Batman Ego. Après avoir été témoin du suicide d'un malfrat, le justicier de Gotham se réfugie dans sa Batcave et se trouve littéralement face à son démon intérieur, sa conscience. S'ensuit un long dialogue entre cette apparition et Bruce Wayne sur son enfance, la perte de ses parents (assassinés, on le sait, par un minable voleur), sa décision de les venger et de combattre le crime, le choix de ne pas exécuter les malfrats les plus dangereux (comme le Joker) au risque de provoquer d'autres crimes...
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Cette confrontation entre Batman et son double intérieur est une déception, autant être franc et rapide. Le sujet n'est déjà pas révolutionnaire, d'autres auteurs l'ont abordé sous bien des angles et avec plus d'originalité. On a le sentiment que Cooke ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes, comme par exemple que le Joker est l'antithèse de ce que représente Batman (l'anarchie démentielle et meurtrière contre l'obsession de la justice), ou que Double-Face incarne ce que le chevalier noir pourrait devenir (un maniaque voulant faire appliquer la loi dde manière expéditive)...
Pire encore, l'auteur revient sur l'inspiration originelle de Batman : Zorro, défenseur de la veuve et l'orphelin dont il vit un film avant le décés de ses parents. Redîte là encore, puisque cette référence a maintes fois été employée dans des récits bien plus puissants (comme le Dark Knight returns de Frank Miller ou Arkham Asylum de Grant Morrison et Dave McKean).
On n'est donc pas convaincu par le traitement du scénario, qui ne nous apprend rien qu'on ne sache déjà, ne nous émeut pas davantage, ne nous trouble point.
Graphiquement, Cooke est un peu en roue libre. Certaines planches retrouvent la fulgurance de ce qu'il a pu faire dans La Nouvelle Frontière, mais trop inégalement pour rattraper ce qu'il raconte. Le style "cartoony" de l'artiste ne convient pas vraiment pour nous effrayer ou nous déranger : on a le sentiment de lire un storyboard certes soigné mais décalé par rapport à l'ambiance que le récit veut installer. Il eût fallu une imagerie dont la stylisation soit plus choquante pour arriver à un résultat digne de qu'on prétendait nous révèler.
Dans son hors-série n°2, Comic Box (sous titré) Noir offrait un one-shot de 12 planches intitulé Déjà vu où Cooke revisitait déjà les origines de Batman à travers le meurtre des parents d'un garçon dont il finissait par capturer les auteurs, au terme d'une haletante course-poursuite.
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Catwoman - Le gros coup de Selina. Après un cambriolage foireux à l'étranger (le butin s'est avéré une babiole sans valeur), Selina Kyle alias Catwoman rentre à Gotham avec l'intention de se faire oublier. Mais lorsqu'un gros coup se présente, la voleuse saute sur l'occasion. Problèmes : l'opération est périlleuse (la mafia est impliquée), son indic' va être démasqué, et elle doit demander le renfort d'un ancien amant pour parvenir à ses fins...
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Après l'échec de Batman Ego, honnêtement, on n'en attendait pas grand'chose de cette autre aventure, réalisée bien avant (et publiée une première fois en vf par Semic). Pourtant, sans sauver complètement les meubles, on est positivement surpris.
Déjà, graphiquement, le style de Cooke est nettement plus enlevé : encré intégralement au pinceau (!), on est loin des comics lambda. Le découpage est également de premier ordre : on retrouve avec bonheur le storyteller alerte de La Nouvelle Frontière, avec cette alternance décapante de plans serrés et plus larges qui donne un rythme échevelé à l'action.
Néanmoins, ne nous méprenons pas : d'une part, il s'agit moins d'un comic-book super-héroïque que d'un polar, et d'autre part, ce n'est pas non plus un chef-d'oeuvre. Rétrospectivement, le plus troublant dans ce projet est son influence indiscutable avec les romans de Donald Westlake /Richard Stark. "Troublant", pourquoi ? Parce que, justement, Cooke sortira bientôt l'adaptation en BD de Parker, créé par Westlake / Stark. On touve ici les ingrédients typiques du romancier : la relation d'un casse a priori impossible, un casting de gueules cassées au passé chargé et aux rapports ambigüs, une succession de rebondissements haletants, et un dénouement dramatique qui tranche avec la pure efficacité qui a précédé, comme un couperet symbolique de la fatalité qui colle aux gangsters.
Avoir mixé ce pur cocktail de série noire avec une héroïne de comic-book est déroutant, mais fonctionne bien contre toute attente. Mais il aboutit aussi à une frustration : l'amateur de polars s'interrogera sur l'évocation de Catwoman dans un univers qui s'en passe fort bien, le lecteur de comics se demandera un peu à quoi tout ça rime puisque les codes du genre super-héroïque ont été balayés.
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Expérience intéressante donc, mais conclusion mitigée.
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