jeudi 7 mai 2015

Critique 612 : AVENGERS 2 - L'ERE D'ULTRON, de Joss Whedon


AVENGERS : L'ERE D'ULTRON (Age of Ultron, en v.o.) est le deuxième film consacré à l'équipe de super-héros (après le premier sorti en 2012). C'est aussi le 11ème film adapté d'un comic-book Marvel produit par Marvel Studios et distribué par Disney (après Iron Man 1, 2 et 3 ; Captain America 1 et 2 ; Hulk 1 et 2 ; et Les Gardiens de la Galaxie).


Le film est écrit et réalisé par Joss Whedon, d'après les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby. D'une durée de 122', sa direction artistique est signée par Mike Stallion, sa photographie par Ben Davis.
Avengers 2 est sorti en salles en France le 22 Avril 2015.

Dans les rôles principaux, on trouve : (ci-dessus, de gauche à droite) Elisabeth Olsen (Wanda Maximoff/Scarlet Witch), Samuel L. Jackson (Nick Fury), Jeremy Renner (Clint Barton/Hawkeye), Mark Ruffalo (Bruce Banner/Hulk), Robert Downey Jr (Tony Stark/Iron Man), Chris Evans (Steve Rogers/Captain America), Chris Hemsworth (Thor), Scarlett Johansson (Natasha Romanoff/Black Widow) et Aaron Taylor-Johnson (Pietro Maximoff/Quicksilver).
S'ajoute à la distribution : Paul Bettany (JARVIS/La Vision), James Spader (Ultron), Cobie Smulders (Maria Hill), Andy Serkis (Ulysses Klaw), Don Cheadle (James Rhodes/War Machine), Anthony Mackie (Samuel Wilson/Falcon), Stellan Skarsgard (Dr Erik Selvig), Claudia Kim (Dr Helen Cho), Idris Elba (Heimdall), Hayley Atwell (Peggy Carter), Julie Delpy (Madame X) et Josh Brolin (Thanos).   
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ATTENTION ! SPOILERS !

Un an après le démantèlement du SHIELD (voir Captain America : Le Soldat de l'hiver ), l'équipe de super-héros des Avengers - Iron Man, Captain America, Thor, Hulk, Black Widow et Hawkeye - sont à nouveau en action pour prendre d'assaut une des bases de l'organisation terroriste d'HYDRA en possession du sceptre de Loki (demi-frère de Thor). 
L'objet se trouve en Sokovie, un petit pays d'Europe de l'Est, dans un Q.G. tenu par le Baron Strucker, qui rechigne à utiliser contre les héros ses "jokers", deux jumeaux "optimisés" grâce à l'arme venue d'Asgard, Pietro et Wanda Maximoff (respectivement doués de super-vitesse et d'un mélange de télépathie-télékinésie), mais ses soldats ne font pas le poids face à l'adversaire. 
Captain America et Thor à l'assaut de la base de l'Hydra en Sokovie
(Chris Evans et Chris Hemsworth)

Strucker préfère, avant de se rendre, que son bras-droit (le Dr List) efface toutes les données informatiques sur ses projets scientifiques. Mais les jumeaux désobéissent à leur maître et interviennent après sa reddition : tandis que Pietro distrait les Avengers dehors, blessant notamment Hawkeye, Wanda manipule psychiquement Tony Stark en lui montrant une vision futuriste où il cause la mort de ses amis. 
Malgré tout, les Avengers repartent en ayant récupéré le sceptre de Loki.
Tony Stark/Iron Man et Bruce Banner/Hulk débattent du projet Ultron.
(Robert Downey Jr et Mark Ruffalo)

Revenu à New York, dans la tour Stark (reconvertie partiellement en QG pour l'équipe), Tony Stark compte mettre à profit les deux jours que lui accorde Thor pour analyser le sceptre afin de s'en servir pour finaliser un programme d'intelligence artificielle grâce auquel il pense pouvoir sécuriser la Terre. 
Ce projet baptisé Ultron n'enchante pas son collègue Bruce Banner (l'alter ego de Hulk) même s'il accepte finalement de l'aider à "doper" l'unité informatique JARVIS pour créer une nouvelle génération de l'Iron Legion, l'armée de soldats mécaniques de Stark destinée à suppléer les Avengers en cas de nouvelle menace globale. 
Les Avengers et leurs amis fêtent leur victoire contre l'Hydra
(de gauche à droite : Cobie Smulders/Maria Hill, Chris Evans/Steve Rogers,
Don Cheadle/James Rhodes, Claudia Kim/Dr Helen Cho, Chris Hemsworth/Thor,
Robert Downey Jr/Tony Stark, Jeremy Renner/Clint Barton, Mark Ruffalo/Bruce Banner,
Scarlett Johansson/Natasha Romanoff). 

Les procédures de Stark et Banner échouent, mais cela n'empêche pas le milliardaire d'organiser une soirée avec ses alliés pour fêter leur victoire en Sokovie. S'y joignent James Rhodes (alias War Machine, l'officier de l'armée ami de Stark), Sam Wilson (alias Falcon, partenaire de Steve Rogers), Maria Hill (l'ex-adjointe de Nick Fury au SHIELD) et le Dr Helen Cho, une savante coréenne qui a soigné Barton grâce à un protocole révolutionnaire de reconstitution cellulaire.
Natasha Romanoff/Black Widow flirte avec Bruce Banner/Hulk.
(Scarlett Johansson et Mark Ruffalo)

Ce cocktail donne l'occasion aux héros de mieux faire connaissance : ainsi Romanoff et Banner flirtent, et les hommes de l'équipe sont défiés par Thor à soulever son marteau Moljnir (sans succès). Personne ne sait que pendant ce temps Ultron s'est auto-activé, a absorbé JARVIS et pris les commandes de l'Iron Legion afin de concrétiser le but de son concepteur de manière radicale : assurer la paix mondiale en éradiquant l'espèce humaine. 
Attaqués par le robot, encore en cours de finition, les Avengers contiennent l'assaut de ses troupes mais sans l'empêcher de s'enfuir avec les sceptre ni d'infiltrer le réseau Internet (où il va chercher un moyen d'améliorer son incarnation physique).
Mais la bataille a révélé à tous le projet secret de Stark et provoqué de vives tensions au sein du groupe.
Ultron veut se renforcer avec l'aide d'Ulysses Klaw.
(James Spader et Andy Serkis)

Ultron gagne la Sokovie où il fabrique une armée de drones. Les jumeaux le rejoignent et concluent une alliance avec lui car ils veulent se venger de Stark, dont les armes ont détruit leur village et tué leurs parents (entraînant leur engagement dans l'HYDRA comme volontaires pour leurs expériences, à l'origine de leurs pouvoirs). 
Ultron est en quête de vibranium, ce métal rare avec lequel a été façonné le bouclier de Captain America : bien que ses filons sont officiellement épuisés, le robot contacte un trafiquant, Ulysses Klaw, capable de lui en procurer. La négociation est âpre mais à l'avantage d'Ultron, jusqu'à ce que les Avengers débarquent, après avoir remonté sa piste grâce à la technologie de Stark (qui a fait aussi affaire autrefois avec Klaw). 
Iron Man affronte Ultron pendant que le reste de l'équipe tente de neutraliser les jumeaux. Wanda torture mentalement Black Widow, Thor et Captain America en les confrontant aux démons de leur passé (pour elle sa formation en Russie, pour le dieu du tonnerre la décadence d'Asgard et le super-soldat le souvenir de sa vie dans les années 40). Seul Hawkeye évite l'envoûtement et éloigne les jumeaux en devançant leurs attaques. 
Mais Wanda n'a pas fini de causer des dégâts puisqu'elle déchaîne la colère de Hulk qui dévaste alors la ville voisine. Iron Man est obligé de laisser fuir les jumeaux et Ultron pour tenter de raisonner le colosse. Leur duel aboutit à la victoire de Stark mais force l'équipe à battre en retraite car la population civile et les forces de l'ordre les considèrent à présent comme un danger public.
Clint Barton/Hawkeye songe à se retirer après cette mission.
(Jeremy Renner)

Hawkeye offre alors à ses partenaires une solution de repli en les conduisant chez lui, à la campagne - l'occasion de leur présenter sa famille (il est marié et père de deux enfants, sa femme est enceinte), dont tous (sauf Romanoff) ignorait l'existence.
Les héros font le point sur la situation et leurs relations (la romance compliquée entre Romanoff et Banner, les divergences philosophiques entre Rogers et Stark), mais Thor s'éclipse pour analyser les visions qu'il a eues auprès de son ami, le Dr Erik Selvig. 

Ultron est à présent à Séoul où il a investi le laboratoire du Dr Helen Cho afin qu'elle l'aide avec sa machine de régénération cellulaire : il veut produire un nouveau corps de synthèse à base de vibranium et avec l'énergie contenue dans la gemme du sceptre de Loki. 
Une fois cette enveloppe presque prête, Ultron commence à y transférer sa personnalité mais Wanda en profite alors pour la sonder et y découvre le plan du robot. Les jumeaux, bouleversés par ce projet cataclysmique, préfèrent fausser compagnie à leur allié.

Chez Barton, les Avengers reçoivent la visite inattendue de Nick Fury, disparu depuis la fin du SHIELD, et qui les remotive pour vaincre Ultron dont il a deviné les intentions (évoluer pour être plus puissant).
Rogers, Barton et Romanoff s'en vont en Corée du Sud pour sauver le Dr Cho et Stark part pour Oslo où il pourra mieux protéger le réseau Internet et empêcher Ultron d'accéder aux codes de l'armement nucléaire. 
Natasha Romanoff/Black Widow est captive d'Ultron.
(Scarlett Johansson)

À Séoul, Captain America combat Ultron qui voient les jumeaux se retourner contre lui. Black Widow réussit à subtiliser la réplique du robot que récupère Hawkeye. Mais l'espionne est capturée par le robot qui se replie. Wanda et Pietro se joignent aux héros avec lesquels ils repartent.
Extension de JARVIS et d'Ultron à la fois, la Vision choisit d'aider les Avengers.
(Paul Bettany)

A la tour des Avengers, Stark voit dans le corps synthétique façonné par Ultron et ramené par Hawkeye une opportunité de battre leur ennemi car il pense que cette créature a intégré la bienveillance de JARVIS et la puissance de la gemme du sceptre de Loki. Mais l'activation de cette réplique ne plait pas aux autres héros. C'est Thor lui-même, qui resurgit soudainement, qui le libère avec Mjolnir. 
Le dieu du tonnerre justifie ensuite son action en expliquant qu'il a compris que les différentes pierres d'infinité sont toutes à l'origine des événements survenus dans l'univers récemment (le Tesseract, l'Éther, l'Orbe et la Pierre de l'Esprit). Le "fils" d'Ultron qui en porte une désormais pourrait donc effectivement être la solution contre le robot fou. 
Appelé La Vision, l'androïde accepte d'aider les Avengers contre son créateur et achève de les convaincre de sa valeur en réussissant à soulever Mjolnir.
D'abord alliés d'Ultron, Pietro Maximoff/Quicksilver et
Wanda Maximoff/Scarlet Witch décident aussi de l'affronter.
(Aaron Taylor-Johnson et Elisabeth Olsen)

En Sokovie, dans l'ancienne forteresse de Strucker, Ultron a planté un gigantesque pilier jusque dans les profondeurs de la terre. Ainsi, il compte soulever la ville voisine puis la laisser retomber, le choc provoquera une secousse telle qu'elle pourrait détruire toute vie sur la planète.
Tandis qu'il part "recevoir" les Avengers, Ultron laisse Black Widow dans une cellule où la retrouve Banner. Dehors, la bataille a débuté et Romanoff pousse son ami à se transformer en Hulk pour partir aider les héros.

Les Avengers s'occupent d'évacuer les habitants de la ville attaqués par l'armée d'Ultron pendant qu'Iron Man défie Ultron. La cité commence son irrésistible ascension. 
Les Avengers réunis pour le dernier round contre Ultron.
(De gauche à droite : Hulk, Captain America, Thor, Iron Man, Black Widow et Hawkeye)

Nick Fury, aux commandes d'un héliporteur et de plusieurs agents dissidents du SHIELD, arrive pour assister l'équipe auprès des civils. War Machine est aussi là en renfort. Pietro Maximoff tombe sous le feu nourri des drones ennemis ce qui fait quitter son poste, auprès du pilier central, à sa soeur jumelle, Wanda.  
La ville complètement évacué, Iron Man laisse Thor détruire avec sa foudre le pilier, ce qui pulvérise l'endroit sans créer de dommages au sol. 
Aux alentours du cratère formé par le décollage de la ville, la Vision retrouve le dernier avatar d'Ultron et le détruit, préférant donner une chance à l'humanité.
Dans la confusion, Hulk a préféré s'éclipser pour ne plus mettre en danger ses co-équipiers et les civils.

Alors qu'ils s'installent dans un nouveau bâtiment financé par Stark, les Avengers assistent au départ de Thor pour Asgard (où il va enquêter sur les Pierres d'Infinité) puis de Tony Stark (qui songe à se retirer comme Barton). Captain America devient de facto le nouveau leader, aux côtés de Black Widow, avec un groupe composé de la Vision, Wanda Maximoff, Falcon et War Machine.

Ailleurs, Thanos enfile le Gant d'Infinité et annonce qu'il va désormais récupérer les gemmes tout seul.
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Artwork pour Avengers : Age of Ultron.

Trois ans après le premier film qui a réuni les Vengeurs, Joss Whedon a donc livré une nouvelle super-production (au budget estimé de 250 millions de $ !) avec l'ambition de faire plus fort mais aussi plus sombre, tout en prenant en compte des éléments développés dans les aventures solos d'Iron Man, Thor et Captain America mais aussi des Gardiens de la Galaxie (même si ces derniers ne sont ni présents ni même évoqués ici).

Les références citées par le cinéaste sont à la (dé)mesure du projet : il a évoqué Le Parrain 2 (de Francis Ford Coppola) et L'Empire contre-attaque (d'Irvin Kershner, deuxième volet de la première trilogie de Star Wars). Concilier ces exigences cinéphiles et le pur plaisir d'un blockbuster d'action n'était pas une mince affaire. Le résultat est une production qui ne manque pas de souffle, ni d'humour, mais souffre de coutures un peu trop grosses et d'une intrigue inégale.

La grande qualité du premier film Avengers résidait dans sa simplicité : c'était un récit en crescendo qui parvenait à réunir une demi-douzaine de héros (dont quatre avaient eu droit à leur propre production - Iron Man, Captain America, Thor et Hulk) plus un méchant (déjà présent dans le premier Thor). Certes, tout n'était pas parfait, avec des personnages parfois psychologiquement sommaires (Hawkeye surtout), un sentiment d'artificialité dans la réunion de ces super-héros. Mais pour le fan de comics comme pour le simple spectateur avide de sensations fortes ou à la recherche d'un divertissement musclé et fun, subsistaient le plaisir de voir en live les héros de son adolescence dans une aventure tonique et une collection de séquences spectaculaires jouissives (culminant avec la bataille finale, un morceau de bravoure d'une vingtaine de minutes avec une invasion extraterrestre dévastatrice en plein coeur de New York).

Il faut maintenant rappeler que Joss Whedon, qui a écrit et mis en scène ce nouvel opus, vient de la télé où sa réputation d'auteur n'est plus à faire depuis le succès de la série-culte Buffy contre les vampires (et son spin-off Angel, et dans une moindre mesure Firefly, autre production d'inspiration SF). Pourquoi préciser cela ? Parce que Avengers : L'ère d'Ultron ressemble, avec ses défauts et ses qualités, davantage à une mini-série sur grand écran qu'à un film à grand spectacle classique.

Ce que je veux dire, c'est qu'avec Age of Ultron on n'a pas un gros film mais plutôt trois épisodes mis bout à bout : la construction de l'histoire fait plus penser à un agglomérat qu'à un récit fluide de 140'. Il n'y a même pas besoin d'attendre la fin pour remarquer les trois actes qui forment l'intrigue comme autant de chapitres réunis et dont le montage souligne les transitions.

La première partie commence avec la séquence du pré-générique où les Avengers abattent une base de l'HYDRA et récupèrent le sceptre de Loki jusqu'à l'affrontement entre Iron Man (en armure Hulkbuster) et Hulk, manipulé mentalement par Scarlet Witch.

Puis une deuxième partie, que les plus sévères qualifieront de "ventre mou" du film, se déroule lorsque les Avengers se réfugient chez Hawkeye par la force des choses, à la fois parce qu'ils sont désormais considérés comme un danger public et parce qu'ils doivent se remobiliser pour trouver un moyen de vaincre Ultron et ses alliés.

Enfin, une troisième partie met en scène le groupe de héros, auquel vont venir s'ajouter Scarlet Witch, son frère jumeau Quicksilver et l'androïde la Vision, "rejeton" d'Ultron, contre Ultron lui-même, sur le point de déclencher une catastrophe pouvant détruire l'humanité.

L'écriture et la réalisation de Whedon révèlent à quel point les mécanismes narratifs des séries télé imprègnent son film. Si l'on est bien disposé, on se dit, en quittant la salle de projection, qu'on a eu droit à trois films en un. Mais en vérité, il est difficile de ne pas être gêné par un film dont les blocs narratifs sont si nettement visibles. 

Toutefois, soyons juste (ce qui ne veut pas dire qu'il faut être exagérément indulgent), il est aussi délicat d'être franchement dérangé par le contrepoint d'une telle construction et sa mise en scène. Avengers 2 n'est certes pas un film de gourmet, c'est un film de gourmand (pour reprendre une métaphore exprimée autrefois par Christophe Gans) et c'est un film généreux même s'il est un "hénaurme", excessif, surpeuplé.

Whedon a su, notamment, corriger des erreurs et des faiblesses présentes dans Avengers 1. Les améliorations les plus notables concernent la caractérisation de ses héros : c'est particulièrement remarquable dans le cas de Hawkeye, qui devient un personnage avec un vrai background, doté de dialogues sobres mais profonds, avec un impact indéniable sur l'histoire.

La dynamique du groupe peine encore parfois à convaincre, même si, sur le papier, le principe d'une équipe comme les Avengers demeure d'une désarmante simplicité (se réunir pour affronter des menaces qu'un seul d'entre eux ne pourrait vaincre). Il faut avouer que, par la force des choses et de l'interprétation de certains des acteurs, cette évidence n'est pas toujours effective : Thor et Iron Man écrasent un peu le groupe par leur puissance de feu et/ou leur importance tactique.

Mais Whedon est malin et réactif : la distribution est mieux équilibré que dans Avengers 1 et les rapports entre certains personnages sont à la fois mieux définis (avec un potentiel certain pour de futurs développements) et plus originaux. Par exemple, la complicité entre Black Widow et Hawkeye est encore plus nette, les divergences philosophiques entre Captain America et Iron Man plus marquées, et surtout la romance inattendue entre Black Widow et Hulk capte l'intérêt (même chez un fan averti car, à ma connaissance, rien de commun n'existe dans les comics).

Les dialogues permettent à tous ces faisceaux de relations d'exister très naturellement, de manière vivante, subtile. Whedon glisse même quelques punchlines efficacement drôles qui offrent des respirations bienvenues dans un récit qui ne ménage pas le public en action ou enrichissent les articulations dramatiques du récit.

Le deuxième acte du film est celui qui suscitera sans doute le plus de réserves, quel que soit le spectateur. Le rythme s'apaise d'une manière si prononcée qu'il ne peut en être autrement. Pourtant, si la manoeuvre est risquée, elle m'a semblé intelligente car elle s'inspire d'un code bien propre aux comics (grosso modo : les héros affrontent le méchant qui leur inflige une dérouillée, les héros se retirent pour panser leurs blessures physiques et psychologiques et réfléchir à une riposte, les héros repartent au combat et gagnent). 
C'est moins, en vérité, le break rythmique qui m'a dérangé que ce que Whedon fait alors de Thor - ou plutôt ce qu'il n'en fait pas : le dieu du tonnerre préfère partir trouver des réponses ailleurs, en l'occurrence auprès du Dr Selvig, personnage pénible depuis le premier film consacré à Thor, et toujours aussi mal campé par son interprète : tout cela aboutit à quelques scènes très/trop fugaces, peu compréhensibles, et qui rendent ensuite le retour de Thor à la fois trop abrupt et providentiel. Peut-être est-ce là que Joss Whedon a dû le plus couper de scènes puisqu'il a reconnu que son premier montage approchait les 180' et que la production a exigé un rabotage (le dvd permettra sans doute de revoir le film dans une version plus longue, et donc plus conforme aux souhaits du cinéaste).

Avant et après cela, Avengers 2 est un film à grand spectacle extraordinairement jubilatoire, qui donne à voir des scènes d'action, d'affrontements les plus bluffantes des productions Marvel. 
Le prologue possède même un plan-séquence formidable, si réussi qu'on ne s'en rend d'abord même pas compte avant que le mouvement continu de la caméra s'achève. L'autre grand moment de ce premier acte a lieu dans le duel titanesque opposant Hulk fou furieux, désorienté par Wanda Maximoff, à Iron Man (qui revêt alors une armure adaptée) : il est impossible de ne pas être soufflé par l'échange de coups et l'ampleur des dégâts causés par les deux héros.
Un délicieux frisson, comparable à celui qui a parcouru les fans du premier Avengers lors de la bataille finale, revient alors et Joss Whedon prouve qu'il est aussi à l'aise dans ces grandes manoeuvres, exercice de style et passage obligé du genre, que lorsqu'il filme simplement un dialogue plein de sous-entendus (dans le registre de la séduction surtout).

Le troisième et dernier acte a (presque) du mal à rivaliser avec le premier, malgré une nouvelle démonstration de force. Sans doute parce qu'on éprouve à nouveau un sentiment familier mais trop voyant, trop claqué : tout comme Loki conduisait l'armée de Chitauris contre New York dans les premier Avengers, Ultron, trahi par Scarlet Witch et Quicksilver puis Vision, mène une armée de robots contre les Avengers, dépassés donc en nombre mais point dépourvus de ressources (et de renforts opportuns, comme Nick Fury, son héliporteur, War Machine... Ne manque bizarrement à l'appel que Falcon).

La bagarre est homérique, l'ascension d'une ville entière ahurissante, Ultron est un adversaire coriace, diabolique (au moins autant que Loki, même si on ne ressentira jamais avec un robot ce plaisir coupable qu'on a avec un méchant comme le renégat asgardien, dont les motivations sont plus touchantes), mais le procédé est un peu trop grossier pour que sa répétition ne soit pas rapidement remarquée.

Par ailleurs, dans cette bataille finale, le film souffre d'un mal prévisible car intégré dans le déroulement même de l'intrigue, c'est-à-dire une distribution trop abondante. Qu'un des héros ne survive pas à cette baston (même si, dans ce domaine, il ne faut jurer de rien car il est rare qu'on meurt pour toujours chez les super-héros...) ne change rien à l'affaire : il y a beaucoup trop de monde sur scène à ce stade de la représentation et Whedon, qui ne peut pas être partout à la fois, semble s'en rendre compte en même temps que nous. Comptez bien : nous avons là les six Avengers plus les jumeaux plus la Vision plus Ultron (et son armée de robots) plus Nick Fury (et son héliporteur plein d'agents du SHIELD)... Soit plus d'une dizaine de rôles à animer ! 

Les pouvoirs de chacun sont alors diversement bien mis en scène et en évidence : Thor utilise (pour la seconde fois seulement) la foudre, on distingue à peine que la Vision peut altérer sa densité (en devenant intangible ou invulnérable) et que la gemme sur son front peut projeter un rayon, la super-vitesse de Pietro est peu (et mal) exploité (comme, du reste, dans tout le film : un grand regret quand on pense au potentiel cinématographique d'un tel pouvoir).
En revanche, lorsque Hulk se déchaîne à nouveau, que Black Widow et Captain America refont la paire, que Hawkeye réussit à nouveau des tirs à l'arc impossibles, ou qu'Iron Man vole autour de la ville dans le ciel, on se régale sans faire la fine bouche grâce à une réalisation virevoltante, un montage très dynamique, des effets spéciaux déployés avec intelligence (sur ce point, Avengers 2 échappe aux excès de beaucoup de grosses productions en ne sacrifiant jamais les personnages aux figurants et décors numériques - il y en a pourtant mais toujours mis en scène sans qu'ils éclipsent l'essentiel, sans que le spectateur soit submergé par les artifices).

Un mot sur les comédiens : à la tête d'un casting très fourni, le savoir-faire d'un directeur d'acteurs comme Joss Whedon est crucial, qu'il s'agisse de réserver aux vedettes des scènes qui les mettront en valeur ou de donner aux nouveaux visages une exposition digne de ce nom.

C'est un sans-faute sur ces plans-là : Robert Downey Jr assure toujours le show même si son Tony Stark s'est (heureusement) calmé (depuis Iron Man 3) ; et Chris Hemsworth incarne toujours Thor avec un charisme épatant (au point même qu'il semble le vrai leader de l'équipe parfois), dans un registre très sobre mais avec une présence très physique.
Les autres bonnes surprises du film sont le "couple" formé par Scarlett Johansson (de mieux en mieux à chaque film Marvel) et Mark Ruffalo (qui joue aussi tout en retenue et s'impose sans forcer), puis Jeremy Renner (c'est vraiment lui à qui ce nouvel épisode profite le plus, son Hawkeye héritant de plus de place pour s'exprimer : ce mix de lassitude et d'abnégation qu'il dégage est excellent).
Chris Evans est par contre un peu décevant (après ses formidables prestations dans les deux premiers Captain America), tandis qu'Elisabeth Olsen et Aaron Taylor-Johnson sont convaincants en jumeaux ambivalents (sans plus, mais pas moins - comme il est acquis qu'on reverra la première dans le futur, il sera intéressant de surveiller si elle peut livrer une interprétation plus intense).
James Spader a prêté sa voix (même si je n'ai pu voir le film qu'en vf, mais c'est le même comédien qui le double habituellement qui officie dans Avengers 2 et il n'y a pas lieu de finasser) et sa gestuelle à Ultron (grâce au procédé de motion capture) : une performance un peu en demi-teintes, mais pouvait-il en être autrement avec ce personnage ?
Paul Bettany, qui était déjà la voix (en v.o.) de JARVIS dans les films Iron Man et le premier Avengers, campe cette fois la Vision et on ne pouvait rêver meilleur casting tant l'acteur ressemble à l'androïde et le joue avec justesse.
La participation de Samuel L. Jackson et l'apparition finale de Josh Brolin sont frustrantes : là encore, Avengers 3 (qui devrait en fait compter deux longs métrages) permettra sans doute de corriger ça.    

En bref, Avengers : L'ére d'Ultron n'est pas un grand film, mais c'est un divertissement tout de même haut de gamme, riche en morceaux de bravoure, spectaculaire, généreux. On peut juste déplorer que son écriture soit si visible et que quelques répétitions soient trop systématiques, avec un nombre de personnages excessif.
Ces réserves ne sauraient cependant occulter la qualité première de cette super-production : on en prend plein les yeux mais sans jamais être pris pour des abrutis. A cet égard, c'est tout de même exemplaire : peu de blockbusters sont aussi puissants, possèdent autant de souffle, ont le souci de proposer des personnages et une histoire dignes de ce nom, sans se contenter de n'être qu'une suite si ébouriffante soit-elle.
Son aspect hybride, parfois bancal, mais intense et fun à la fois, est en définitive au diapason de son sujet : ce récit d'une machine conçue par un apprenti sorcier qui en perd le contrôle est une réflexion punchy et maline sur le genre dans lequel il s'inscrit, et les failles qu'il dessine sont pleines de promesses.

2 commentaires:

Alias a dit…

C'est plus un résumé du film qu'une critique non ?

RDB a dit…

J'ai pris le parti de raconter toute l'histoire, mais comme tu peux le constater, la partie consacrée à l'analyse du film reste conséquente. J'y reviens sur ce que j'ai plus ou moins aimé.

Je profite de l'occasion pour inviter ceux qui liront cet article à déposer un commentaire sur ce qu'ils ont eux aussi pensé du film.