lundi 20 juin 2022

MONEY SHOT, VOL. 1, de Tim Seeley, Sarah Beattie et Rebekah Isaacs


Ce lundi, j'ai décidé de vous parler de Money Shot, un titre découvert avec du retard certes, mais grâce à la lecture de The Blue Flame, avec laquelle elle partage le même éditeur, Vault. Cette série est co-écrite par Tim Seeley et Sarah Beattie et dessinée par Rebekah Isaacs, et paraît depuis 2019 (elle compte une quinzaine de n° à ce jour). Et ça parle de sciences, d'extraterrestres... Et de sexe !


2027 : une civilisation extraterrestre avancée entre en contact avec l'humanité pour lui proposer une alliance, mais le projet échoue quand les visiteurs constatent la situation pitoyable de la Terre. 2032 : confrontée à une administration réticente au progrès scientifique, Christina Ocampos, inventrice d'une machine téportatrice, convainc quelques collègues de la suivre dans un projet délirant : rencontrer des aliens pour explorer leurs formes de sexualité, se filmer, mettre ça en ligne pour des abonnés qui ainsi financeront leurs recherches...


Le groupe échoue sur la planète Dryreef où il espère rencontrer Bokaï l'ancien dont la technique pour parvenir à l'orgasme produit une énergie comparable à une bombe A, ce qui permettrait à Christina et ses amis de rentrer sur Terre avec leur téléporteur. Mais ils sont capturés par Gaudhir, un seigneur de guerre, qui les sépare. Christina et son ex, Omar Steinberg doivent affronter dans une arène un monstre...
 

Les trois autres membres du groupe - Annie Leong, Doug Koch et Bree Wander - sont enfermés dans une cellule où est détenu Bokaï. Dans l'arène, Christina et Omar neutralisent le monstre et Gaudhir les reçoit dans sa chambre pour communier sexuellement. Bokaï explique aux trois autres que Gaudhir absorbe l'énergie de ses partenaires sexuels pour se renforcer...


Christina découvre la ruse de Gaudhir trop tard et assiste avec Omar au massacre des opposants du seigneur de guerre grâce à l'énergie qu'il a accumulée en faisant l'amour avec les deux scientifiques. Profitant que Gaudhir ne les surveille pas, ils s'enfuient avec leurs collègues et Bokaï dans le désert de Dryreef. Christina, accablée par son erreur de jugement, veut rentrer sur Terre mais Bree la convainc d'aider la population locale à renverser Daughir...
 

Défiant Gaudhir, l'équipe permet à Bokaï de retrouver des forces pour affronter le tyran et le vaincre. Mais ce duel lui coûte ses dernières forces et il transmet son secret à Christina avant de succomber. Le peuple de Dryreef, oppresseurs et oppressés, se réconcilie dans une orgie pendant que les scientifiques préparent leur retour sur Terre...

Je ne veux rien vous promettre, mais j'ai un projet avec cette critique de Money Shot : celui d'instaurer un rendez-vous, que j'espère régulier, pour parler de comics autres que ceux s'inscrivant dans le registre super-héroïque et produits par les majors (Marvel, DC, Image, disons). Il s'agira d'articles concernant des recueils, donc couvrant plusieurs épisodes.

J'ai découvert Money Shot via The Blue Flame avec laquelle elle partage le même éditeur, Vault Comics. Le nom de Tim Seeley, co-scénariste, m'était également familier puisque j'avais apprécié sa collaboration avec Tom KIng sur Grayson (durant la période New 52 de DC) et Nightwing (au début de la période Rebirth de DC). Quant à la dessiantrice Rebekah Isaacs, je savais qu'elle avait oeuvré sur Buffy chez Boom ! Studios entre autres.

En ce qui concerne Sarah Beattie, c'était une inconnue au bataillon, mais en m'informant à son sujet, j'ai appris qu'elle était actrice et auteur. Sur Twitter, elle se présente en termes choisis : "writer. comedy person. I hate your ex boyfriend. Sorry I meant mine. I have big tits.". Ah oui, et c'est une bombe ! Jugez donc :


Bon, on ne va pas s'arrêter là, parce que l'essentiel, c'est de savoir si elle écrit bien et si Money Shot présente aussi bien qu'elle.

Les héros de la série s'appellent eux-mêmes des "XXX-plorers" et ça résume bien et leur rôle et leur mission. Le postulat est à la fois original et drôle. L'humanité a été en contact avec des aliens très intelligents qui souhaitaient leur proposer une alliance puis se sont rétractés en considérant notre piètre évolution. Cinq ans plus tard, c'est pire : l'administration américaine ne finance pratiquement plus la science. Christina Ocampos, une inventrice de génie, se désole mais ne se résigne pas et échafaude un projet fou : rencontrer de nouveaux peuples extraterrestres, faire l'amour avec eux, filmer leurs ébats, les mettre en ligne contre un abonnement qui servira à financer de nouvelles recherches scientifiques.

Elle embarque quatre collègues dans l'aventure : Annie Leong est épidémioligiste, Doug Koch biochimiste, Bree Wander physicienne, et Omar Steinberg (son ex) astrophysicien. Pour se préparer, elle impose à tous de coucher avec chacun, pour mieux se connaître, briser les tabous et être prêts à des relations sexuelles avec des individus d'une autre planète. Cela suscite de nouvelles sensations chez ces grosses têtes et soude le groupe, même si, au détriment de Omar (qui espérait renouer sérieusement avec Christina), il n'est pas question de se mettre en couple ensuite. La recherche scientifique d'abord !

Le premier voyage va envoyer notre cinq héros sur une planète régie par un tyran androgyne et machiavélique dont le plus sérieux rival est un une sorte de vieux sage qui maîtrise une technique menant à l'organsme et libérant une énergie comparable à celle d'une bombe nucléaire. Ce qui permettrait aux "XXX-plorateurs" de rentrer chez eux à bord de la machine à téléporter fabriquée par Christina. Mais, évidemment, ça ne va pas être si simple...

Le plus étonnant, et quelque part, le plus décevant avec Money Shot (du moins avec cet arc, on verra si cela se redresse avec l'arc suivant), c'est que l'ensemble est relativement timoré. La personnalité de Sarah Beattie plus l'expérience de Tim Seeley promettait un résultat autrement plus corsé, et en fin de compte, c'est plutôt sage, même si les deux scénaristes ne se cachent pas non plus derrière leur petit doigt.

D'où vient alors qu'on a le sentiment que ça aurait plus être plus (dé)culotté ? Peut-être à cause du style graphique de Rebekah Isaacs, qui semble la moins dévergondée du lot. Son trait lisse mais expressif, son découpage sobre mais rigoureux servent le script, mais sans le transcender, sans être aussi frippon. Il y a peu de nudité, et les actes sexuels sont assez rares, ce qui ne respectent pas le contrat implicite antre la série et le lecteur, émoustillé puis frustré.

Entendons-nous bien, je n'ai pas lu ceci en voulant me rincer l'oeil et l'histoire ironise sur l'évolution de la pornographie à travers les âges le temps d'une séquence, en soulignant qu'avec l'apparition d'Internet les moeurs ont plus évolué en une dizaine d'années qu'en deux milles ans. Pour cette série qui se déroule dans un futur proche (2032), les auteurs pronostiquent, certainement à raison, un goût de plus en plus prononcé pour une sexualité étrange, ce qui est traduit ici par la mise en ligne des ébats de l'équipe de chercheurs avec des aliens.

Mais c'est là encore où le bat blesse car visuellement les extraterrestres ici sont classiques : ils ont une physionomie humanoïde, pas grand-chose d'étrange ni de dérangeant. Du coup, l'exotisme des situations tombe un peu à plat. A titre de comparaison, dans la mini-série Martian Manhunter de Steve Orlando et Riley Rossmo, on assistait à l'accouplement de J'onn J'onzz avec sa femme et la scène avait quelque chose de vraiment bizarre et poétique qui est totalement absente ici où on baise de manière très basique même entre humains et aliens.

Pourtant, Money Shot n'est pas désagréable à lire. Ces cinq premiers épisodes possèdent un rythme soutenu, les personnages sont bien caractérisés, et même si Christina est la vedette, ses acolytes ne sont pas qu'esquissés. L'humour de Doug, l'espièglerie de Annie, la résolution de Bree et l'inquiétude de Omar fournissent au scénario  des ressorts sur lesquels il peut rebondir. Le méchant Daughir est plus convenu alors que Bokaï l'ancien a une apparence déjantée, qui aurait pu être dessinée par un artiste de Fluide Glacial.

Pas totalement satisfaisant donc, pas l'orgasme attendu. Mais je vais quand même lire le deuxième volume en espérant que ce sera plus épicé. Money Shot a du potentiel, et mérite qu'on insiste un peu.

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