vendredi 30 juin 2023

FABLES #159, de Bill Willingham et Mark Buckingham


On entre dans le dernier tiers de cet ultime arc de Fables. Bill Willingham poursuit ses histoires à un rythme tranquille, comme toujours visiblement sûr de ses effets - il peut se le permettre après tant de passer à animer cet univers. Même sentiment du côté du dessin de Mark Buckingham, l'artiste qui n'a jamais l'air de se forcer et qui pourtant rend toujours une copie impeccable, réglée comme du papier à musique. 


Qui de Bigby, GreenJack, le père de Herne ancien dieu de la Forêt Noire vengera les animaux massacrés trouvés par Sam ? Que cherche exactement la fée Clochette avec Cendrillon en lui livrant plusieurs coffres renfermant les pires horreurs des royaumes ? Et Peter Pan va-t-il vraiment réussir à décimer la meute ?


Beaucoup de questions, toutes angoissantes. Bill Willingham a un avantage sur beaucoup d'autres scénaristes : il n'a pas besoin de prétendre avoir de grandes ambitions, il a déjà une oeuvre derrière lui et il s'agit de Fables. Quand on a atteint ce cap vertigineux de 159 épisodes sur un titre, on a son affaire bien en mains et on peut se permettre d'avancer à son rythme, sûr de soi.


C'est cette assurance qui transpire de cet épisode. Fables a du retard, les épisodes ne sortent plus à l'heure, et il n'est même pas garanti que cette dernière histoire reste dans les mémoires, ni même que la série en ait eu vraiment besoin. Mais Willingham n'est pas revenu sur Fables pour prouver quoi que ce soit.


Il avait une histoire à raconter, c'est ce qu'il fait. Et il le fait bien, éprouvant suffisamment le lecteur pour capter son intérêt, le faire douter de ses plans d'auteur, le faisant craindre pour ses personnages chéris. Car ce 159ème épisode fait monter la pression et indique des dangers multiples rôdent.

Sam a découvert plusieurs animaux de la Forêt Noire massacrée. Il conjure Bigby, GreenJack et le Dieu du lieu (qui vient tout juste de recouvrer la liberté mais représente une entité surpuissante) de trouver le coupable de cette abomination. Problème : chacun estime être le gardien de ce territoire. Pour les départager, une solution simple s'impose : le premier qui trouvera le coupable sera le vrai chef.

Willingham développe deux subplots parallèles : d'une part, la fée Clochette, sous une forme inattendue, a attiré Cendrillon et des forces du Pentagone vers de mystérieux coffres et les prévient qu'ils renferment des atrocités, dont qu'il vaut mieux les mettre à l'abri plutôt que s'aventurer à les ouvrir. Pourquoi fait-elle ça ? Mystère. Mais ça a l'air d'un test car qui pourrait résister à la tentation de vérifier cet avertissement ? Et c'est pour cela que Cendrillon retourne à Fabletown pour la première fois depuis sa résurrection avec le projet d'y trouver de la documentation.

D'autre part, la même fée Clochette, sous son aspect plus familier, découvre Peter Pan dans un sale état après son affrontement contre la meute des enfants de Blanche Neige et Bigby. C'est une humiliation qu'il entend bien corriger et pour cela il commande à la fée d'exterminer la meute et tous ceux qui lui sont proches. Là, Willingham en profite pour caractériser plus précisément la relation entre Clochette et Peter : ce ne sont pas des amis, ni même des alliés. Pan tient Clochette et lui impose ses ordres. Elle part les exécuter sans pitié, mais visiblement à contrecoeur. A la fin de l'épisode, on peut déjà compter une victime...

Vous l'aurez compris, le temps s'assombrit grandement sur la série, alors qu'elle entre dans son dernier tiers. Il reste des zones à explorer, des énigmes à résoudre et on peut s'étonner que Willingham ouvre de nouvelles sous-intrigues (comme avec les coffres livrés à Cendrillon). Mais comme je le disais plus haut, le scénariste affiche la tranquillité des auteurs qui savent où ils vont et disposent les éléments de leur récit en toute connaissance.

Par ailleurs, la mort guette : il apparaît de plus en plus évident que Willingham va nous infliger des pertes terribles dans la vengeance entreprise par Peter Pan. La couverture de l'épisode suggère un affrontement dantesque entre Peter Pan et Bigby, donc on peut penser que sa progéniture ou sa femme puissent tomber sous les assauts de Clochette. A moins qu'il ne s'agisse d'une fausse piste, mais je ne veux pas être trop optimiste, le scénariste nous a maintes fois prouvés par le passé qu'il n'hésitait pas à éliminer des personnages populaires de sa série.

Visuellement, le travail de Mark Buckingham est toujours irréprochable. J'ai toujours apprécié cet artiste mésestimé selon moi, parce que beaucoup le préféraient quand il était encreur (de Chris Bachalo sur Death par exemple). Aussi sans doute parce que, à première vue, il n'est pas un narrateur tape-à-l'oeil.

Pourtant, Buckingham est tout sauf un dessinateur de seconde main. D'abord parce que sa production sur Fables parle pour lui. Comme son scénariste, il a aligné un nombre considérable de pages, avec une rigueur jamais démentie. Ensuite parce que si Fables est un vrai page-turner, la série le doit à cet artiste en grande partie.

Son découpage imprime au récit un rythme imparable : chaque fois, très peu de cases (une moyenne de quatre vignettes par planche), mais chacune bien remplie, bien composée, allant à l'essentiel. Les personnages, il les a en main depuis des lustres et si son trait n'a plus la même élégance qu'au début, on ne peut lui nier une force étonnante pour créer encore des figures majestueuses (comme celle du dieu de la forêt) et mémorables. Tout ça n'a l'air de rien, mais c'est justement parce que le lecteur n'a pas d'effort à fournir que c'est très fort : pour arriver à rendre tout ça si fluide, si constant, il faut une technique solide et un véritable regard.

Rendez-vous le 15 Août pour la suite. Moi, j'y serai en tout cas.
  

La variant cover de Mark Buckingham

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