jeudi 9 janvier 2020

DIAL H FOR HERO #10, de Sam Humphries et Joe Quinones


On approche de la fin de Dial H for Hero (d'autant plus que le prochain numéro sortira la dernière semaine de Janvier) et logiquement l'action s'accélère. C'est un plus notable après le ventre mou traversé ces derniers mois, certainement du au fait que Sam Humphries a développé un script initialement prévu pour six épisodes. Joe Quinones est pour sa part toujours en grande forme (ayant profité de quelques numéros de répit).


Summer et Miguel traversent le Multivers à bord du van et découvrent les Terres parralèles et leurs héros. Sans savoir où ce périple va les mener, ils atterrissent sur la Terre-32 où tous les super-héros sont des amalgames de ceux qu'ils connaissent.


Mais ce monde est en pleine guerre contre le Harli-Quinnitor contre laquelle tout le monde est mobilisé. Super-Martian accueille les deux adolescents et confie leur protection à Lobo Kick You, l'avatar de Summer sur cette Terre.


Conduit dans la Rue Miguel dotée de conscience, le jeune garçon y trouve une cabine téléphonique avec une porte blindée. Il en déchiffre la combinaison d'entrée et découvre le Y-Dial à l'intérieur, le téléphone jaune que l'Opérateur lui a fermement déconseillé d'utiliser.


Mais, parce qu'il veut pacifier ce monde, il désobéit. Aussitôt Mr. Thunderbolt surgit et révèle à Miguel les mensonges de l'Opérateur pour brider le jeune garçon et empêcher la survie du Multivers en dotant tous ses habitants de super-pouvoirs.


Tandis que Lobo Kick You évacue Summer, Miguel suit Mr. Thunderbolt dans son repaire. Il ne lui reste plus que le téléphone noir à obtenir pour mener son plan à bien, mais l'appareil se trouve à Apokolips. Miguel se transforme pour aller le chercher.

Quel que soit la qualité du dénouement de cette maxi-série, on ne pourra que déplorer la décision de DC d'avoir voulu exagérément la prolonger en passant de six épisodes à douze. Cela a eu pour conséquence une décompression narrative préjudiciable au projet et abouti à des numéros dispensables, visiblement écrits dans l'urgence pour meubler plus que pour enrichir l'intrigue. Huit ou à la rigueur dix épisodes auraient largement suffi.

Mais reconnaissons à Sam Humphries de s'être bien débrouillé pour limiter la casse. Certes il a connu un coup de mou manifeste passé le #6, mais a su redresser la barre au #9. Ce #10 confirme ce mieux même si les ficelles sont grosses comme des câbles pour nous faire patienter.

En effet, l'objectif de l'histoire est de nous emmener à Apokolips où se trouve le dernier des quatre cadrans magiques cardinaux, le noir. Une fois Mr. Thunderbolt en possession des quatre téléphones, il sera en mesure de doter tout le Multivers de super-pouvoirs et de le pacifier grâce à cela. Du moins c'est ce qu'il promet, et on peut douter de sa bienveillance.

Dans le même temps, Humphries a joué la carte de l'ambiguïté en assombrissant la figure de l'Opérateur, la moitié de Thunderbolt, si bien que le lecteur doute des deux. Les arguments de Thunderbolt pour que Miguel adhère à son projet sont troublants et malins (l'Opérateur est un censeur, qui veut le brimer, et sous couvert de libre-arbitre, ne fait rien pour épargner les Terres parallèles). Mais d'un autre côté, comme le lui rappelle à bon escient Summer, Miguel est traqué depuis qu'il est en possession du H-Dial par Thunderbolt : peut-il vraiment s'abandonner à ce personnage ?

Si la série avait conservé une certaine densité, on aurait exploré le Multivers plus tôt et donc la complexité de la situation telle qu'exposée d'une part par l'Opérateur et d'autre part par Thunderbolt. A la place, on a droit à un passage sur Terre-32 et quelques vignettes sur d'autres mondes vite survolés par les deux héros. Malgré tout, Humphries ne se pose pas sur Terre-32 par hasard puisqu'il s'agit d'un monde où les super-héros sont des amalgames improbables des héros de Terre-1 : Superman est ici un mélange de l'homme d'acier et du Martian Manhunter. Cela renvoie aux personnages en lesquels Miguel (et Summer) se transforment grâce au H-Dial, qui sont aussi de curieux mixes de héros. Et puis ça ne fait jamais de mal de puiser dans l'abondante cartographie cosmique et dimensionnelle que Grant Morrison a planifié dans son anthologie The Multiversity (bien plus importante et surtout plus synthétique en vérité que les manipulations constantes d'un Geoff Johns pour agréger la spatio-temporalité du DCU).

L'aventure devient à nouveau accrocheuse puisque Apokolips est plus que jamais proche. On va surveiller avec gourmandise la visite de Miguel (ou des SuperMiguel) dans le domaine de Darkseid. Et observer qui de Mr. Thunderbolt ou de l'Opérateur est le plus digne de confiance...

Joe Quinones dessine à nouveau l'intégralité de ce numéro. Il n'y reproduit pas le style d'un illustre confrère (ou alors je ne l'ai pas reconnu), mais son travail est d'une générosité visuelle épatante. Il ne lésine pas sur les pleines pages riches en détails et spectaculaires à souhait. Terre-32 en proie à un conflit grotesque contre le Harli-Quinnitor (comme si Harley Quinn était devenu l'Anti-Monitor - une fantaisie que seul Humphries peut se permettre puisqu'il est aussi le scénariste de la série Harley Quinn), la représentation de tous les super-héros amalgamés, ou le survol des mondes parallèles sont autant de morceaux de bravoure à l'actif de l'artiste.

Mais quand Quinones doit se calmer un peu pour offrir au récit une narration en relation avec l'évolution psychologique de Miguel, il sait aussi s'assagir et produire des pages impeccablement découpées et même astucieuses. Le meilleur exemple réside dans cette autre splash-page ave l'Opérateur et Mr. Thunderbolt qu'on peut plier pour comprendre que les deux personnages forment une seule entité.

Il faut aussi saluer la contribution essentielle depuis le début de la série du coloriste Jordan Gibson, dont la palette fait vivre cette histoire avec toutes les variations graphiques insensées que Quinones lui imprime. Gibson exécute un travail énorme et superbe, qui contribue à l'immersion du lecteur dans un récit très référencé mais toujours accessible.

Si l'équipe tient bon, la dernière ligne droite promet d'être épique.

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