samedi 11 juin 2022

BATMAN : KILLING TIME #4, de Tom King et David Marquez


Malgré tout le plaisir que j'ai à lire les productions de Tom King, je dois bien reconnaître qu'elles ont (presque) toutes en commun de souffrir de ce qu'on peut appeler un "ventre mou", et Batman : Killing Time ne fait pas exception. C'est le cas de ce quatrième épisode, en deçà des précédents, même s'il reste agréable à feuilleter, notamment grâce au dessin toujours vif et élégant de David Marquez.


Batman remonte la trace de Catwoman jusqu'à un sanctuaire pour fauves. En difficulté contre les tigres qu'elle a libérés pour le retarder, il est sauvé par l'Aide qui lui propose d'unir leurs forces.


Cependant, le Sphinx a rendez-vous dans un dinner avec Nuri Espinoza, agent du gouvernement à qui il doit vendre ce qu'il a volé. Mais, mécontente, elle réclame l'objet sans délai.


A Gotham, le Pinguoin s'extrait de son lit d'hôpital, résolu à éliminer l'Aide comme Catwoman et le Sphinx qui, tous, l'ont doublé. Il propose à Double-Face d'unir leurs forces.


Catwoman vient en aide au Sphinx pris au piège par Espinoza et ses hommes. Il obtient d'être payé dans les 24 h sinon il trouvera un autre acheteur. 

Si l'expérience de Tom King n'est plus à prouver en ce qui concerne l'écriture de mini-séries, il faut bien avouer que pratiquement toutes ses histoires souffrent d'un même mal : à un moment ou autre, souvent dans le deuxième tiers, elles marquent un temps, comme si le scénariste cherchait un second souffle avant de conclure.

C'est encore plus frappant dans le cas de Batman : Killing Time où il a réduit la voilure en passant de ses douze épisodes habituels à la moitié inférieure. Après trois épisodes menés tambour battant, ponctués de scènes mémorables, ce quatrième chapitre marque le pas de façon assez nette.

La narration déstructurée, avec des allers-retours dans le passé tout au long d'une seule journée, a pour effet de ménager un certain suspense et de dérouter le lecteur qui doit recomposer la chronologie des faits. Cet effort (peu exigeant toutefois) donne du relief à ce qui n'est qu'une longue course-poursuite entre des voleurs (Catwoman, le Sphinx), des tueurs (l'Aide, le Pinguoin) et celui qui cherche à tous les appréhender (Batman). Racontez cette même histoire dans l'ordre, elle n'a plus grand-chose de passionnant, avec son MacGuffin (l'objet volé par Cat et Nygma), son assassin lancé aux trousses des voleurs (l'Aide) et Batman qui rame pour les rattraper (rappelons bien qu'il s'agit d'une histoire située dans le passé, au moment où Batman n'est pas encore le détective costumé infaillible qu'il est devenu... Même s'il y a à ce sujet des éléments un peu bizarres, comme le fait de voir un téléphone portable).

Ce fameux MacGuffin ne me semble pas destiné à être identifié. J'ai le sentiment que c'est un calcul de la part de King et il me paraît intelligent car d'une, cela fait phosphorer le lecteur, et de deux, si finalement le scénariste nous dévoile de quoi il s'agit, je pressens une déception générale (un peu comme quand il a voulu expliquer de façon tarabisctotée pourquoi et comment Wally West avait tué plusieurs personnes dans Heroes in Crisis).

Mais on n'est pas à l'abri de cette révélation car King, par ailleurs, continue de ponctuer ses épisodes de flashbacks dans un lointain passé, retours en arrière franchement nébuleux, se situant dans l'antiquité grecque, avec des trops longs passages sur une pièce de théâtre, un meurtre sanglant, une malédiction, Ra's Al Ghul. J'avoue ne pas être très serein concernant cette partie de l'intrigue à laquelle je ne comprends pas grand-chose (pour ne pas dire que je n'y comprends rien). Je me méfie comme de la peste de ce genre d'artifices qui doit mener à un climax et qui souvent tombe comme un cheveu dans la soupe.

Le reste de cet épisode est donc au mieux passable, au pire ennuyeux, ça n'avance guère ou pas assez. King offre au lecteur une belle bagarre avec Catwoman et des sbires du gouvernemetn dans un dinner. Mais l'alliance, de circonstances, entre Batman et l'Aide me semble complètemet foireuse (l'Aide a besoin de Batman, pas vraiment le contraire). L'entrée en scène, bien tardive de Double-Face, ressemble à une fausse bonne idée car si le Pingouin cherche quelqu'un pour l'aider à tuer Catwoman, le Sphinx et l'Aide, il n'est pas très inspiré en s'adressant à quelqu'un d'aussi instable que Harvey Dent. On verra ce que ça va donner, mais j'ai peur.

On se raccroche à ce qui reste pour continuer à être vraiment motivé et c'est donc à David Marquez de jouer ce rôle. Lui non plus ne livre pas sa meilleure prestation, mais il fait le job, efficacement. Je ne saurai expliquer exactement ce qui me chiffonne, peut-être est-ce biaisé, mais tout comme Bendis, je ne trouve pas que Marquez brille autant chez DC que, auparavant, chez Marvel.

Ou alors cela vient de sa complicité improbable avec King. Ce dernier est si souvent associé aux mêmes dessinateurs (Mitch Gerads) ou à des pointures supérieures à Marquez (Greg Smallwood) que lorsqu'il collabore avec un autre artiste, on attend de leur produit qu'il ait la même rigueur. Or, ici, il semble que King ait lâché la bride du cou de Marquez qui, du coup, découpe ses planches dans un style peu commun aux comics écrits par King. Pas de gaufriers, pas de mise en scène au cordeau.

Les cases sont souvent plus grandes, et les scènes d'action sont à la fois plus franches mais aussi plus dépouillées niveau décors. Marquez est un bolide de course, il lui faut de l'espace et du mouvement quand King est réputé pour ses intrigues psychologiques dressées au carré. L'association ne va pas de soi, et on a souvent l'impression que Batman : Killing Time est porté par des courants contraires, où chacun fait des compromis pour satisfaire l'autre. Marquez accordant à King des scènes de dialogues, King donnant à Marquez des scènes d'action.

Surtout, ce qui frappe, c'est que pour une histoire censée se situer au début de la carrière de Batman, rien ne le confirme de façon nette. Dans le dessin en particulier, Marquez représente le héros sans marquez de différence probante, qui le ferait paraître plus jeune, moins athlétique par exemple (comme le fit si bien Mazzuchelli dans Batman ; Year One). C'est d'autant plus curieux que le Sphinx, lui, apparaît plus juvénile. Mais Catwoman est déjà la féline fatale d'aujourd'hui. Marquez n'a pas ce sens du détail qui permettrait de distinguer les âges des personnages et du coup de souligner l'époque du récit. Je pense qu'un Mikel Janin (avec lequel, incompréhensiblement, King ne travaille plus alors qu'il a été son dessinateur le plus régulier sur son run de Batman) aurait été plus habile, plus subtil.

Bon, je suis dur, mais c'est mon ressenti. Cela reste une mini divertissante, mais qui ne restera pas comme un des sommets de son auteur. A qui il reste deux épisodes pour emballer correctement une conclusion digne de ce nom.

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