lundi 29 mai 2023

CITADELLE imprenable ?


Je n'en ai pas l'habitude et, à vrai dire, je n'aime pas beaucoup le faire, mais ce week-end, j'ai "binge-watché" la saison 1 de Citadelle. Lancé comme la série la plus chère de tous les temps (on parle d'un budget total de 300 millions $), produite par les frères Russo, ce show à grand spectacle dans le milieu de l'espionnage se veut le point de départ d'un univers partagé. Pour l'heure, c'est d'abord six épisodes très efficaces même si, curieusement, parfois, aux allures très sobres compte tenu de ses moyens.

Quelques spoilers, mais l'essentiel est préservé !


Citadelle, c'est le nom d'une agence d'espions mondiale, ne dépendant d'aucune autorité gouvernementale et fonctionnant depuis plus d'un siècle pour assurer la sécurité partout sur la planète. Deux de ses meilleurs agents, Mason Kane et Nadia Sinh, sont piégés lors d'une mission par leurs adversaires de l'organisation Manticore, aux mains des six familles les plus puissantes du globe. Huit ans après, Mason a survécu mais sa mémoire a été effacée comme l'exige le protocole de Citadelle et il a refait sa vie sous le nom de Kyle Conroy en Oregon avec femme et enfant. Jusqu'à ce que Bernard Orlick, cadre de l'agence, le localise et les enlève pour lui demander de l'aider à récupérer la mallette X, contenant les derniers secrets de Citadelle, convoités par Dahlia Archer, chef des opérations de l'ennemi.


Nadia a elle aussi survécu et après avoir été sauvé par un homme qui l'a séquestrée mais qu'elle a réussi à tuer, elle est partie pour Valence, sans aucun souvenir autre qu'une inscription sur un de ses avant-bras. Orlick et Mason repèrent la mallette et la récupèrent mais ils sont pris en chasse par les agents de Manticore qui blessent Bernard. Mason réussit à semer ses assaillants et grâce à la mallette détecte la présence de Nadia en Espagne. Là-bas, il lui rend la mémoire grâce à un sérum dans une seringue tandis que la sienne se brise quand Vink, un agent de Manticore, les surprend.


Bernard est livré à Dahlia Archer qui tente, sous la torture, de lui soutirer des codes de têtes nucléaires ayant appartenu à Citadelle. Nadia et Mason gagnent une planque où elle tente de contacter d'autres survivants de l'agence : elle découvre que Manticore a éliminé pratiquement tous ses collègues sauf Carter Spence qui a lancé un s.o.s. depuis le Maroc avant de disparaître. Mason veut aider Nadia mais elle considère qu'il la gênera. Toutefois elle se ravise quand elle pense que le seul homme à pouvoir leur dire où est Carter ne parlera qu'à Mason.


Au Maroc, Mason apprend par l'informateur de Nadia que Carter est détenu dans une prison secrète de Manticore dans le désert. Ils s'y rendent et le libèrent mais Carter accuse alors Nadia d'avoir causé la chute de Citadelle en livrant la liste de leurs agents à Manticore il y a huit ans. Interrogé par Vink, Bernard tente de l'amadouer en lui montrant sur son téléphone la photo de Brielle, la seule femme qu'il a aimée et qu'il croyait morte. Mais Dahlia abat Vink avant qu'il ne s'en aille avec Orlick puis elle menace ce dernier d'abattre sa femme, celle de Mason et leur fille cachées dans une planque du Wyoming. Orlick livre alors les codes.


Un an avant la chute de Citadelle (il y a neuf ans donc), Mason demande Nadia en mariage après une longue liaison. Elle veut d'abord lui présenter une recrue en qui elle a toute confiance car elle l'a sauvée lors d'une mission dans les forces spéciales. Celeste Graham doit se lier aux frères Vink qui ont conçu la Clé Oz, un appareil commandé par Manticore. Mais Celeste, sous le faux nom de Brielle, ne donne bientôt plus signe de vie et Mason pense qu'elle va trahi l'agence en revendant la clé pour rembourser les dettes de jeu de son frère. Il ordonne donc son exfiltration mais la clé est introuvable. Mason demande à Bernard d'effacer les souvenirs de Celeste sans le dire à Nadia et de la renvoyer à la vie civile. La disparition soudaine de Celeste éveille les soupçons de Nadia, qui refuse d'épouser Mason.


Rattrapés par Manticore, Carter, Nadia et Mason sont obligés de remplir une mission pour Dahlia Archer qui tient la fille de Nadia, Asha, fruit de ses amours avec Mason et qu'elle avait confiée à son père. Ensemble, les deux agents et leur collègue récupèrent six disques qui désarment des têtes nucléaires puis se rendent à Valence pour les livrer à une membre de Manticore contre Asha. Mason sauve la fillette tandis que Nadia garde les disques. Ils trouvent refuge dans l'ancien Q.G. de Citadelle où la femme de Mason et leur fille les attendent, conduites ici par l'épouse de Bernard. Carter injecte le sérum à Mason qui recouvre la mémoire... Et se rappelle de qui a trahi l'agence...

... Mais, hé, hé, je ne vous dirai pas qui c'est ! Parce que ce twiste final est vraiment très réussi, imprévisible et relève vraiment le niveau de cette première saison. En effet, malgré tous les superlatifs qui entourent sa production, Citadelle peut (un peu) décevoir compte tenu des ambitions affichés et des moyens financiers qui lui ont été alloués.

Amazon Prime Video a beaucoup communiqué sur l'implication de Joe et Anthony Russo pour promouvoir ce show épique et coûteux. Les frères Russo, auréolés du succès de leurs deux films Captain America (Le Soldat de l'Hiver et Civil War) puis de leurs deux opus des Avengers (Infinity War/Endgame), ont été soustraits à Netflix (pour qui ils avaient écrits et mis en scène The Gray Man) : une belle prise indéniablement (même si, en théorie, rien ne les empêche de retravailler pour la concurrence). Mais il convient de rester mesurer sur leur investissement dans Citadelle.

En effet, les Russo n'ont ni participé à l'écriture ni à la réalisation des six épisodes mis en ligne : ils font partie des producteurs et on peut donc considérer que leurs noms servent de caution pour attirer des abonnés plus que comme d'authentiques créateurs ayant imaginé ce qui se veut comme le point de départ d'un univers partagé conçu par Josh Applebaum, Bryan Oh et David Weil.

Car Amazon a de grands projets pour Citadelle destinée à être déclinée non seulement en une série centrale sur plusieurs saisons (la deuxième devrait être tournée l'an prochain) mais aussi des spin-off (dont le premier sera Citadelle : Diana, qui sera diffusé en 2024). Et Tim Cook n'a pas donc pas hésité à sortir le chéquier (comme il l'a déjà fait pour The Rings of Power, le prequel du Seigneur des Anneaux).

Mais assez parlé de gros sous. Que raconte et que vaut Citadelle ? On est entraîné dans un monde de super-espions au service d'une agence indépendante qui oeuvre dans l'ombre depuis des décennies pour instaurer un nouvel ordre mondial. Cette influence a motivé les six familles les plus puissantes du globe à s'unir pour fonder l'organisation Manticore, dont le projet est de démanteler Citadelle et d'accélérer le désarmement des nations, quitte à employer des méthodes radicales.

Rien n'est réaliste dans cette série qui emprunte à James Bond mais aussi à la science-fiction (avec un protocole qui efface les souvenirs des agents de Citadelle quand ils sont compromis). On voit à l'oeuvre des clichés qui suscitent un sourire amusé comme le fait que Citadelle a un quartier général à flanc de canyon, ce qui n'est vraiment pas discret pour une agence d'espions. Les agents en question sont tous des gravures de mode, maniant n'importe quelle arme avec un dextérité insensée, pilotant n'importe quel véhicule, survivant aux cascades les plus ahurissantes. Et leurs adversaires ressemblent à une mafia ayant infiltré les plus hauts cercles du pouvoir politique, avec une chef de mission établie en Angleterre, en poste dans le gouvernement de sa Majesté, et qui donne malgré tout des interviews à des lanceurs d'alerte en suggérant en direct qu'ils pourraient être des agents à la solde de forces étrangères hostiles (comprenez : des russes).

Si on joue le jeu, exactement comme on le fait en regardant n'importe quel film de la saga James Bond, Citadelle est donc un divertissement très efficace et plaisant. La durée des épisodes explique aussi ces sentiments car si le compteur affiche de 40 à 50', en vérité, une fois le résumé de l'épisode précédent, le générique et le teaser pour le prochain épisode, on est plus proche de 35' en moyenne et les scénaristes ne perdent donc pas de temps en caractérisation trop poussée ni en circonvolutions dramatiques au profit d'intrigues menées à toute allure, avec un quota d'action calibrée, de romance sexy, de coups de théâtre réguliers. Tout ici procède d'archétypes, de conventions.

Les flashbacks qui émaillent les épisodes pour revenir sur les années précédant la chute de Citadelle ou pour faire croire au téléspectateur qui a trahi l'agence il y a huit ans, qui étaient Mason Kane et Nadia Sinh (et dans une moindre mesure Carter Spence, Bernard Orlick, Celeste Graham et Dahlia Archer), sont des ponctuations et souvent de fausses pistes qui aboutissent à un twist final vraiment très réussi et renversant. Et c'est ce qui motivera les fans à revenir pour une saison 2 (voire pour le premier spin-off).

Mais, car il y a un "mais", Citadelle déçoit un peu quand même quand on en revient au budget car alors que les américains excellent à peupler leurs séries, à les décorer, on remarque ici une forme étonnante de pauvreté. Le QG de Citadelle par exemple devrait être une vraie fourmilière, compte tenu du champ d'action de l'agence, grouillant d'agents, de terrain ou affectés à la logistique, au renseignement, etc. Or le décor se résume à des open spaces souvent dépeuplés qui font davantage penser à une organisation de résistants faisant avec les moyens du bord qu'avec des moyens rivalisant avec ceux que Amazon a mis pour financer ce show. Idem pour Manticore dont on ne voit rien, au point que lorsque Bernard est torturé par Dahlia Archer et ses hommes, cela se passe dans le salon-salle à manger de sa propre maison. Où est passé l'argent ?

Si, pour The Gray Man par exemple, Netflix s'était offert un casting certainement très onéreux (Ryan Gosling, Chris Evans, Ana de Armas, etc), ici, on ne peut pas dire que les acteurs principaux soient des stars. Ce ne sont pas non plus des inconnus ni de mauvais interprètes, loin s'en faut. Stanley Tucci est le seul dans le lot à avoir une carrière fournie et son personnage a la lourde tâche d'apporter un peu de finesse dans ce barnum, tout comme celui de Lesley Manville dans la partie adverse.

Les héros sont incarnés par deux comédiens familiers des amateurs de séries : Richard Madden a été révélé par Game of Thrones puis Bodyguard avant de se commettre dans Les Eternels (un des pires films de la Phase IV du MCU) et il est parfait en super spy athlétique et au charme ténébreux. Il n'est certes pas très expressif mais apporte une intensité indéniable à son rôle jusqu'à la fin de la saison. Face à lui se tient celle qui s'impose comme la star du show : Priyanka Chopra Jonas. Révélée dans Quantico, l'actrice indienne est d'une sensualité affolante mais surtout elle parvient à habiter très crédiblement son personnage d'agent et de traître idéale (ce qui ne veut pas dire qu'elle l'est...). A chaque fois qu'elle est à l'image, elle vole les scènes et de ce point de vue Citadelle impose une héroïne charismatique dans le registre de l'action comme le fut Jennifer Garner au temps de Alias.

A condition de ne pas réclamer du réalisme et de pardonner quelques facilités ou négligences, suivre Citadelle assure un excellent moment de détente, avec un dénouement tout à fait épatant. 

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