dimanche 21 mai 2023

LES GARDIENS DE LA GALAXIE VOL. 3, de James Gunn


Après bien des péripéties, Les Gardiens de la Galaxie vol. 3 est enfin sorti dans les salles. James Gunn, son scénariste et réalisateur, clôt non seulement sa trilogie mais quitte du même coup définitivement les studios Marvel pour partir diriger le DCU. Il est donc fortement conseillé d'avoir vu les deux précédents longs métrages consacrés aux personnages (et aussi le diptyque Avengers : Infinity War/Endgame) pour apprécier ce récit, plus grave que d'habitude.
 


Adam Warlock, le "fils" de la prêtresse Ayesha que les Gardiens de la Galaxie avaient dupée, attaque la station Knowhere. Dans le feu du combat, il blesse gravement Rocket Raccoon avant que Nebula le touche à son tour et le force à battre en retraite. Incapable de sauver Rocket, l'équipe décide de gagner le Q.G. d'OrgoCorp où leur ami servit de cobaye à des expériences dans le passé.


Dans le coma, Rocket se souvient de l'époque où il était aux mains du Maître de l'Evolution, un savant fou et puissant qui ambitionnait de créer et peupler une Contre-Terre pacifiste avec des créatures anthropomorphiques. Rocket partageait ses souffrances avec d'autres animaux comme Sol le lapin, Lyla une loutre et Teefs le morse. Mais développant une intelligence que jalousait le Maître de l'Evolution, Rocket devina qu'il allait être sacrifié et entreprit de fuir avec ses amis. Lui seul y parvint.


Une fois à proximité d'OrgoCorp, les Gardiens retrouvent les Ravageurs et Gamora qui les aident à pénétrer dans le bâtiment. Ils y dérobent avec perte et fracas le dossier médical de Rocket puis, de retour dans leur vaisseau, constatent que des données importantes en ont été effacées par Theel, l'assistant du Maître de l'Evoltuion. Ils partent donc pour la Contre-Terre sans savoir que Adam Warlock et Ayesha, qui est redevable au Maître pour la naissance de son "fils", les suivent.


Une fois sur la Contre-Terre, Star_Lord, Nebula et Groot sont aidés par les habitants pour trouver la pyramide du Maître de l'Evolution, pendant que Drax, Mantis et Gamora veillent sur Rocket toujours entre la vie et la mort. La rencontre avec le Maître dégénère quand ce dernier, déçu d'avoir été dénoncé par ses créatures, décide de détruire la Contre-Terre et de partir dans l'espace à bord de sa pyramide. Drax et Mantis, impatients, ont rejoints Nebula au pied du bâtiment-vaisseau alors que des explosions dévastent la planète.


Star-Lord et Groot sautent de la pyramide qui décolle en embarquant Theel tandis que Drax, Mantis et Nebula montent, eux, à bord et découvrent des centaines d'enfants en cage pour servir de cobayes au Maître de l'Evolution. Star-Lord extrait de Theel les données manquantes du dossier médical de Rocket et avec Groot embarquent dans le vaisseau où leur ami se trouvent avec Gamora. Adam Warlock voit Ayesha mourir dans une explosion au moment où ils tentent d'aborder le vaisseau des Gardiens et le souffle de la déflagration le propulse à l'intérieur. 
 


Cependant, Star-Lord, Gamora et Groot sauvent Rocket avant que Nebula ne leur donne sa position. Ils prennent en chasse la pyramide du Maître de l'Evolution et, avec le renfort de Kraglin, lui barre la route avec la station Knowhere. Les enfants sont évacués de la pyramide à la station tandis que les Gardiens au complet avec le renfort d'Adam Warlock affrontent le Maître de l'Evolution. Rocket se refuse finalement à le tuer pour ne pas prolonger ce cycle de violence...

Deux scènes post-générique de fin conclut le film : 

- la première montre la nouvelle formation des Gardiens (Rocket devenu le leader, Groot, Kraglin, Cosmo, Adam Warlock et Phyla, une des enfants rescapés) part en mission après la décision de Star-Lord de repartir sur Terre, de Mantis de faire un break, de Gamora de réintégrer les Ravageurs, de Drax et Nebula de s'occuper des enfants retirés au Maître de l'Evolution ;

- la seconde montre Peter Quill en train de prendre le petit-déjeuner avec son père adoptif sur Terre, avant qu'un carton à l'écran indique que "le légendaire Star-Lord reviendra".

Après une Phase IV au mieux inégale, au pire médiocre, et un début de Phase V peu convaincant (Ant-Man et la Guêpe : Quantumania s'est ramassé au box office), beaucoup d'espoirs reposaient sur Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3. Et quelque chose me dit que James Gunn, scénariste et réalisateur du film, a dû sourire de cette situation...

Pourquoi ? Pour le comprendre, il faut remonter à la sortie du précédent volume des Gardiens de la Galaxie en 2017. Si le film fut un succès, en dépit d'avis mitigés, pour le Gunn, ce fut le début d'une mauvaise passe. De vieux tweets déterrés par des détracteurs de Droite du cinéaste conduisirent Disney à le sanctionner en l'écartant d'abord du troisième long métrage puis carrément en le virant. Tout le casting s'en émut et menaça d'abandonner tout projet avec le studio si Gunn n'était pas réintégré. Pendant ce temps, ce dernier, abordé par la concurrence, signa pour The Suicide Squad chez Warner (sorti en 2021) dont le succès critique et public (dans le contexte particulier d'alors, en pleine pandémie) convainquit Disney de revenir en arrière.

Le reste appartient à l'Histoire : la Warner resta en contact avec Gunn et lui proposa de refonder le DCU sur grand écran après les échecs du "Snyderverse" tandis que le cinéaste bouclait le tournage des Gardiens de la Galaxie vol. 3. Et, happy end, cet ultime chapitre cartonne depuis sa sortie en salles. Marvel studios doit donc une fière chandelle au mec qu'ils avaient renvoyé comme un malpropre.

Pour Gunn, boucler cette trilogie était aussi le moyen de raconter l'histoire du personnage qu'il aimait le plus : Rocket Raccoon. On raconte même qu'il avait initialement envisagé de mettre en scène un spin-off entièrement consacré au raton-laveur et Groot pour revenir sur le passé douloureux du premier, avant de se raviser, tout comme il changea de méchant en cours de route (passant de Annihilus au Maître de l'Evolution).

Ce qui frappe donc, d'emblée, c'est le ton plus grave de l'histoire. Rocket est rapidement gravement blessé et va passé les deux tiers du film sur une table d'opération entre la vie et la mort, à se remémorer ses origines, tenté d'abdiquer en se souvenant de ses amis disparus. Sans concessions, le film traite de la maltraitance animale de manière poignante et des dérives du transhumanisme. Le supplice que traverse Rocket dans des flashbacks très émouvants vous serre le coeur. On comprend à quel point Gunn s'est projeté dans ce personnage, le transformant en une figure sacrificielle, profondément touchante et blessée.

Qu'importe alors que le Maître de l'Evolution soit joué de façon un peu trop souvent hystérique par Chukwudi Iwuji (à la différence des comics où il est un savant fou et puissant mais d'une froideur totale, d'un détachement effrayant) : le face-à-face entre Rocket et ce néo-Docteur Moreau (inspiré par le héros du roman de H.G. Wells) réserve son lot de scènes mémorables, cruelles, et pour lesquelles Gunn trouve un dénouement tout sauf manichéen.

Le cinéaste n'a jamais envisagé les Gardiens comme une équipe de super-héros comme les Avengers, mais plutôt comme une famille que chacun de ses membres s'est choisie. Gunn a dû composer avec des éléments qu'il n'a pas choisis (et qui compliquent inutilement le récit, comme la Gamora issu de Avengers : Endgame, qui a tout oublié de son passé avec les Gardiens et n'est donc plus l'amante de Star-Lord), mais il les exploite avec adresse pour redynamiser le groupe, ses relations. Il donne aussi une suite directe à ce qu'il avait mis en place dans le volume 2 avec Ayesha et Adam Warlock en les reliant au Maître de l'Evolution et si, là aussi, son interprétation de Warlock peut dérouter par rapport aux comics (où il était un personnage plus mûr), elle a une vraie logique dans ce contexte, incarné avec recul par Will Poulter.

Alors, pourquoi ça fonctionne contrairement à la majorité de ce qu'a livré la Phase IV et Quantumania ? Qu'on apprécie ou pas le style coloré, décalé, de Gunn, on ne peut nier qu'il a un style affirmé, peut-être même le plus prononcé, le plus personnel, de tout le MCU. Dans la mesure où il écrit et dirige ses films, il en a le contrôle et en assume tous les aspects, parfois même les plus controversés (comme sa vision de Drax en gros bouffon plutôt qu'en réel destructeur ou de Mantis qui devient une ingénue comique au lieu d'une madone céleste). Quand on va voir un film de Gunn, on sait où on met les pieds, on ne peut pas jouer la surprise ou s'offusquer des libertés prises. Et ce sera intéressant de voir comment il s'emparera du DCU, à commencer par Superman dont il a écrit et mettra en scène le grand retour en 2024-2025.

Il y a donc cette exubérance familière et qui assure à la trilogie une vraie unité esthétique et narrative, une inventivité, une sorte d'insouciance, un refus de se prendre trop au sérieux tout en faisant le job sérieusement. Tout cela témoigne d'un amour pour le matériau de base, son folklore, mais aussi d'une approche singulière, sincère, sentimentale même. Et je pense que c'est ce qui a fait la différence après tout un tas de films de la Phase IV où les spectateurs ont été perdus par les choix de Kevin Feige ou déçus par des opus trop ou pas assez, sans désormais de menace commune, de fil rouge (comme l'incarnaient Thanos et les pierres d'infinité). En existant en marge du reste mais en développant leurs propres thèmes, leurs propres méchants, les rapports entre les Gardiens, la trilogie de Gunn a échappé à ces sorties de route pour former un tout solide, certes imparfait, mais honnête avec lui-même et le public.

Enfin, plus que tout autre film ou trilogies du MCU, Gunn a bâti son oeuvre avec une troupe qui a fait corps avec son projet. Chris Pratt, Zoe Saldana, Karen Gillan, Dave Bautista (même si ce dernier s'est plaint de l'évolution de son personnage), Pom Klementieff, ainsi que Bradley Cooper et Vin Diesel (qui ont prêté leur voix à Rocket et Groot), tous  sont indissociables de la réussite de ces trois films et de celui-ci en particulier (sans oublier le spécial diffusé fin 2022 sur Disney +). Cette famille d'acteurs dont certains ont vu leur carrière propulsé grâce à Gunn, qui les a imposés à Disney, a soutenu le réalisateur comme des enfants auraient soutenu un père mais ont aussi défendu leurs rôles en jouant à fond le jeu, communiquant leur plaisir à l'audience.

Alors que le MCU est actuellement en plein gestion du scandale lié à Jonathan Majors (Kang à l'écran, empêtré dans une sale affaire de violences sur sa compagne et rattrapé par des témoignages sur son comportement toxique de longue date), et en attendant la sortie à l'automne de The Marvels (la suite de Captain Marvel), Les Gardiens de la Galaxie vol. 3 ressemble à la fin d'une époque. Le studio va devoir d'une manière ou d'une autre changer, évoluer, peut-être en lâchant la bride à ses cinéastes, en repensant son modèle. Gunn parti, Kevin Feige va devoir prouver qu'il n'a pas perdu son mojo, sa vista, tandis que Bob Iger, l'ex-président de Disney revenu en catastrophe, opère une restructuration drastique.

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