mercredi 6 janvier 2021

FUTURE STATE : WONDER WOMAN, de Joelle Jones


Future State : Wonder Woman est probablement l'autre série qui a été précédée par le plus gros buzz. En effet, son héroïne, créée pour l'occasion, depuis que son image a été diffusée sur les réseaux sociaux a généré des réactions très enthousiastes chez les fans - et on sait déjà qu'elle aura une autre mini-série après Future State et qu'une série télé est déjà en travaux ! Autant dire que Joelle Jones, qui écrit et dessine, a tiré le gros lot.


2050. Dans la forêt amazonnienne, Yara Flor traque un monstre. Fille de Zeus et de Tupa, elle défie une hydre qu'elle décapite rapidement. Mais la créature, fidèle à sa légende, renaît et le combat reprend, obligeant Yara à appeler en renfort son cheval aîlé, Jerry.


L'hydre vaincue définitivement, Yara lui retire une corne. Mais une fée de la forêt, Caipora, l'interrompt en lui expliquant qu'elle ne peut faire ça. Yara répond qu'elle entend négocier cette corne avec Hadès pour la libération de sa soeur, détenue par le dieu des enfers. Caipora accepte de l'y emmener.


Une fois dans les limbes, il faut encore veiller à ne pas réveiller le Cerbère qui garde l'endroit. Puis à s'acquitter d'un droit de passage jusqu'à l'embarcadère où Charon vient prendre les visiteurs de Hadès. Malheureusement, la situation va dégénèrer à cause de l'impatience de Yara Flor...

Lire ce premier épisode (sur deux) de Future State : Wonder Woman après The Next Batman est instructif sur la manière dont deux auteurs profitent d'une opportunité. John Ridley avec Nick Derington a su prouver que le concept lui convenait malgré les contraintes de format en livrant un épisode dense et mouvementé. Joelle Jones, disons-le tout de suite, confirme surtout ses faiblesses récurrentes de scénariste en ne racontant pas grand-chose de consistant.

Lorsque j'ai découvert Joelle Jones sur Catwoman où elle portait déjà la double casquette de scénariste et de dessinatrice, j'avais constaté rapidement ses difficultés à livrer une histoire rythmée et avec de la substance. Elle héritait d'un personnage qui vivait pourtant une passe intéressante puisque Selina Kyle venait de renoncer à épouser Batman après avoir été manipulée à son insu. Plutôt que d'explorer vraiment les conséquences de cette rupture, Catwoman partait pour une autre ville où elle se trouvait vite mêlée à une sombre intrigue peu captivante et qui a tellement trainé en longueur que j'ai vite abdiqué. Depuis que Ram V a succédé à Jones au scénario, la série a connu un stupéfiant redressement pour redevenir un titre palpitant, s'arrangeant à merveille de la relation entre Catwoman et Batman.

Mais ici, Jones n'a même pas l'excuse de devoir composer avec le plan d'un précédent scénariste (comme ce fut le cas avec Tom King). Sa Wonder Woman de 2050 est une page blanche qu'elle a eue toute liberté d'inventer, sans se soucier de question d'héritage ou de continuité. Une formidable opportunité pour créer un personnage.

Du coup, on ne peut qu'être désarçonné et désappointé par la vacuité de cet épisode et se demander à quoi va ressembler le prochain. Tant de pages pour si peu à dire, ça relève de l'exploit ! Yara Flor est jetée sur la page sans qu'on nous la présente, elle surgit d'on ne sait où, décrite par une narratrice omnisciente, puis elle tue, laborieusement, une hydre, rencontre une sorte de fée, descend dans les limbes, fait preuve d'une immaturité insupportable et l'épisode de termine sur un cliffhanger qu'on a vu venir depuis des pages. C'est tout.

Yara Flor est une coquille vide dont la mission est inspidie (délivrer sa soeur de Hadès sans qu'on sache pourquoi il la retient). Elle décapite une hydre mais cela ne sert à rien d'autre qu'à produire des planches spectaculaires de leur combat. Puis elle s'impatiente pour passer aux enfers avant de faire un caprice puérile en attendant Charon. Qu'est-ce que c'est que ça ? 

Comme je l'écrivais plus haut, quand les premières images de Yara Flor ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux, la beauté du personnage, la classe du design de son costume, le fait qu'il s'agisse d'une héroïne brésilienne (une vraie curiosité, mais aussi la confirmation que Future State jouait à fond la carte de la diversité après son Batman noir, un speedster trasngenre, etc), ont généré un good buzz incroyable. Et cela a suffisamment convaincu les cadres de DC et Warner Bros. qu'il a été décidé, avant même la parution de cet épisode, que Yara Flor reviendrait après cet event dans une mini-série et une série télé !

On peut cependant, dès à présent, se poser la question de savoir ce qui va être raconté dans la future mini-série (que réalisera aussi Jones) et la série télé tellement cette introduction est creuse. Les plus optimistes diront que, justement, ce sera l'occasion de remplir. Les plus pessimistes (ou lucides ?) rétorqueront qu'il aurait fallu commencer par cela.

Si Joelle Jones est donc une scénariste vraiment décevante, elle est une artiste indéniablement douée. Comme déjà cité, elle a conçu visuellement Yara Flor à merveille, c'est honnêtement un des meilleurs character's design que j'ai vu depuis belle lurette (en particulier chez DC où le pire l'emporte souvent sur le meilleur - bien qu'en la matière, il sera difficile de faire pire que ce qu'on a eu durant les New 52). Elle lui donne une allure magnifique, un charme fou.

Le cadre est à l'avenant avec des décors sauvages sublimes, somptueusement mis en couleurs par Jordie Bellaire, et une vision des limbes ironique à souhait. Mais en fin de compte, c'est du gâchis de lire une si belle BD aussi mal rédigée, ayant si peu de choses à raconter. La frustration l'emporte sur le ravissement. C'est une occasion manquée.

L'avantage d'une expérience comme Future State, c'est qu'elle est brève et qu'on n'a donc pas à supporter longtemps une déconvenue. En l'occurrence, avec seulement deux épisodes, l'aventure de cette néo Wonder Woman sera vite règlée. 

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