lundi 9 juillet 2018

BATMAN #50, de Tom King et Mikel Janin


Avant de vous parler du n°1 de la nouvelle série Catwoman, il faut passer par le #50 de Batman, écrit par Tom King et dessiné par Mikel Janin plus une prestigieuse liste d'artistes invités. Bien que la presse et les sites spécialisés ont éhontément spoilé une partie de l'épisode à la suite d'un article du "New York Times", le dénouement permet quand même d'apprécier le contenu en confirmant bien que le scénariste n'en a pas fini avec le couple - après tout, King a annoncé avoir un plan courant sur cent numéros et il n'en est qu'à la moitié...


Batman et Catwoman arrêtent, un énième fois, le petit malfrat Kite-Man quand le Dark Knight propose à sa partenaire d'avancer la date de leurs noces au soir suivant, sur le toit d'un immeuble comme eux qu'ils arpentent régulièrement, et en toute intimité afin de préserver leur double identité.


Batman trouve le juge Wolfman dans un bar et lui demande ensuite d'officialiser le mariage. Catwoman libère de l'asile d'Arkham sa meilleure amie, Holly Robinson, pour qu'elle soit témoin.


De son côté, Bruce Wayne demande à son fidèle majordome Alfred Pennyworth d'être son témoin, plutôt que Dick Grayson ou Clark Kent, car ils sont amis depuis toujours. Selina Kyle s'habille pour la cérémonie tandis que Holly n'en revient toujours pas que Wayne soit Batman et qu'il s'apprête à s'engager.


En route pour le lieu de leur union, Selina s'interroge sur son droit à être heureuse après la vie qu'elle a eue, souvent dans l'illégalité et contre Batman. Bruce a le même questionnement et révèle à Alfred avoir rédigé une lettre pour Selina où il lui explique pourquoi il veut d'elle pour femme - sans savoir qu'elle a écrit une missive où elle expose les raisons pour lesquelles elle doit y renoncer.


En effet, si Batman a appris à aimer celle qui fut son adversaire, Catwoman en est arrivée à la conclusion qu'en étant son épouse, elle risquerait de le détourner de la mission qu'il s'est fixée - protéger Gotham - et qu'il pourrait le lui reprocher un jour.
  

Aussi choisit-elle de se sacrifier par amour pour préserver leur couple et permettre à son compagnon de ne pas avoir à préférer sa moitié ou sa cité. Ce que, cependant, chacun ignore, c'est que le doute qui a rongé Selina Kyle, inspiré par de subtiles allusions de Holly Robinson, est un piège tendue par Bane et les ennemis du Dark Knight qui comptent bien que le héros sera brisé par cet échec amoureux...

Je n'ai plus consacré d'entrée au Batman écrit par Tom King depuis le #24 (sans compter l'Annual #2) car j'ai repris la lecture de la série en français, dans la revue éditée par Urban Comics, "Batman Rebirth", qui n'en est qu'au 25ème épisode. Je me rattraperai quand je disposerai de l'arc entier traduit de War of Jokes and Riddles.

Mais, en soi, ce n'est pas gênant puisqu'on savait déjà que Batman avait demandé Catwoman en mariage, et on se doutait de la réponse (même si elle arrive plus tard) de la belle voleuse. Depuis deux ans, donc, King a préparé le terrain pour ces noces en réfléchissant aux conséquences sur l'entourage du héros, les préparatifs de la cérémonie. Pour aboutir à ce 50ème chapitre, soit à la moitié du plan qu'il a prévu sur le titre (mais, vu les chiffres de vente qu'il atteint deux fois par mois, DC cherchera certainement le moment venu à le convaincre de rester).

En vérité, très vite, le lecteur devine que, bien entendu, rien ne va se passer comme prévu, moins à cause de l'intervention d'un vilain (le Joker a été neutralisé auparavant) que du fait des futurs mariés eux-mêmes pour qui cette étape constitue un moment décisif. Il règne dès les premières pages une sorte de fausse euphorie mais de vraie malaise, en tout cas un doute évident pour l'un des tourtereaux.

Comment transcrire cela subtilement, sans éventer la raison trop vite, et surtout sans dévoiler ce qui se cache plus profondément derrière tout ça ? King a recours au procédé qui faisait déjà la réussite de l'arc I am Suicide : une narration épistolaire. Le dispositif est particulièrement habile car il permet à la fois d'avancer crescendo mais aussi de placer les pages réalisées par les dessinateurs invités pour l'épisode.

Chacune de ces guest-stars se fend d'une pleine page et il y a vraiment du beau monde : Becky Cloonan, José-Luis Garcia-Lopez, Jason Fabok, Frank Miller, Lee Bermejo, Neal Adams, Tony Daniel, Amanda Conner, Rafael Albuquerque, Andy Kubert, Tim Sale, Paul Pope, Ty Templeton, David Finch et Jim Lee. On peut en apprécier certains plus que d'autres, mais l'affiche a de la gueule. On regrettera juste l'absence de David Mazzucchelli - mais DC a-t-il seulement cherché à lui proposer de dessiner quelque chose pour l'occasion ?

Pour ma part, je distinguerai la participation de :  

 Mitch Gerads
 Clay Mann
 Joelle Jones
 Greg Capullo
Et LE chef d'oeuvre du lot : Lee Weeks.

Mikel Janin se charge du reste avec son habituel talent : dire qu'au début, quand il a été annoncé sur la série, je doutais qu'il convienne à Batman ! Aujourd'hui, il s'est imposé non seulement comme le partenaire parfait pour King, mais au-delà comme un des artistes marquants du personnage et de ses aventures. Sa mise en scène est toujours élégante, ses effets bien dosés, sa narration lisible et efficace, c'est complet, solide, beau.

Selina Kyle refuse donc d'épouser Bruce Wayne et ses raisons sont à la fois logiques, imparables, sans être définitives, car on devine aussi que, non, cette histoire n'est pas terminée. Parce que Batman n'en restera pas là. Parce qu'elle l'aime quand même. Mais surtout parce que l'épisode se conclue sur un twist magistral qui relance complètement la machine, la fait rebondir spectaculairement et inaugure un deuxième acte dans le run de King qui impose que Batman finira par découvrir ce que ses ennemis ligués ont manigancé. Alors, on pourra s'attendre à une vengeance terrible, à laquelle Catwoman participera inévitablement, et qui serait le terrain idéal pour réunir les deux amants... Avant un autre mariage ? N'allons pas trop vite (mais pourquoi pas ? Après tout même Superman a une famille désormais).

Pour tout cela - une partie graphique fastueuse, un récit imprévisible (malgré les spoilers), les promesses pour le futur, l'émotion de l'histoire elle-même, le tournant que constitue ce chapitre - , Batman #50 est bel et bien l'événement qu'il devait être, autrement plus renversant que celui de X-Men : Gold #30

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