LUCKY LUKE : A L'OMBRE DES DERRICKS est le 18ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Morris, publié en 1962 par Dupuis.
*
1959 : le colonel Drake achète un titre de propriété à Titusville pour y exploiter un gisement de pétrole, à la stupéfaction de la population qui ne croit pas encore à son potentiel commercial. Il bâtit le premier derrick ("potence" en irlandais).
Très vite, la ruée vers l'or noir se déclenche mais pour raisonner les prospecteurs, le gouvernement fait appel à Lucky Luke, effaré par la situation.
Sur la route du cowboy se dresse bientôt Barry Blunt, un ancien avocat qui sait contourner la loi pour mieux s'approprier les puits de pétrole...
*
LUCKY LUKE : LES RIVAUX DE PAINFUL GULCH est le 19ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Morris, publié en 1962 par Dupuis.
*
A Painful Gulch, deux familles - les O'Hara et les O'Timmins - sèment la terreur depuis des lustres à cause d'une rivalité dont tout le monde, y compris elles, a oublié la cause.
Arrive dans le coin, par hasard, Lucky Luke, vite pris à parti par les deux clans : il accepte d'aider le maire de la ville à la pacifier mais l'édile lui abandonne sa charge.
Pour réconcilier les O'Hara et les O'Timmins, le cowboy organise une fête célébrant la fondation de Painful Gulch avec diverses épreuves dont, par avance, chacune des deux familles sortira vainqueur ex aequo.
Mais cela ne suffit pas. Lucky Luke ne se décourage pas et se résout alors à employer la force plutôt que la ruse...
Produisant toujours leurs albums à une cadence infernale, le tandem Goscinny-Morris fait feu de tout bois en 1962 avec deux nouveaux tomes. Vont-ils trop vite ? Toujours est-il qu'en les relisant, j'ai été un peu déçu, même si ça demeure plaisant.
A l'ombre des derricks est un opus mineur dans la série à cette époque : pourtant, l'idée de départ est originale, avec un cadre possédant un bon potentiel pour un western combinant aventures et humour. Il s'agit d'évoquer la fièvre de l'or noir avec l'exploitation de gisements de pétrole, qui se substitue à la ruée vers l'or.
Il apparaît cependant rapidement que Goscinny ne réussit pas à tirer de cette situation des gags très efficaces. La faute en incombe pour une bonne partie au casting des méchants. Lucky Luke est une série et un personnage qui fonctionnent sur les contrastes, rien ne lui va mieux que lorsqu'on lui oppose une force contraire en réaction au caractère imperturbable du cowboy et détournant les codes du western. La meilleure preuve se trouve avec la création des cousins Dalton, qui, via le personnage de Joe, obsédé par l'idée de se venger de Lucky Luke mais, desservi par son tempérament colérique, échoue immanquablement, guère aidé par ses trois frères.
Ici, l'adversaire incarné par Barry Blunt est de prime abord prometteur : ce n'est pas une brute ni un violent, mais un vilain malin, qui contrarie Lucky Luke en contournant la loi, sachant comment ne pas se faire prendre. Le problème, c'est que le flegme de ce méchant bute contre celui du cowboy et ne produit pas d'étincelles comiques. Leur affrontement est trop psychologique pour provoquer ces ruptures propres à la comédie.
Les seconds rôles ne brillent guère par leur originalité avec des figures d'idiots (comme Bingle) déjà trop familières. Quant au colonel Drake, qui est à la source du récit, il est curieusement peu développé alors qu'il est quand même très présent. Goscinny ne nous tire alors que des sourires en jouant sur l'absurdité des chercheurs de pétrole, si obnubilés par l'or noir qu'ils ne reculent devant aucune extrémité. Mais comme Lucky Luke, on les quitte tous, avec leur folie, avec soulagement.
Les rivaux de Painful Gulch est d'un meilleur niveau, mais, par rapport au souvenir que j'en avais, je suis resté sur ma faim. Il s'agit d'un des premiers albums que j'ai lu, enfant, mais il a mal vieilli. Une nouvelle fois, la situation de départ ne manque pas de piquant mais n'aboutit pas à grand-chose, comme si le scénariste n'avait pas su quoi en faire.
C'est regrettable car, le détail est d'importance, ce 19ème tome est le premier à voir figurer sur sa couverture et son frontispice le nom de René Goscinny, désormais consacré comme le scénariste officiel de la série et non plus comme un "ghostwriter". Mais cette histoire de paysans belligérants qui ont, pour les uns, de grandes oreilles décollées et, pour les autres, de gros nez rouges, ne vole pas haut.
Visuellement, Morris ne force pas non plus son talent, mais son savoir-faire permet d'assurer une lecture très agréable. Lucky Luke n'a pas toujours aligné des récits passionnants, mais c'est une série dont la réputation de "page-turner" peut rarement être prise en défaut, grâce à son artiste.
Les découpages de ces deux albums montrent bien qu'à cette époque Morris a trouvé son rythme de croisière : sagement et majoritairement composées en quatre bandes, il impose une moyenne de 8 à 10 cases, où la variété de la valeur des plans prime sur le reste. Tout est souvent cadré à plat, les plongées ne sont employées que pour situer un décor dans un plan général (une rue, un bâtiment, une plaine).
Cette mécanique est si bien rodée qu'elle peut vite être routinière, mais Morris ne semble pas gêné par ce formatage : au contraire, il a fait de cette grille de lecture son espace propre, il vise d'abord la simplicité, l'économie. Pour lui seul compte la facilité avec laquelle le lecteur reçoit les informations narratives et graphiques : il ne faut pas le saturer avec trop de détails mais fluidifier au maximum l'enchaînement des vignettes, soigner les chutes, préparer la suite de chaque scène. C'est un résultat très direct, dénué de chichis, accompli par un dessinateur qui a trouvé très vite sa méthode et qui ne l'a plus vraiment évolué ensuite (seuls les designs des personnages évolueront, et encore de manière très subtile, pour aller là encore vers une expression toujours plus efficace).
A cet égard, la manière dont il campe les O'Hara et les O'Timmins est exemplaire : leurs caractéristiques physiques sont le ressort comique de l'histoire, il faut donc qu'elles soient instantanément mémorables. Il n'y a que pour les initiés, les lecteurs curieux, que Morris s'autorise quelques facéties, comme lorsqu'il caricature un de ses amis et collègues pour un personnage - dans A l'ombre des derricks, le méchant Barry Blunt est inspiré de Victor Hubinon (1924-1979), le dessinateur de Barbe Rouge et Buck Danny.
Deux tomes mineurs donc, mais pas de quoi s'inquiéter pour la suite : en effet, Billy the kid ne va pas tarder à pointer son nez...
Arrive dans le coin, par hasard, Lucky Luke, vite pris à parti par les deux clans : il accepte d'aider le maire de la ville à la pacifier mais l'édile lui abandonne sa charge.
Pour réconcilier les O'Hara et les O'Timmins, le cowboy organise une fête célébrant la fondation de Painful Gulch avec diverses épreuves dont, par avance, chacune des deux familles sortira vainqueur ex aequo.
Mais cela ne suffit pas. Lucky Luke ne se décourage pas et se résout alors à employer la force plutôt que la ruse...
Produisant toujours leurs albums à une cadence infernale, le tandem Goscinny-Morris fait feu de tout bois en 1962 avec deux nouveaux tomes. Vont-ils trop vite ? Toujours est-il qu'en les relisant, j'ai été un peu déçu, même si ça demeure plaisant.
A l'ombre des derricks est un opus mineur dans la série à cette époque : pourtant, l'idée de départ est originale, avec un cadre possédant un bon potentiel pour un western combinant aventures et humour. Il s'agit d'évoquer la fièvre de l'or noir avec l'exploitation de gisements de pétrole, qui se substitue à la ruée vers l'or.
Il apparaît cependant rapidement que Goscinny ne réussit pas à tirer de cette situation des gags très efficaces. La faute en incombe pour une bonne partie au casting des méchants. Lucky Luke est une série et un personnage qui fonctionnent sur les contrastes, rien ne lui va mieux que lorsqu'on lui oppose une force contraire en réaction au caractère imperturbable du cowboy et détournant les codes du western. La meilleure preuve se trouve avec la création des cousins Dalton, qui, via le personnage de Joe, obsédé par l'idée de se venger de Lucky Luke mais, desservi par son tempérament colérique, échoue immanquablement, guère aidé par ses trois frères.
Ici, l'adversaire incarné par Barry Blunt est de prime abord prometteur : ce n'est pas une brute ni un violent, mais un vilain malin, qui contrarie Lucky Luke en contournant la loi, sachant comment ne pas se faire prendre. Le problème, c'est que le flegme de ce méchant bute contre celui du cowboy et ne produit pas d'étincelles comiques. Leur affrontement est trop psychologique pour provoquer ces ruptures propres à la comédie.
Les seconds rôles ne brillent guère par leur originalité avec des figures d'idiots (comme Bingle) déjà trop familières. Quant au colonel Drake, qui est à la source du récit, il est curieusement peu développé alors qu'il est quand même très présent. Goscinny ne nous tire alors que des sourires en jouant sur l'absurdité des chercheurs de pétrole, si obnubilés par l'or noir qu'ils ne reculent devant aucune extrémité. Mais comme Lucky Luke, on les quitte tous, avec leur folie, avec soulagement.
Les rivaux de Painful Gulch est d'un meilleur niveau, mais, par rapport au souvenir que j'en avais, je suis resté sur ma faim. Il s'agit d'un des premiers albums que j'ai lu, enfant, mais il a mal vieilli. Une nouvelle fois, la situation de départ ne manque pas de piquant mais n'aboutit pas à grand-chose, comme si le scénariste n'avait pas su quoi en faire.
C'est regrettable car, le détail est d'importance, ce 19ème tome est le premier à voir figurer sur sa couverture et son frontispice le nom de René Goscinny, désormais consacré comme le scénariste officiel de la série et non plus comme un "ghostwriter". Mais cette histoire de paysans belligérants qui ont, pour les uns, de grandes oreilles décollées et, pour les autres, de gros nez rouges, ne vole pas haut.
Visuellement, Morris ne force pas non plus son talent, mais son savoir-faire permet d'assurer une lecture très agréable. Lucky Luke n'a pas toujours aligné des récits passionnants, mais c'est une série dont la réputation de "page-turner" peut rarement être prise en défaut, grâce à son artiste.
Les découpages de ces deux albums montrent bien qu'à cette époque Morris a trouvé son rythme de croisière : sagement et majoritairement composées en quatre bandes, il impose une moyenne de 8 à 10 cases, où la variété de la valeur des plans prime sur le reste. Tout est souvent cadré à plat, les plongées ne sont employées que pour situer un décor dans un plan général (une rue, un bâtiment, une plaine).
Cette mécanique est si bien rodée qu'elle peut vite être routinière, mais Morris ne semble pas gêné par ce formatage : au contraire, il a fait de cette grille de lecture son espace propre, il vise d'abord la simplicité, l'économie. Pour lui seul compte la facilité avec laquelle le lecteur reçoit les informations narratives et graphiques : il ne faut pas le saturer avec trop de détails mais fluidifier au maximum l'enchaînement des vignettes, soigner les chutes, préparer la suite de chaque scène. C'est un résultat très direct, dénué de chichis, accompli par un dessinateur qui a trouvé très vite sa méthode et qui ne l'a plus vraiment évolué ensuite (seuls les designs des personnages évolueront, et encore de manière très subtile, pour aller là encore vers une expression toujours plus efficace).
A cet égard, la manière dont il campe les O'Hara et les O'Timmins est exemplaire : leurs caractéristiques physiques sont le ressort comique de l'histoire, il faut donc qu'elles soient instantanément mémorables. Il n'y a que pour les initiés, les lecteurs curieux, que Morris s'autorise quelques facéties, comme lorsqu'il caricature un de ses amis et collègues pour un personnage - dans A l'ombre des derricks, le méchant Barry Blunt est inspiré de Victor Hubinon (1924-1979), le dessinateur de Barbe Rouge et Buck Danny.
Deux tomes mineurs donc, mais pas de quoi s'inquiéter pour la suite : en effet, Billy the kid ne va pas tarder à pointer son nez...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire