vendredi 10 janvier 2020

X-FORCE #5, de Benjamin Percy et Joshua Cassara


S'il y a bien une série Marvel qu'on attend avec impatience et qui ne nous fait pas attendre, c'est bien X-Force. La machine de guerre de Benjamin Percy est devenue terriblement addictive bien qu'il s'agisse d'un "dirty book" (dixit l'auteur). Après le cliffhanger atroce du #4, ce numéro rebondit avec une efficacité redoutable, que Joshua Cassara illustre avec toujours le même mordant.


Wolverine et Kid Oméga ont été littéralement coupés en deux par l'explosion du portail de Krakoa qui devait les transporter dans le laboratoire de Greenspace, attaqué par un commando. Coincée sur l'île, Domino promet à Wolverine de venir le secourir.


Les mercenaires pillent des échantillons krakoans tout en étant, pour certains d'entre eux, pressés de repartir. Ils ont raison car, même mutilé, Wolverine a survécu et commence à se venger de manière sanglante. Il reçoit une riposte encore plus brutale.


Mais, cependant, Domino a été rejointe par Forge et son arsenal bio-technologique. Grâce au renfort du téléporteur aborigène Gateway, ils débarquent dans les locaux de Greenspace à temps avant que le commando n'en reparte.


Forge récupère Wolverine pendant que Gateway s'occupe du pilote de l'hélico qui devait évacuer les mercenaires. Très remontée, Domino fait un carnage mais le Fauve réussit à la raisonner in extremis pour qu'elle épargne au moins un des ennemis afin qu'il soit interrogé sur Krakoa.


Kid Oméga est confié aux soins du Guérisseur tandis que Wolverine et Domino partagent une bière. Dans une salle d'interrogatoire sur l'île, le Fauve et Marvel Girl sondent leur prisonnier. Ils en tirent peu d'informations sur son commanditaire sinon un vague portrait robot.

Fascinante série que cette version de X-Force, d'autant plus que, à la faveur du calendrier des sorties, ce numéro s'apprécie encore mieux après avoir lu X-Men #4 (paru la semaine dernière). En effet, le Pr. X y avertissait, lors du forum économique de Davos, qu'en cas de nouvelles agressions contre la Nation X, celle-ci s'autorisait désormais à riposter sans retenir ses coups.

On le sait, la X-Force est le bras armé des mutants, mais pas seulement puisque l'équipe est formée de deux parties, l'une pour la partie renseignements-enquêtes, l'autre pour la partie offensive. Des six personnages qu'il a à sa disposition, Benjamin Percy fait une unité à la fois crédible, efficace et face à des menaces réelles.

Un des challenges des scénaristes de la franchise "X" est en effet de composer avec le fait que les mutants ont vaincu la mort. Percy a parfaitement intégré ce paramètre et en joue si bien qu'il réussit à nous faire vibrer malgré tout, quand ses héros sont en piteux état. Littéralement coupés en deux, Wolverine et Kid Oméga peuvent très bien être retapés, mais il n'empêche la violence qu'ils subissent saisit.

L'autre défi, c'est de ne pas adoucir le propos. Percy doit montrer une équipe tiraillée par des motivations contraires : le Fauve, Marvel Girl et Sage sont des mutants qui veulent minimiser le sang versé, non seulement par respect des lois primordiales du Conseil de Krakoa (ne pas tuer d'humains), mais aussi parce qu'ils se posent en individus éclairés, civilisés. Au contraire, Wolverine, Domino et Kid Oméga sont prêts à tout pour riposter contre leurs ennemis (Wolverine par nature, Domino par rancune, Kid Oméga par complexe de supériorité). Tout cela, Percy le traite vite mais bien.

Avec la fermeté affichée par le Pr. X, on comprend surtout que la loi selon laquelle les mutants ne tueront plus d'humains a du plomb dans l'aile. Mais Percy le prend en compte avec bien plus d'intelligence que Gerry Duggan dans Marauders (où Tornade éborgne et Pyro carbonise sans scrupules). En vérité, le scénariste prouve qu'il est impossible quand on forme une X-Force de ne pas tuer d'humains. Quand le Fauve tente de calmer Domino, lui-même s'y emploie plus pour qu'elle ramène un prisonnier à interroger que par pitié pour l'humain.

Par ailleurs, le scénariste place dans la bouche du prisonnier un constat qui nuance considérablement la situation. En affirmant être la race supérieure, les mutants se sont positionnés comme des ennemis pour un tas de personnes, ils sont devenus des cibles. Ils l'ont toujours été, mais sans le chercher. Cette fois, c'est totalement différent : ils ont déclaré la guerre autant qu'on la leur a déclarés. Xavier l'a intégré et a répondu qu'il réagirait en conséquence. X-Force est cette réponse.

En définitive, si certains lecteurs se demandent encore si les X-Men ne sont pas devenus des quasi-vilains, en tout cas des personnages antipathiques, X-Men#4 et X-Force répondent à cette interrogation. Quelque part, Hickman et maintenant Percy ont osé ce que Marvel n'a pas voulu avec Inhumans : faire de personnages populaires et sympathiques des individus ostensiblement désagréables, affichant un visage moins avenant. C'est finalement la confirmation du slogan de l'époque Grant Morrison : "Magneto is right." ("Magneto a raison."). Pour sortir de l'ornière dans laquelle ils se trouvaient, de l'impasse scénaristique, il fallait assumer cela.

Pour illustrer ce virage philosophique, le dessin de Joshua Cassara, organique et brut, convient parfaitement parce qu'il n'est objectivement pas joli, pas beau. Il montre la saleté, le sang, les tripes, la colère qui animent la X-Force. Chaque page est irriguée par une tension, une colère terribles.

Mais le dessinateur s'autorise, grâce au script survolté, à une sorte d'humour très noir et, je trouve, réjouissant. Quand Wolverine réduit à l'état de cul-de-jatte charcute les mercenaires, on ne peut réprimer un éclat de rire, même si la page suivante, il reçoit une giclée de plombs horrible. De la même manière, lorsque Forge arrive en renfort de Domino, sa jubilation à utiliser son armement techno-organique a quelque chose d'enfantin et d'amusant par rapport à son rôle de savant. Et enfin, le mutisme de Gateway devient sarcastique quand, d'abord embarqué dans un raid vengeur, il ne fait pas de quartier pour éliminer un pilote d'hélicoptère (à noter que si l'emploi de Gateway est original, on se demande quand même bien pourquoi ni Percy ni Hickman ne font appel à Diablo pour ce genre d'action alors qu'il est également un téléporteur).

Si Cassara est rapide et percutant, il semble bien toutefois que la place qu'il laisse à la colorisation requiert une intervention gourmande puisque cette fois encore Dean White doit être aidé par Rachelle Rosenberg. Le résultat est superbe, avec des effets de textures impressionnants, et on doit féliciter les deux coloristes de si bien se compléter. Mais cela suscite aussi une légère appréhension quand Cassara sera remplacé car rien ne garantit que celui qui le suppléera aura un style aussi puissant et que la colorisation sera aussi soutenue.

Mais pour l'instant, apprécions surtout la réussite implacable de cette série, qui avec X-Men et New Mutants, est la grande réussite de "Dawn of X".

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