lundi 24 juillet 2017

BLACK WIDOW, de Mark Waid et Chris Samnee

En ce moment (mais c'est une tendance qui, je crois, a tendance à se généraliser chez moi), je préfère la lecture d'un run assez bref plutôt que celle d'une série dont le terme m'est inconnu (même s'il existe des feuilletons très plaisants). C'est ainsi que je me suis régalé avec Moon Knight de Lemire/Smallwood, Captain Britain & MI 13 de Cornell/Kirk, Wolverine de Cornell/Davis.

Mais la production qui domine quand même tout ce petit lot restera les douze épisodes de Black Widow par le dynamic duo Mark Waid-Chris Samnee, cette fascinante créature à deux têtes et quatre mains qui raconte des histoires si impeccables, si virtuoses, accessibles aussi bien pour le fan que le profane, en somme la meilleure équipe artistique actuelle (chez Marvel, mais, serai-je tenté de dire, toutes maisons confondues).

Avec leur dernière livraison en date, on assiste à une fusion ultime puisque (comme sur les précédents épisodes de Daredevil en commun), ils co-écrivent, Samnee dessine et encre, et Matt Wilson embellit.

Le projet est presque expérimental tant il joue avec les codes du genre, les brouillant mais aussi soulignant ses spécificités, à la fois histoire d'espionnage, récit d'action, aventures autour du monde, super-héroïsme, origin story, substantifique moëlle du personnage principal.

Natasha Romanoff a donc été une enfant entraînée pour devenir assassin au service de la Russie, dressée au sein de la "Red Room". Durant sa jeunesse, elle a notamment tué, en service commandé, un père de famille et, le croit-elle, son fils. Mais celui-ci a survécu et grandi avec son cousin, un télépathe, aujourd'hui déterminés à se venger de la Veuve Noire. Pour cela, ils l'obligent à voler des fichiers secrets au SHIELD et donc à devenir une fugitive recherché en menaçant de révéler les contrats qu'elle a remplis pour la "Red Room".

Pour s'en sortir, Natasha doit donc à la fois déjouer la vigilance de ses maîtres-chanteurs et retourner sur les traces de son passé. Ainsi découvre-t-elle alors un second problème à régler : la création d'une "Dark Room", par une de ses anciennes camarades, formant elle aussi des fillettes tueuses, et résolue à provoquer l'implosion du SHIELD et éliminer la Veuve Noire.

Mais Natasha devine qu'un ange gardien veille sur elle, bien qu'elle devra manipuler Tony Stark et répondre à une intrigante entrevue sur la Lune...

Il y a deux manières d'apprécier SHIELD's Most Wanted (#1-6) et No More Secrets (#7-12) :

- la première, c'est de lire ces deux albums comme une saga hyper-speed (le rythme est réellement ahurissant), sur fond de vengeances, de secrets du passé. Ainsi considérée, c'est une série B, très efficace, imparable même, qui assure un plaisir immédiat, rapide, ouvragé par une équipe artistique dont la complicité est à son summum.

- La seconde, et à mon avis la plus intéressante, mais peut-être pas la plus évidente, et qui donc invite le lecteur à relire l'histoire d'un trait en ne cherchant pas l'originalité de l'histoire mais celle de l'expérience, consiste à voir la Veuve Noire selon Waid & Samnee comme un exercice de style. Comment, et jusqu'où, peut-on dégraisser, épurer un comic-book pour en faire un objet absolument jouissif, dont la narration est exemplaire par sa fluidité et le dessin par sa maîtrise ? C'est à ces deux questions qu'on répond ici. Supprimer les dialogues de ces douze épisodes et vous aurez, challenge étonnant pour un récit d'espionnage, une histoire quand même tout à fait compréhensible, d'une énergie folle, à la fois réduite à ses ingrédients les plus élémentaires et riche de toute la mythologie (attachée à son héroïne, aux super-héros, aux espions, à l'aventure, à l'action) qu'il charrie. C'est alors non seulement un page-turner irrésistible mais, et c'est là le plus fort, un objet sur lequel on a envie de revenir (pour comprendre son mécanisme, comment il peut si bien nous accrocher, pour admirer sa beauté graphique).

Il faut vraiment être TRES fort pour arriver, me semble-t-il, à ce résultat. Il s'en dégage une impression de facilité fascinante, un peu comme lorsqu'on observe un grand sportif (genre un footballeur, pour que ça parle au plus grand nombre, capable d'animer le ballon avec un jeu de jambes digne d'un danseur, mystifiant les défenseurs, passant la balle au bon moment, aboutissant au but).

"J'espère que ça valait le coup." demande un agent du SHIELD à la Veuve à la fin du premier épisode, "Moi aussi." répond-elle. Elle dit les mêmes mots à la dernière case de la dernière page du dernier épisode. Et le lecteur sait que, oui, ça valait le coup.

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