vendredi 19 mai 2023

BATMAN-SUPERMAN : WORLD'S FINEST #15, de Mark Waid et Dan Mora


On pourrait presque être blasé, voire lassé, par le tandem Mark Waid-Dan Mora, omniprésent. Mais Batman-Superman : World's Finest reste immuablement plaisant à lire. Et l'arc en cours regorge de tant d'idées, d'action qu'il est impossible de décrocher. Ce mois-ci, l'histoire monte encore en puissance, convoquant plein de guest-stars comme le bouquet (presque) final d'un feu d'artifice.


Batman et Metamorpho vient au secours de Superman et Robin confronté à la menace d'Ultramorpho. Toutefois la créature reprend l'avantage et s'envole en emmenant avec elle le dark knight et le man of steel. Robin appelle des renforts mais il semble que la situation soit hors de contrôle et qu'on assiste à une révolte des robots partout...


Qui peut rivaliser avec World's Finest ? Je me le demande car cette série donne au lecteur tout ce qu'il attend et même plus. C'est toujours merveilleusement écrit et dessiné, le récit file à une allure folle en conservant une qualité irréprochable.


Ce qui me frappe, c'est qu'en vérité, bien avant que Dawn of DC soit devenu le nom du nouveau statu quo de l'éditeur, World's Finest a en somme établi la règle désormais en vigueur. Mark Waid a eu le nez creux. Ou alors DC a compris que le scénariste donnait le la et qu'il fallait que tout le reste de l'orchestre s'y accorde.


Car, en définitive, qu'est-ce qu'ambitionne Dawn of DC ? Comme souvent chez DC, il s'agit de concilier une certaine modernité, de rester d'actualité, mais sans oublier le passé, l'héritage. Ce fut la grande leçon retirée des New 52 où l'éditeur voulait repartir de zéro, trop radicalement, pour des résultats controversés et inégaux.

Bien entendu, tout, aujourd'hui, n'est pas parfait non plus, et Dawn of DC n'a que quelques mois d'existence. D'ici à la fin de l'année, d'autres titres vont être (re)lancés et on jugera à chaque fois sur pièce de leur pertinence, de leur cohérence avec ce qui a déjà été publié. Mais il apparaît quelques traits saillants, comme une profession de foi partagée par les auteurs.

Tel que théorisé par Joshua Williamson, l'architecte en chef de Dawn of DC, ce statu quo marque la sortie de crise, après justement l'event Dark Crisis (on Infinite Earths). Marvel avait voulu emprunter la même direction il y a quelques années avec Fresh Start, de façon plus brouillonne et éphémère. Chez DC, actuellement, on veut que les héros emblématiques aient le sourire, séduisent le lecteur, en revenant aux fondamentaux. Et en se passant du phare qu'était la Justice League (même si une série avec elle reviendra). Comme je le notais dans ma critique de The Avengers #1, cela semble inconcevable chez Marvel de mettre en pause ses plus iconiques héros.

Revenons à Mark Waid et World's Finest : en situant sa série dans le passé, il a voulu renouer avec une forme de pureté, d'âge de l'innocence, avant les Crisis. Il s'est appuyé sur deux des piliers du DCU, Batman et Superman, du temps où ils ont commencé à partager leurs aventures. C'était aussi quand Dick Grayson était encore Robin et formait avec le dark knight le dynamic duo et animait la première formation des Teen Titans.

Mais l'intelligence de Waid a été de ne pas réduire son projet à un exercice nostalgique. Dans l'arc en cours, où il est question du meurtre de Simon Stagg, avec Metamorpho en guest-star, le scénariste interroge des questions comme le transhumanisme, l'usurpation, et il confronte ses personnages à une menace qui semble inarrêtable. D'ailleurs, cet épisode voit Batman et Superman terrassés, et Robin sans renforts face à une révolte des machines.

Dan Mora donne toute sa dimension à cette révolte en produisant des pages explosives. Tout l'épisode ne laisse aucun répit au lecteur, et le dessinateur assène des coups retentissants, avec des (quasi) splash-pages spectaculaires. Suivant le script, il est amené à mettre en scène des invités déjà présents auparavant comme les Teen Titans, Supergirl, la Doom Patrol.

Mais le casting est plus ample car la situation développée exige de montrer que le danger est partout et mobilise les troupes. Ainsi on voit les Metal Men, mais aussi les Challengers de l'Inconnu, ou Red Tornado. Il y a du monde, mais grâce à l'énergie du script et à la virtuosité du dessin, qui embrasse cette multitude avec gourmandise, on échappe à la saturation.

World's Finest se passe effectivement dans le passé, mais paraît surtout avoir anticipé un mouvement de fond chez DC avec ces histoires rocambolesques, gorgées d'action, sur un ton flamboyant et positif, exaltant l'héroïsme, la camaraderie, le plaisir de rendre le justice, d'animer ce folklore de héros masqués, ne reculant jamais devant la difficulté. Autant d'éléments qu'on retrouve dans des titres comme Nightwing, Superman, Shazam !, Green Lantern - et peut-être demain dans la relance de Wonder Woman (par Tom King et Daniel Sampere) et le retour inévitable de Justice League.

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