la Résistance au Magistrat dont elle est la chef temporaire. Et Mariko Tamaki raconte donc dans Dark Detective où cela a mené Batman, en 2027 : la Résistance a dû être vaincue ou dispersée, Bruce est seul dans Gotham, aux abois, réfugié chez Noah, et il mène son enquête sur le système de surveillance du Magistrat.

Si Future State avait été mieux édité, il aurait ainsi gagné en densité et en cohésion car le lecteur qui suit ces deux séries (et même plusieurs autres) n'aurait pas eu à deviner les liens effectifs entre l'intrigue de Catwoman et celle de Dark Detective, qui sont donc pourtant organiquement liées. Idem pour The Next Batman, qu'on a subrepticement vu dans Dark Detective #3 mais qui y apparaît un peu comme un cheveu dans la soupe (sans parler du fait que ce nouveau Batman n'a rien de remarquable : pour le coup, c'est vraiment l'exemple type du personnage survendu, juste parce qu'il y a un homme noir derrière le masque).

Ram V répond aussi à la question de savoir si Catwoman et Talia agissaient de manière unie et il est évident que non. Cette énorme coïncidence est le seul bémol de ces deux épisodes et sans doute l'ensemble aurait gagné à montrer que les deux maîtresses de Batman étaient de mêche dans cette attaque du train, même avec des objectifs divers (libérer Batman pour Talia, les habitants de Alleytown pour Catwoman). Néanmoins, les dernières pages, où Batman et Catwoman sont obligés de se séparer à peine après s'être retrouvés, sont magnifiques, à la fois poignantes et pleines de malice (quand Batman explique à Catwoman comment elle pourra le contacter).

Visuellement, Otto Schmidt aura aussi participé au succès de ces deux épisodes. La vivacité de son trait, qui conserve ainsi la fraîcheur d'une esquisse, convient parfaitement à cette aventure qui file à toute vitesse. Parfois on peut reprocher à cet artiste de ne pas davantage peaufiner ses images, surtout quand on sait à quel point il peut produire des pin-up autrement ouvragées, mais cela fait partie du charme de ce graphisme.

Car ce qu'on perd en détail, on le gagne en énergie. Schmidt, quand il ne dessine pas des comics, collabore à des films d'animation (comme le futur Justice Society : World War II), en qualité de storyboarder ou character designer. Et cela se sent dans la façon dont il découpe les scènes, comme il compose ses planches. Il a le sens du cadre, de l'angle de vue. Il va à l'essentiel et transforme le récit en un vrai page-turner où la page importe plus que les cases qui la forment. C'est cela, au fond, le style de Schmidt : imposer une narration d'ensemble, tout en enchaînements, qui va emporter le lecteur, ne pas lui laisser le temps de souffler, de s'attarder. Et c'est bigrement efficace.

J'ignore comment, le moment venu, Urban Comics publiera les différentes mini-séries Future State mais il faut espérer que l'éditeur français de DC fera un effort pour organiser les titres dans leur chronologie confuse et surtout pour les distribuer en fonction de leur location (avec un pack Gotham conséquent). C'est à cette condition-là que les fans de vf pourront apprécier pleinement le projet. 

Aucun commentaire: