Après deux épisodes attachés à la saga War of the Realms, Tony Stark : Iron Man reprend ses droits. Dan Slott et Jim Zub focent pied au plancher dans un nouvel arc, et invitent dans la série Captain Marvel. Valerio Schiti, reposé, est dans une forme olympique. De quoi produire encore un chapitre très dense et mouvementé.
Depuis son aventure dans l'e-Scape, Tony Stark a compris qu'il n'était revenu à la vie que sous la forme d'une simulation bio-technologique de lui-même. Il a à nouveau envie de boire alors qu'il a promis de parrainner Carol Danvers aux Alcooliques Anonymes.
Mais Tony a également perdu Jocaste, révoltée par son insouciance vis-à-vis des intelligences artificielles. Pourtant elle-même aspire à dépasser sa condition d'androïde, au grand dam d'Aaron Stack/Machine Man.
Tony n'a pas le temps de tergiverser car le Spymaster vole le Manticore à Stark Unlimited. Il se lance à sa poursuite avec Captain Marvel mais le pirate détourne toutes les armures d'Iron Man pour se débarrasser d'eux.
Pendant ce temps, dans les locaux de Baintronics, Arno Stark découvre pourquoi et comment Tony a transféré les mémoires de leurs parents dans l'e-Scape. Il entreprend de les ramener dans le monde des vivants dans de nouveaux hôtes.
Après une bataille disputée, Iron Man vainc le Spymaster et déduit avec Rhodey que Baintronics lui a fourni le moyen de pénétrer à Stark Unlimited. Sunset Bain introduit Jocaste auprès de Arno qui saisit le profit qu'il peut en tirer...
Le cinéaste et critique Christophe Gans, lors de la sortie de son film Le Pacte des loups (2001), justifiait le mélange des genres de son histoire par une distinction entre récits pour gourmets et pour gourmands. Si on garde cette classification, alors Tony Stark : Iron Man est un comic book pour les gourmands car chaque épisode vous rassasie.
On est toujours soufflé par la maîtrise affichée par Dan Slott et Jim Zub qui jonglent avec plusieurs niveaux narratifs sans se prendre les pieds dans le tapis ni égarer le lecteur. Ce mois-ci, on va et vient entre la team-up Iron Man-Captain Marvel, les projets de Jocaste et ceux de Arno Stark. Tout ici est plein comme un oeuf, ouvre des tas de pistes pour le futur, assure un divertissement de chaque instant.
Reprenons. La série reçoit comme invitée Captain Marvel : c'est de circonstance puisque dans son propre titre, on a vu Carol Danvers sur le point de sombrer à nouveau dans l'alcool suite à une série de revers personnels et professionnels. Et Tony Stark en est au même point puisque lors de son séjour dans l'e-Scape, il a virtuellement craqué pour un verre. Les deux Avengers doivent surmonter leur malaise et le Spymaster leur donne un moyen de prouver qu'ils en sont capables. L'affrontement est épique et aboutit à un premier cliffhanger très alléchant.
Ensuite il y a le cas de Jocaste : démissionnaire de son poste de responsable de l'éthique chez Stark, elle aspire à dépasser sa condition d'androïde. Il est clair qu'elle veut devenir une humaine, ou du moins s'en approcher. C'est un cheminement logique pour celle qui est née des mains d'Hank Pym, le créateur d'Ultron, et qui a été élaborée à partir d'un programme inspiré par la personnalité de Janet Van Dyne - l'actuel girlfriend de Tony ! Ce mélange de ressentiment et de surpassement fait écho à celui de Captain Marvel et Iron Man.
Enfin, Arno Stark perce le mystère de la présence de simulations de ses parents (Maria et Howard Stark) dans l'e-Scape (que Baintronics a piraté pour aider Tony). Lui aussi a un objectif lisible : il veut télécharger la conscience de ses géniteurs dans des hôtes - ce qu'a retardé et s'est refusé Tony. Quand Jocaste se présente à lui pour être "améliorée", il n'est pas difficile de deviner que Arno va se servir d'elle comme réceptacle.
Quel est le fil qui unit tous ces personnages - Tony, Jocaste, Arno ? Le transhumanisme. En vérité, c'est le thème central de la série depuis sa relance par Slott. Tony n'est plus qu'une sorte de clone, Jocaste veut être plus qu'une androïde, et Arno veut retrouver ses parents. Leurs quêtes de réinvention, d'amélioration, de transcendance, c'est toute la problématique du transhumanisme, qui prétend faire accéder l'homme à un nouveau stade de l'évolution par la technologie et la science.
Bien entendu, tout cela serait un pensum si la série ne bénéficiait pas d'un dessinateur littéralement en feu depuis des mois, et qu'on a laissé opportunément souffler à deux reprises pour qu'il conserve son niveau.
Valerio Schiti, comme un symbole, a lui aussi accédé à un autre niveau. L'italien a toujours été excellent et je suis un fan acquis depuis longtemps, mais sa prestation sur Tony Stark : Iron Man en a fait LE dessinateur taille patron chez Marvel, sans doute la pépite de l'éditeur, le joyau de la couronne. Personne n'égale ce qu'il produit actuellement.
Tout est là : l'expressivité des personnages, l'énergie du découpage, l'inventivité des compositions, la lisibilité de l'action, la gestion du tempo du récit. On peut chercher une faiblesse, en vain. Et son coloriste, Edgar Delgado, suit la cadence en donnant à chaque segment une teinte propre (solaire pour Iron Man avec Captain Marvel, froide pour Arno, métallique pour Jocaste). L'usage de trames insuffle même un petit côté rétro parfois (quand bien même Schiti et Delgado travaillent sur ordinateur).
Il est exceptionnel qu'une série, après quatorze numéros, se surpasse. Mais elle est en fait comme condamnée à le faire puisque son sujet est précisément le dépassement de ses héros. Très fort !
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