mardi 9 mai 2023

La LIAISON dangereuse de Vincent Cassel et Eva Green


Liaison est la première fiction française produite par Apple +, ce qui est une sorte d'événement pour la plateforme de streaming. Il serait toutefois plus juste de la considérer comme ce que les mauvaises langues appellent un "europudding" puisque le casting rassemble acteurs français et britanniques. Toutefois, la création de Virginie Brac a de l'allure et ne mérite pas d'être jugée avec condescendance.

ATTENTION !  CE QUI SUIT CONTIENT DES SPOILERS !


Deux frères syriens, Samir et Walid Hamza, demandent l'asile à l'ambassade France à Damas en échange d'informations sur des cyberattaques imminentes en Europe qu'ils ont découvertes en hackant les fichiers du régime de Bachar Al Hassad. Cela remotne jusqu'au sommet de l'Etat français mais le Président de la République préfère confier cette affaire à la Task Force de Didier Taraus qu'à la D.G.S.E. de Sophie Saint-Roch. Taraud demande à Alain Dumas, patron de l'agence privée Telkis, d'envoyer un de ses hommes sur place. Au même moment, une cyberattaque frappe les barrages de la Tamise à Londres et le Ministère de la Défense, Richard Banks, confie à son assistante, Alison Rowdy, une enquête sur les services de Mark Bolton. Gabriel Delage, l'agent de Telkis, échoue à exfiltrer les frères Hamza qui prennent la fuite pour gagner l'Angleterre où ils ont un contact haut placé.
 

L'échec de Taraud avec les syriens vaut à la DGSE de récupérer le dossier tandis que Delage rejoint à son tour l'Angleterre où Telkis a localisé les deux frères Hamza. Là-bas, Delage retrouve seul Walid mais celui-ci tente de le semer puis essaie de le tuer. Delage l'envoie à l'hôpital en lui dérobant la clé USB sur laquelle les Hamza ont stockés leurs infos sur les cyberattaques, mais elle est cryptée et impossible à ouvrir. Samir, prévenu de ce qui est arrivé son frère, quitte le Royaueme-Uni pour Dunkerque tandis que les caméras de surveillance ont permis de filmer l'agression de Walid par Delage que reconnaît tout de suite Alison, son ancienne maîtresse, sans rien dire.


Telkis localise Myriam, la femme de Samir, dans un centre de rétention en Belgique et envoie Delage la chercher. De son côté, Banks missionne Alison et Bolton pour aller à Bruxelles négocier le retour de l'Angleterre dans le système de cyberdéfense européen. En l'apprenant par son ex-femme, haut-fonctionnaire à Bruxelles, Taraud lui demande de torpiller cette requête mais Alison obtient malgré tout un rendez-vous avec Vandermeer, son supérieur. Bolton, lui, s'absente pour rencontrer Bob Foret, administrateur d'Antropa, une société de cyberdéfense qui veut, grâce à Taraud, récupérer le marché de la cyberdéfense pour l'Europe. Mais après avoir appris que Antropa était responsable de l'attaque contre le barrage de la Tamise, Bolton prend peur. Alison le trouve pendu mais sans croire à un suicide.
 

Delage récupère Myriam mais des sbires d'Antropa les attaque. Ils réussissent à les semer mais Delage appelle Alison à l'aide. Celle-ci, sous le choc, répond aux questions de la police au sujet de Bolton puis rejoint Delage qu'elle ramène avec Myriam à Bruxelles. Après un peu de repos et avoir parlé avec Dumas, Delage comprend que les Hamza avaient découvert les plans d'Antropa et il convient avec Alison et Myriam que Samir les rejoigne. Reste à décider qui, de la France ou de l'Angleterre, gagnera le droit de garder Samir. En attendant, il faut le mettre à l'abri et Alison pense à les conduire, lui et sa femme, chez son père, un ancien officier de l'OTAN. Mais Antropa les suit. De son côté, Dumas rencontre Sophie Saint-Roch pour l'informer de la complicité de Taraud avec Antropa et le coincer pour trahison.


Les sbires d'Antropa débarquent de nuit chez le père de Alison. Celui-ci réussit à leur échapper grâce à Delage et Alison. Ils gagnent Dunkerque où ils avaient laissé Samir et Myriam à des amis de Delage. Dumas contacte son agent et lui fixe un rendez-vous avec Alison. Elle négocie avec Sophie Saint-Roch la garde de Samir contre la tête de Taraud qui doit se rendre à Londres pour conclure avec Antropa et son patron, Francis Miller. De retour à Londres, Alison confie Samir et Myriam à Banks tandis que Delage infiltre les locaux d'Antropa. Après un peu de repos, Alison retourne au bureau rejoindre Banks mais elle est enlevée par des sbires d'Antropa alors que Gabriel est arrêté par les services de sécurité de cette société.


Alsion est emmenée devant Miller qui veut la faire passer pour une traître aux yeux des autorités anglaises tandis que Delage servira de bouc émissaire pour Taraud. Mais les deux ex-amants réussissent à filer. Des échanges de coups de feu alertent la police qui investit le siège d'Antropa et obligent Taraud et Miller à filer en hélicoptère. Séparée de Delage qui la couvre contre les tirs des sbires d'Antropa, Alison sort du bâtiment avec Myriam mais sans Samir qui s'est sacrifiée pour sauver sa femme et elle aperçoit dans le ciel l'hélico exploser en vol. Banks arrive avec sa garde rapprochée sur les lieux; Myriam est prise en charge mais Alison refuse de continuer à servir son ministre. Elle retrouve Gabriel, indemne au milieu des ambulances et voitures de police.

Virginie Brac, la créatrice, principale scénariste et showrunner de Liaison, s'est faite un nom en écrivant des romans policiers puis, ensuite, à participant à la production de séries pour Canal + (comme Engrenages). C'est sans doute ce C.V. qui a convaincu Apple + de produire sa nouvelle série, la première avec la France pour la plateforme de streaming.

Ajoutez-y deux acteurs hexagonaux connus à l'étranger et le tour est joué. Après, vous trouverez malgré tout des grincheux pour dire du mal de Liaison en expliquant que ça n'a pas l'envergure ni l'ambition de projets anglo-saxons dans un registre équivalent. Pourtant, à l'écran, on ne peut que constater la qualité de cette production qui ne ressemble pas du tout à une série au rabais.

Tout n'est certes pas parfait dans ces six épisodes. Pendant un peu trop longtemps (en tout cas à mon goût), on va-et-vient entre Londres et Paris, Londres et Bruxelles, Londres et Dunkerque et l'intrigue y perd en intensité. Ce jeu du chat et de la souris pour récupérer un hacker syrien qui a découvert qu'une entreprise de cybersécurité privée fomentait des attentats pour forcer la main de plusieurs Etats européens à lui confier sa cyberdéfense est un peu trop filandreuse et ses conspirateurs un peu trop sommaires.

Le personnage de Didier Taraud est le plus problématique car cette éminence grise de la Présidence française fait appel à une agence privée d'anciens espions sans rien en dire à personne. C'est difficile à avaler et cela donne surtout encore le mauvais rôle à notre pays, qui certes a son lot de barbouzeries mais pas plus que ses homologues. Le personnage du Président, campé par Thierry Frémont, évoquant peu subtilement Nicolas Sarkosy, passe pour un type manipulable qui, contre toute logique, préfère s'appuyer sur un collaborateur mystérieux que sur la chef de la DGSE. Bon, c'est plus romanesque, mais c'est surtout moins crédible et c'est tout de même ennuyeux quand on prétend raconter une histoire plausible.

En revanche, côté anglais, la hiérarchie est présentée de façon un peu moins caricaturale, même si là aussi il y a des éléments tirés par les cheveux, comme l'importance du conseiller du Premier Ministre, qui a l'air de trancher sur tout, ou le fait que Mark Bolton n'éveille pas davantage et plus vite les soupçons. Son assassinat mal maquillé en suicide dans les murs même de la commission européenne à Bruxelles est aussi extravagante quand on imagine le niveau de sécurité de ce genre d'endroit.

Une fois qu'on a gobé tout ça (ce qui est, je le conçois, beaucoup, et qui accapare presque la moitié de la série), le niveau s'améliore. D'abord tout simplement parce que les deux héros sont enfin réunis et engagés dans une course-poursuite où leur intégrité physique et morale est mise en jeu, avec son lot de scènes d'action, de retournements de situations et de règlements de comptes efficaces. Par ailleurs, ces deux anciens amants, chez qui la flamme n'est pas éteinte, bénéficient d'une solide caractérisation, avec un background bien fourni (elle et lui ont été des éco-activistes mêlés à un drame accidentel, lui cache un vieux secret à ce sujet, elle culpabilise pour ce qui s'est passé).

Et au fond, on comprend pourquoi avoir casté Eva Green et Vincent Cassel a été déterminant non seulement pour convaincre Apple + mais aussi pour bâtir tout ce projet. Cassel rêvait de donner la réplique à Green depuis longtemps et il se trouve qu'il a exaucé ce souhait deux fois d'affilée (ici et avec le diptyque des Trois Mousquetaires, dont le premier volet cartonne actuellement en salles). Il y a quelques années, Cassel avait déjà brillé dans un excellent film d'espionnage, Agents Secrets (Frédéric Schoendoerffer, 2004) avec sa compagne d'alors, Monica Bellucci. A 57 ans, avec sa gueule de voyou grisonnant, le fils de Jean-Pierre Cassel reste impeccable.

Face à lui, Eva Green apporte toute sa fièvre romantique au personnage de Alison Rowdy, constamment tiraillée entre ses sentiments et la raison (d'Etat). Souvent, il faut bien le reconnaître, elle vole la vedette à son partenaire par un jeu plus nuancé, moins monolithique, et sa palette de jeu, éprouvé par une filmographie impressionnante (au ciné et à la télé) lui permet de faire passer des scènes limites. Son couple avec Cassel est parfaitement crédible et l'alchimie fonctionne à plein entre eux deux.

Ils sont bien entourés par des seconds rôles soignés. Peter Mullan est formidable en ministre aguerri. Irène Jacob est épatante en patronne de la DGSE. Le revenant Stanislas Merhar est parfait en magouilleur sans scrupules. Je serai plus réservé sur la prestation de Gérard Lanvin qui, comme d'habitude, semble s'ennuyer, à tirer la tronche pour paraître grave. Tcheky Karyo apparaît dans le dernier épisode, transparent, alors qu'il incarne le grand méchant de l'histoire. Dommage.

Liaison n'est donc pas dénué de défauts, mais tient principalement grâce à ses deux vedettes, irréprochables et à une densité narrative appréciable. Virginie Brac aurait gagné des points en allant davantage à l'essentiel et en imprimant plus de nerf à son intrigue, filmée par Stephen Hopkins avec efficacité. J'ai quand même, au final, envie de soutenir cet effort et de conseiller le visionnage de ces épisodes.

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