jeudi 30 janvier 2020

X-MEN #5, de Jonathan Hickman et R. B. Silva


Ce cinquième épisode de X-Men voit le retour au dessin de R. B. Silva, après avoir illustré les cinq numéros de Powers of X, et c'est un vrai plaisir car son travail redynamise une série que Leinil Yu a bien du mal à animer. Ensuite, ce chapitre marque un tournant dans la narration de Jonathan Hickman car sa fin est ouverte et dramatique. 


Echappée de la station Orchis après l'attaque des X-Men, Serafina, une Enfant de la Voûte, est repérée en Equateur où Wolverine la traque. Mais elle réussit à lui échapper en se réfugiant dans la Voûte, à l'intérieur d'une Sentinelle désactivée.


Avec Wolverine, Tornade et le Pr. X, Cyclope confie à Synch, X-23 et Darwin la périlleuse mission d'entrer dans la Voûte. Mais le temps s'y écoule différemment et les Enfants de la Voûte sont différents des mutants, sans doute les seules créatures qui leur sont supérieures.


Serafina active le protocole pour ramener ses compagnons et veiller sur leurs secrets. A l'extérieur, les X-Men se déploient pour créer une diversion qui déroutera la système de sécurité de la Voûte et permettra ainsi à Synch, Darwin et X-23 d'y entrer.


La manoeuvre réussit grâce au renfort d'Armure, même si Tornade est blessée dans l'affaire. Synch réussit à forcer l'ouverture de la Voûte et s'y introduit avec Darwin et X-23. Ils y découvrent alors une cité cachée.


Sur Krakoa, le Pr. X est rejoint par Cyclope, venu aux nouvelles. Voilà trois mois et cinq jours que Synch, Darwin et X-23 ont pénétré dans la Voûte. Ce qui équivaut, pour eux, à cinq cent trente sept ans...

La notion de temps était au coeur du diptyque House of X-Powers of X, avec ses histoires entre passé, présent et futur, ses vies multiples, les altérations orchestrées par Moira McTaggert, Charles Xavier et Magneto. Il était donc attendu que Jonathan Hickman renoue avec ces thèmes un moment ou un autre dans X-Men, après quatre premiers épisodes surtout passés à voyager géographiquement.

En réutilisant les Enfants de la Voûte (créés par Mike Carey durant son run), il fait appel à des personnages un peu méconnus et oubliés mais terriblement accrocheurs car considérés comme les seules créatures pouvant rivaliser (et même dominer) les mutants. En effet, ils ne sont pas le produit de mutations dues à l'évolution naturelle, mais le produit d'adaptations à la technologie. Des sortes de "post-mutants" en quelque sorte.

Serafina en fait partie et son pouvoir est l'expression directe de sa catégorie puisqu'elle communie avec les machines, mais une machinerie très avancée, très sophistiquée, dans un environnement complexe. La clé du problème pour les X-Men, qui veulent infiltrer la Voûte, c'est le temps qui s'y écoule différemment : à la fin de l'épisode, on apprend que Synch, Darwin, et X-23 ont pénétré dans l'endroit depuis un peu plus de trois mois, mais que leur séjour dans la Voûte équivaut à cinq cent trente sept ans !

Et Cyclope, le stratège en chef des X-Men, qui a eu l'idée de se servir d'eux comme espions, de mesurer le sort qu'il leur a infligé. Certes, choisir Synch (dont le pouvoir consiste à imiter ceux des autres), Darwin (dont la capacité d'adaptation est supposément infinie) et X-23 (clone de Wolverine) relève du bon sens. Mais ce sont trois jeunes X-Men, dont l'un (Synch), parmi les premiers avoir été ressuscités via la protocole des Cinq, présente, d'après le Dr. Cecilia Reyes, de sérieux troubles psychologiques (il est en plein déni par rapport au décalage induit par son retour à la vie).

Hickman pose la question du sacrifice potentiel de ces trois mutants dans une mission quasi-suicide. Habilement, il ne montre guère les Enfants de la Voûte, y compris Serafina, pour mieux suggérer leur supériorité - d'abord parce qu'ils "jouent à domicile" en somme. Le choix d'installer la Voûte à l'intérieur d'une Sentinelle désactivée relève du même "truc" scénaristique : rien de bon ne saurait se passer qui se situe dans un des robots tueurs de mutants.

Et puis il y a cette fin terrible donc. La révélation du temps déjà passé par les trois espions dans la Voûte glace le sang et interroge sur leur état quand (si) ils en sortiront, reléguant presque au second plan la réussite de leur mission. Depuis quatre épisodes, Hickman sème des graines, comme autant de menaces à venir (la découverte éventuelle par les scientifiques de la station Orchis d'un autre protocole de résurrection, l'enfant de Guerre qui a provoqué la fusion de Krakoa et Arrako, les grands-mères écolo-terroristes, l'échange musclé au forum de Davos). Mais jusqu'à présent, tout cela semblait sous contrôle. Là, pour la première fois, il y a des pertes et l'incertitude, l'inquiétude - de récupérer Synch, Darwyn, X-23, mais aussi d'affronter les Enfants de la Voûte.

On sent que les X-Men sont assis sur une poudrière. A force de se mettre tout le monde à dos (Orchis, les écolo-terroristes, des nations étrangères, sans oublier l'organisation ennemie à l'oeuvre dans X-Force), et malgré la supériorité que leur confèrent leurs pouvoirs et leur statut récent, ils restent fragiles, précaires. Et il reste encore le problème Mystique à gérer (elle attend la résurrection de Destinée, mais cela dévoilerait l'existence de Moira McTaggert), les manigances d'Apocalypse, les coups fourrés de Sebastian Shaw, sans oublier la situation des Nouveaux Mutans dans l'espace...

Après quatre épisodes décevants, Leinil Yu cède (provisoirement) la place à R.B. Silva et c'est un sursaut graphique épatant pour la série. L'artiste brésilien se réapproprie des personnages qu'il adore (c'est visible avec Wolverine) et maîtrise sans peine des têtes peu ou pas utilisées jusqu'à présent (le revenant Synch, Darwin - une création d'Ed Brubaker - et X-23). Je regrette un peu qu'Armure n'ait pas plus de scènes, mais j'espère qu'elle reviendra (ce serait un bel hommage à Joss Whedon).

Surtout Silva se distingue par la clarté et la fluidité de son découpage : dès la première scène avec Wolverine qui file Serafina dans la forêt équatoriale, une tension s'installe qui ne quittera plus l'épisode. Tranquillement, sans forcer, le dessinateur dresse le cadre au moyen d'images percutantes (la Sentinelle à l'intérieur de laquelle Serafina se cache, sa connexion avec le réseau de la Voûte -mention spéciale au passage aux couleurs de Marte Gracia - la diversion orchestrée par Cyclope et Tornade). C'est spectaculaire et superbe.

Le design même des Enfants de la Voûte rappelle le génie en la matière de Chris Bachalo (qui les a co-créés) avec ce mélange parfait d'influences à la mode de la couture et d'éléments dérangeants (les câbles sortant du corps de Serafina).  Tout cela aussi, Silva l'exploite de manière efficace, raccord avec les obsessions futuristes de Hickman.

Décidément, c'est, comme le dit la formule chère à certains critiques, une bonne période pour être fan des X-Men - quand bien même Hickman en a fait quelque chose de tout à fait différent de ce à quoi on nous avait habitués.

1 commentaire:

midnighter a dit…

bonsoir
toujours un plaisir de lire tes critiques

j' ai jamais compris ce qu' on trouvait de génial au style de leinil yu; donc les planches du nouveau dessinateur donnent très envie