jeudi 12 juillet 2018

SUPERMAN #1, de Brian Michael Bendis et Ivan Reis


Cette fois, on y est : c'est le début officiel du run de Brian Michael Bendis sur Superman. Le scénariste a voulu le personnage, il a quitté Marvel pour avoir la chance de l'écrire, et après le tour de chauffe de Man of Steel et avant le retour (en Août) d'Action Comics, son premier arc narratif démarre maintenant. Accompagné par Ivan Reis, Bendis a promis une aventure épique. Pari tenu ?


Depuis le départ de Lois et Jon avec son père Jor-El, Superman, dans l'impossibilité de les contacter (car son communicateur a été détruit durant sa bataille contre Rogol Zaar), sillonne la galaxie à leur recherche. Mais autant trouver une aiguille dans une botte de foin. Il en profite cependant pour stopper une invasion extraterrestre à l'occasion.


De retour sur Terre, il doit aussi composer avec la perte de la Forteresse de Solitude. Ses amis de la Justice League - Green Lantern, Flash, Wonder Woman - lui offrent son aide pour la rebâtir mais il préfère la délocaliser.


Grâce à un cristal de Krypton, sa nouvelle antre secrète se trouve maintenant dans le Triangle des Bermudes. Il peut désormais se consacrer à son travail au "Daily Bugle" à Metropolis mais, à peine commence-t-il à rédiger un article, qu'il reçoit un appel télépathique du Martian Manhunter.


J'onn J'onzz lui explique d'abord qu'il le comprend mieux maintenant car ils partagent le même deuil de leur planète natale et de ses vestiges, anéantis par des guerriers. Mais il souhaiterait surtout que Superman rebondisse en devenant plus qu'un héros - la Justice League peut le suppléer à ce niveau. Il devrait ambitionner de devenir un guide pour l'humanité.
  

Superman promet d'y réfléchir même si le Martian Manhunter est conscient que c'est une lourde tâche. Absorbé par ses pensées, Kal-El survole la ville en songeant à sa famille et ne s'aperçoit pas tout de suite d'une étrange perturbation. La Terre vient d'être aspirée dans la Zone Négative !

Hé bien, trêve de suspense : j'ai vraiment apprécié cet épisode, qui remplit parfaitement le cahier des charges que s'est fixé Brian Bendis. Reprenons.

Pourquoi le scénariste tenait-il tant à écrire Superman en venant chez DC ? Il a expliqué à plusieurs reprises depuis son départ de Marvel que l'Homme d'Acier représentait pour lui le symbole de "la vérité, de la justice et du mode de vie américain" tels qu'il les concevait. Son objectif était de rendre au kryptonien une proximité avec le lecteur tout en lui donnant des histoires à sa démesure dans la série à son nom (Action Comics sera plus centré sur Clark Kent, son entourage et des missions au sein de la ville). Mais en soulignant le fait que Superman était un alien, un étranger qui, avec le décalage que cela suppose, voit d'abord le meilleur dans l'homme et veut l'exalter, le défendre.

Cet épisode est une synthèse de ce programme : d'abord il gère les retombées de la mini-série Man of Steel en montrant le héros esseulé suite au départ de sa femme et leur fils avec son propre père, Jor-El, pour un voyage galactique éducatif. Dans l'impossibilité de les joindre, il passe son temps libre à sillonner l'espace à leur recherche mais soigne surtout sa frustration en repoussant des menaces cosmiques. La manière dont Bendis met cela en scène donne à voir un Superman qui fait cela comme une routine et souligne sa puissance tranquille.

Mais le héros n'a pas perdu que sa famille, il a aussi vu la destruction de son refuge secret et le rebâtit dans un endroit hautement fantasmatique (le Triangle des Bermudes), un choix sûrement pas innocent pour l'avenir. A cette occasion, il est entouré par quelques membres de la Justice League (qui serait certainement celle qu'écrirait Bendis si Snyder ne le faisait pas actuellement, avec Flash, Wonder Woman et Green Lantern - Hal Jordan plutôt que John Stewart) - manière de rappeler rapidement l'autre place de Superman, comme membre de cette équipe.

S'ensuit une longue scène comme seul Bendis en signe : Superman a une discussion avec J'onn J'onzz à l'occasion de laquelle les deux survivants comparent la similitude de leur situation mais aussi la position du kryptonien par rapport à la marche du monde. Comme Jor-El, le Martian Manhunter pense que Superman peut (doit ?) faire plus que jouer au justicier : il doit être un guide pour les humains, quitte à déléguer ses autres missions à ses amis. Ce dialogue est monté avec humour car Bendis, malicieux, alterne les échanges entre les deux camarades et les interruptions dans la conversation par les interventions express de Superman contre des catastrophes ou des super-vilains alentours. Le lecteur a à la fois de quoi réfléchir sur ce qu'exprime J'onn J'onzz et sa dose de grand spectacle avec des images de baston percutantes, qui, là, encore, montre l'efficacité impressionnante de Superman (ainsi que son impossibilité à ne pas réagir quand une menace se manifeste - ce qui contrevient aux aspirations du Martian Manhunter).

Tout cela ne serait pas si probant sans les dessins d'Ivan Reis, qui semble très motivé par la série et le personnage. Le brésilien a l'occasion de briller comme lorsqu'il illustrait les scripts de Geoff Johns sur Green Lantern, davantage que lorsqu'il doit animer des team-books trop exigeants pour son style détaillé.

Bendis a l'habitude (comme Mark Millar) d'écrire pour mettre en valeur les forces de ses artistes et il sait qu'avec Reis, il dispose d'un partenaire complet, aussi à l'aise dans les moments gourmands en espace à remplir que pour d'autres plus intimistes. De fait, il passe de l'un à l'autre avec une admirable fluidité et une facilité insolente, engendrant une émotion tangible quand il représente Clark chez lui, hanté par ces instants de bonheur avec Lois et Jon.

Par le passé, notamment lorsqu'il a dessiné Justice League (durant les "New 52"), Reis avait déjà pu s'exercer sur Superman et sa maîtrise du personnage saute aux yeux quand il doit faire la démonstration de sa puissance. Il le saisit dans le feu de l'action, agissant promptement et sans forcer, tel qu'on l'imagine. Le contraste entre ce surhomme capable de repousser une armada extraterrestre en deux temps, trois mouvements, et son affliction d'époux et de père abandonné résume idéalement la vision de Bendis d'un héros à la fois inhumain et si proche de chacun.

Le cliffhanger de la dernière page nous introduit dans un récit accrocheur, qui devrait, si on en croit les déclarations récentes de Bendis, faire l'objet d'un long développement épique. Après ce début prometteur, on ne peut qu'être impatient de lire la suite dans un mois.    

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