jeudi 2 janvier 2020

THOR #1, de Donny Cates et Nic Klein


Ce tout début de 2020 se fait avec la relance de Thor. Le dieu du tonnerre est (enfin) lâché par Jason Aaron, qui en fait un peu tout et (surtout) n'importe quoi. Maarvel joue la sécurité en confiant le héros à un fan déclaré du personnage et de son ancien scénariste : Donny Cates doit relever le gant, après un court et calamiteux run sur Guardians of the Galaxy. Il peut compter sur Nic Klein vraiment né pour dessiner cette série. Ce numéro 1 est grandiose, mais pas irréprochable...


Après avoir remporté la guerre des royaumes, Thor est devenu le nouveau père de tout et s'assoit sur le trône de Odin. Loki a hérité de Jotunheim, mais lui comme Lady Sif (devenue la gardienne du bifrost) ou Volstagg remarquent déjà le poids de ses nouvelles responsabilités sur les épaules de Thor.


Retiré des Avengers, il s'apprête à prononcer son premier discours de régent devant ses sujets asgardiens. Mais il n'a pas prononcé un mot qu'un événement se produit : Galactus s'effondre, mutilé sur la capitale céleste. Et il cherche de l'aide.


Les semaines passent, le temps se gâte et Yggdrasil, l'arbre de vie, dépérit. Thor convoque les hérauts de Galactus pour en apprendre plus sur l'Hiver Noir, qui a terrassé le dévoreur de mondes et menace désormais cette dimension.


Le Surfeur d'argent résume : la menace est polymorphe et a déjà failli détruire l'univers à deux reprises. A chaque fois, seul Galactus a été capable de l'affronter. Pour cela, il doit consommer un monde suffisamment nourrissant. Cinq planètes sont encore capables de le sustenter ainsi...


... Mais c'est au risque de le rendre ensuite invincible. Le surfeur se tient prêt à le guider mais Thor va l'accompagner. Galactus se tient prêt à partir mais avant il transforme Thor, dont il redoute la puissance. Et en fait son nouvel héraut !

Tout d'abord, je dois dire que la fin du règne de Jason Aaron a été un soulagement pour moi. J'ai suivi les évolutions qu'il a fait subir à Thor depuis Thor : God of Thunder puis The Mighty Thor (où Jane Foster devenait la déesse du tonnerre) en passant par Unworthy Thor et Thor (préambule à la saga War of the Realms) puis enfin King Thor. A part la période Mighty, je n'ai rien aimé.

On dit souvent, quoi qu'on pense d'un auteur, qu'un geste appréciable pour son successeur est de rendre la série dans l'état où il l'a trouvé, de ranger les jouets de manière à ce scénariste, dessinateur et lecteur soient à même de les lire sans problème. Ce n'est pas le cas de Aaron qui a notoirement altéré le personnage de Thor, en le mutilant régulièrement, en le dépossédant de Mjolnir, en en faisant un dieu comme un dépressif pathétique ou même un bouffon. Il a même carrément effacé des tablettes Donald Blake, son avatar humain. Il ne s'est pas arrêté là : Heimdall, le gardien du bifrost, est mort, Jane Foster a remplacé Valkyrie, Lady Sif a succédé à Heimdall, et je ne sais même plus où est passé Odin dans tout ce chambardement.

Si Aaron a eu un succès certain (confirmé par la durée de son séjour avec Thor), il n'a pas fait l'unanimité, même si les fans français ont été plus que conquis. Mais bon, je ne vais pas faire le procès de ce scénariste qui m'a déçu de plus en plus depuis sa glorieuse époque sur Wolverine & les X-Men.

Et ce n'est pas Donny Cates, qui lui succède, qui en dira autant de mal que moi : il se présente volontiers comme un admirateur inconditionnel. Mais il l'est aussi de Thor, comme il l'explique de manière inspirée, dans la postface de ce numéro.

La dernière fois que j'ai lu du Cates, j'en suis sorti consterné, il s'agissait de son premier arc sur Gardians of the Galaxy, une série qu'il a quitté après douze épisodes (et qui va bientôt être relancée, sous la houlette de Al Ewing et Juan Caball). Je m'engage donc avec prudence mais bienveillance car il réussit globalement son entrée en matière.

A première vue, cet épisode (d'une trentaine de pages) se présente comme une réflexion sur la transition du statut de dieu justicier à celui de roi tout puissant. Hélas ! Cates ne fait que survoler la situation (peut-être, espérons, pour y revenir), mais néanmoins, en quelques pages bien senties, il suggère habilement que Thor est à la croisée des chemins : il a ce qu'il a toujours souhaité en somme (succéder à son père, comme ce dernier l'espérait, malgré leur relation orageuse) mais déjà sa vie d'aventurier, de justicier, de super-héros lui manque visiblement. Cela affecte-t-il, comme le remarque Loki, sa capacité à soulever Mjolnir ? Peut-être bien qu'il ne suffit pas d'être digne du fameux marteau mais aussi des responsabilités d'un régent (même si je serai agacé que Cates revienne sur le côté worthy de Thor, ce qui serait une redite pénible d'Aaron).

Comme il s'est donné de la place, Cates aurait pu la jouer moderato, mais au contraire, il fonce dans le spectaculaire en invitant Galactus dans la partie. Lorsque le dévoreur de mondes apparaît, on devine que la suite va être terrible, alors quand il arrive amputé d'un bras et terrassé par une force inconnue de Thor, on est accroché. Pas très subtil, mais très efficace.

Cates n'est pas Rick Remender mais il partage avec son glorieux aîné (que j'aurai bien aimé voir écrire Thor...) un goût affiché pour relier les séries sur lesquelles il travaille. Les présences du Cosmic Ghost Rider et du Silver Surfer (désormais noir, suite aux conséquences de la série Silver Surfer : Black, écrite par Cates, qui elle-même découlait des événements du début de ses Guardians of the Galaxy, où plusieurs personnages cosmiques étaient avalés par un trou noir) en témoignent. Mais le Rider se contente de faire de la figuration (ouf !) alors que la relation amicale entre le Surfer et Thor renvoie à d'antiques épisodes du dieu du tonnerre (dont leur première rencontre dessinée par John Buscema dans un classique). Petit plaisir aussi au passage de retrouver Frankie Raye (souvenir du run de Byrne sur Fantastic Four).

Le danger est effectivement énorme et promet une histoire particulièrement percutante (en cinq parties, ce qui devrait être soutenue rythmiquement). Et le cliffhanger explique la nouvelle apparence surprenante de Thor (bien qu'il paraisse peu probable qu'il devienne un héraut docile de Galactus, mais au moins il récupère son intégrité physique après avoir perdu un bras et un oeil à cause des manies sadiques de Aaron...).

Comme je l'écris plus haut, Nic Klein était né pour dessiner cette série. Elle devrait lui apporter une exposition à la hauteur de son talent, si tant est qu'il soit capable d'aligner les arcs (ce qu'il réussissait sur la série Drifter d'Ivan Brandon chez Image, mais plus sur le Deadpool de Skottie Young l'an passé). Avec le renfort de l'excellent Matt Wilson aux couleurs, il livre en tout cas un épisode remarquable.

Représenter Thor est devenu une sorte de test depuis que Olivier Coipel a redéfini le personnage (c'est d'ailleurs à nouveau le français qui dessine les couvertures de cette relance). D'une certaine manière, personne n'est parvenu à le dépasser depuis (pas plus Ribic que Dauterman ou Del Mundo, et les autres avant eux). Mais Klein se l'approprie intelligemment, en respectant le design du français : Thor conserve cet aspect brut, granitique, plus massif que musclé. Mais aussi plus mûr, taillé par les épreuves subies ces dernières années. La ressemblance avec Odin est soulignée au début, avec son patch sur l'oeil gauche et sa barbe fournie.

En revanche, Klein a complètement corrigé le nouveau costume du dieu-roi, en le simplifiant sur certains points et en le rendant plus futuriste aussi sur d'autres. Il l'a fait en accord avec Cates, qui appréciait le Thor de sa jeunesse (dans les années 90), avec des cheveux très (mais vraiment très) longs, argentés, transpirant de puissance, d'énergie. Il faudra s'y habituer, mais c'est une manière par contre nette de s'affranchir de ce qui a été produit ces dernières années (jusqu'au grotesque - par exemple, après avoir perdu son bras gauche, Thor a eu une prothèse dorée puis portait un bras du Destructeur).

La chute de Galactus, la réunion avec ses hérauts, l'intervention du Surfer constituent d'autres beaux moments où la plaisir de Klein est manifeste et sa solidité technique fait la différence. Son découpage est classique, très fidèle au script (disponible dans la version director's cut, très fournie en bonus, de l'épisode), mais dynamique.

En résumé, Cates avance sur la corde raide, en prolongeant des motifs d'Aaron (une énième transformation de Thor, la suite directe de War of the Realms), mais nous accroche avec un argument sérieux, puissant. Il dispose en outre d'un artiste en mesure de soutenir son projet et d'emballer le lecteur. 

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