mardi 25 juillet 2017

HAWKEYE, VOLUME 1, de Kelly Thompson, Leonardo Romero et Michael Walsh


J'aimerai attirer votre attention sur une série qui la mérite : c'est, comme on pourrait le dire, un petit titre, qui a donc besoin d'une base de lecteurs fidèles pour exister. C'est aussi la "suite" d'un titre déjà existant qui a connu deux fameux runs ces dernières années, et qui tient bien le coup niveau qualité. Enfin, c'est une production pleine de fraîcheur, drôle, mouvementée, très bien écrite et dessinée, intelligemment éditée : Hawkeye par Kelly Thompson, Leonardo Romero et Michael Walsh.

Le premier recueil propose déjà deux arches narratives à picorer.

Dans la première histoire, Kate Bishop/Hawkeye s'est de nouveau établie en Californie en qualité de détective privée. Le business est ingrat et lorsqu'elle se fait remarquer en faisant échouer un braquage (voir ci-dessus), sa contribution est mal vue par la police locale. Malgré tout, elle accepte d'ouvrir un dossier quand Mikka N'Guyen vient lui parler du harcèlement dont elle est victime par un étudiant de son campus. 
Sans s'en douter, Kate a mis le doigt dans un engrenage : Mikka est l'ex-petite amie de sa voisine, Ramone ; le suspect, Larry Gort, n'est pas le bon coupable ; la policière Rivera rechigne à s'en mêler, et quand la vérité éclate, elle aboutit à un affrontement délirant et une arrestation suivie d'un interrogatoire... Explosif !

Si l'on peut reprocher un dénouement un peu WTF à ce premier récit, il faut être indulgent et nuancé car l'essentiel n'est pas là. Kelly Thompson s'inscrit dans la veine de Matt Fraction quand il narrait les exploits de Clint Barton tout en voulant conserver l'étrangeté des épisodes de Jeff Lemire. 

La scénariste le fait avec humilité et surtout beaucoup de distance, s'amusant à bien caractériser Kate Bishop comme une fille de la haute qui repart de zéro, galère, s'obstine, compose avec une galerie de seconds rôles hostiles (mais qui, le méchant excepté, deviennent sa bande de "sidekicks"). C'est enlevé et réjouissant.

Leonardo Romero, qui jusqu'à présent n'avait fait que de brèves apparitions ici et là (notamment dans les pages du Squadron Supreme de Robinson), s'affirme comme une vraie révélation : son trait est simple, dépouillé, d'une grande élégance. On pense à Paul Smith ou Philippe Berthet.

Mais derrière ça, il y a un artiste inventif dans ses découpages, particulièrement brillants lorsqu'il signe des doubles-pages (là encore, voir ci-dessus). Comme sa partenaire, il use de gimmicks visuels distrayants (Kate identifie chaque individu dans une foule ou chaque élément dans un décor en les nommant de manière ironique mais précise - mais sans qu'on sache s'il s'agit d'une sorte de pouvoir ou d'une acuité relative à sa pratique de l'archerie). Il ne l'a pas conçu (Aja l'utilisait déjà en poussant ce procédé de manière poussée dans la conceptualisation), mais c'est une bonne reprise.

En quatre épisodes, tout est bien posé : une héroïne définie, des seconds rôles mémorables et attachants, un ton léger et vif, et un subplot accrocheur. 

L'arc suivant est plus bref avec seulement deux épisodes et, pour permettre à Romero de souffler, Marvel a confié le dessin à Michael Walsh (Secret Avengers, Rocket & Groot) : une bonne idée car il a un style similaire à celui de Romero - quoique un peu moins appliqué, un encrage moins fin, et un découpage moins singulier.

Kate reçoit la visite de Jessica Jones (une façon discrète d'inscrire la série dans une gamme familière de Marvel, les street-level heroes, une signature un peu indé) qui est à la recherche d'une certaine Rebecca Brown. Les deux enquêtrices la pistent et la trouvent, très changée, devenue une actrice de cinéma méconnaissable... Et plus encore quand son boyfriend du moment la contrarie parce qu'il refuse de rompre !

Une nouvelle fois, Kelly Thompson part sur une base classique (retrouver une personne disparue) pour aboutir à un dénouement farfelu. La fantaisie passe cependant mieux car elle semble mieux assumée, ne concluant pas l'affaire dramatiquement. Les dialogues sont piquants, les situations divertissantes, le rythme soutenu.

Mais plus encore la complicité entre Jessica Jones, expérimentée, forte en gueule, limite arrogante dans son rôle de "grande soeur", et Kate Bishop, en mode groupie, cédant volontiers au show-off, fonctionne superbement et donne tout son sel à ces deux épisodes.

Tout ça pourrait paraître un peu superficiel, mais, bonne nouvelle, l'épisode 7 lance Kate Bishop dans une nouvelle affaire plus personnelle et intense (qui développe le subplot deviné dans la première histoire). 
C'est prometteur - et, qui sait, avec Clint Barton sur la route de son côté (dans Occupy Avengers, mais ce titre va s'arrêter), peut-être que les deux "Oeil-de-faucon" ne retrouveront sous le soleil californien à l'Automne...

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