mercredi 31 mai 2023

POWER GIRL SPECIAL #1, de Leah Williams et Marguerite Sauvage, Joanne Starer et Natacha Bustos


Si vous avez lu les back-up stories dans Action Comics #1051-1053, alors vous avez pu apprécier Power Girl Reborn écrit par Leah Williams et dessiné par Marguerite Sauvage. Visiblement, cela a convaincu DC de produire ce one-shot d'une cinquantaine de pages avant de donner une série régulière à Karen Starr. En prime, on a un aperçu de l'autre future série Fire & Ice par Joanne Starer et Natacha Bustos, qui paraîtra cet automne.


Omen et Power Girl ont découvert que le responsable des troubles de leurs patients n'était autre que Johnny Sorrow. Mais celui-ci, avec quatre complices du Royaume Subtil, a lancé une attaque de grande ampleur et les deux femmes sont seules à se dresser contre lui.


Power Girl est l'objet de l'attention de Johnny Sorrow qui veut la convaincre de rallier la Terre-2 d'où ils viennent pour la refonder et la diriger. Et pour vaincre cet ennemi qu'elle repousse, Power Girl devra, contrairement à lui, accepter de tourner la page de ce passé et s'ouvrir aux autres comme jamais...


Même si j'ai laissé tomber la lecture d'Action Comics, j'avais pris rendez-vous pour ce Power Girl Special qui fait suite à Power Girl Reborn, que j'avais beaucoup aimé. Leah Williams, à qui on doit l'excellent X-Terminators (chez Marvel), a su s'approprier le personnage de Starr comme peu d'autres auteurs avant elle (hormis le duo Jimmy Palmiotti et Justin Gray, dans un run illustré par Amanda Conner, sur un registre entre comédie loufoque et action).

La scénariste a pour cela tiré profit de l'event Lazarus Planet dans lequel Power Girl, affectée par la tempête magique déclenché par le Diable Nezha, a communié avec la magicienne Omen (ex-membre de Titans). Power Girl Reborn montrait les deux amies ouvrir une sorte de cabinet de psychothérapie pour soigner les maux de super-héros. A la fin du dernier numéro, on comprenait qu'un méchant unique se cachait derrière les troubles des patients et qu'il s'agissait de Johnny Sorrow, un des adversaires de la JSA.

Ce one-shot est découpé en deux parties, dont la plus importante compte une quarantaine de pages qui conclut cette intrigue. On y découvre les motivations de Johnny Sorrow et comment Power Girl va tenter d'en venir à bout. Leah Williams se montre encore une fois inventive pour justifier les agressions du vilain et pourquoi il cible particulièrement Power Girl. Elle traite d'une relation toxique via le prisme super-héroïque en convoquant des figures du tarot, mais aussi des thèmes comme la séparation, le deuil, la famille. Tout ça est formidablement écrit, avec nuance et efficacité, loin de tout cliché, sans manichéisme.

A la fin de ce Special, les cartes sont rebattues pour Power Girl, son association avec Omen, ses liens avec la Super-famille, ses origines. Sur ce point Williams souligne le déracinement de Karen Starr qui vient de Terre-2 et qui dans sa dimension était l'équivalent de Supergirl, avec un rapport spécial avec le Superman de la JSA. Et on comprend pourquoi elle n'a jamais réussi à s'intégrer à la Super-famille sur la base de malentendus jamais formulés et purgés.

De même Johnny Sorrow devient un adversaire particulièrement singulier qui répète un schéma pervers (il avait déjà tenté de contraindre Stargirl par le passé), coincé dans une sorte de boucle narcissique (ancien acteur du muet que l'arrivée du cinéma parlant a ruiné, il veut renouer avec une existence fantasmée). Et tout le contraste repose sur la résilience dont fait preuve Power Girl, sa capacité à surmonter ses propres traumas exploités par Sorrow, ses regrets enfin  digérés.

Le script bénéficie en outre de la mise en images toujours aussi somptueuse de Marguerite Sauvage. Celle-ci assume dessin, ecnrage, et colorisation dans un découpage qui s'affranchit volontiers des cadres bien sages en vigueur dans les comics. Souvent l'artiste favorise l'esthétisme à la fluidité, l'illustration à la narration graphique, créant par ses images une sorte de couche supplémentaire au propos du scénario.

Cela commence dès la première page avec une fausse publicité pour un parfum créé par Johnny Sorrow qui serait capable d'envoûter Power Girl. Plus loin, il suffit d'une page à Sauvage pour résumer à la fois les origines de Power Girl (avec des vignettes occupant toute la largeur de la bande et qui reprennent les motifs de tous les survivants de Krypton) mais aussi pointer du doigt ce qui a distingué l'héroïne. Un admirable raccourci.

Les personnages sont expressifs sans exagération et chaque image correspond à une idée, chaque planche permet de faire progresser visuellement le récit. Et c'est en plus très beau. Quel dommage alors que la future série Power Girl (qui conservera la même scénariste) se passe de Marguerite Sauvage au profit d'Eduardo Pansica (un dessinateur solide mais inégal, et surtout infiniment moins élégant). Pourquoi ?!
 

- FIRE & ICE (Joanne Starer/Natacha Bustos) - Baltimore est sous la menace d'un raz-de-marée mais Fire et Ice interviennent pour sauver des civils. Pourtant, de peur d'être dépassée, Ice contacte Guy Gardner. Lorsqu'il arrive en renfort, la situation se règle, sauf pour Fire qui s'emporte contre le Green Lantern toujours aussi toxique envers Ice...


Cet automne, DC lancera une série (limitée ?) avec Fire et Ice en vedette. Et il est impossible de ne pas voir dans cette initiative la conséquence du regain de popularité de Ice suite à The Human Target de Tom King et Greg Smallwood (même si, comme la majorité des mini-séries publiées sous le DC Black Label, il s'agissait d'un "elseworld").

Joanne Starer (une auteur jusque-là ayant oeuvré dans des projets indés) introduit donc le duo d'héroïnes dans un schéma fidèle à celui de Justice League International et The Human Target : Ice est une jeune femme surpuissante mais timorée tandis que Fire a une personnalité enflammée comme son pouvoir. Entre elles deux, il y a Guy Gardner, qui fut longtemps le petit ami de Ice, mais qui est un parfait abruti possessif et vaniteux. Si Fire n'était pas attirée par les hommes, on pourrait facilement penser qu'elle est amoureuse de Ice - et, comble de l'ironie, aussi jalouse que Guy Gardner.

A la fin de ce petit épisode, Superman propose une solution pour que les deux filles fassent un break en les envoyant à Smallville. Bien entendu, à n'en pas douter, les ennuis vont les suivre. La dizaine de planches dessinée avec une fraîcheur jubilatoire par Natacha Bustos (qui, il n'y a pas si longtemps, était pourtant promue "stormbreaker" par Marvel sans que l'éditeur lui confie la moindre série) donnent très envie de donner sa chance à ce titre en devenir (dans lequel il y a fort à parier que d'autres membres de la JLI feront un tour).

La rentrée sera l'occasion de vérifier l'attrait de ces deux séries, même si, donc, je regrette que Marguerite Sauvage soit remplacée sur Power Girl, et que j'ai été très agréablement accroché par Fire & Ice dont je n'attendais vraiment rien.

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