jeudi 30 juillet 2020

X-MEN #10, de Jonathan Hickman et Leinil Yu


Après quatre mois d'absence, X-Men revient enfin. Mais la série conduite par Jonathan Hickman n'a pas souffert de son interruption grâce à son format "un épisode/une histoire" si efficace. Il s'agit en outre d'un tie-in à Empyre, qui pose frontalement la question de la cohabitation récente entre mutants et Cotati sur la Lune, avec une issue redoutable, que Leinil Yu (pour une de ses dernières prestations sur le titre) illustre magnifiquement.


Gabriel Summers/Vulcain est, depuis son retour au sein des X-Men, hanté par un rêve dont il ignore qu'il s'agit du vrai récit de sa résurrection après le combat mortel qui l'opposa jadis à Black Bolt des Inhumains. Tombé dans les pattes de trois aliens, il a été l'objet de leurs expériences.


A son réveil, il est attendu dans la Maison Summers par Sway et Petra qui prépare une fête bien arrosée. Mais il n'est pas d'humeur et sort se promener. Bien vite il approche de la Zone Bleue de la Lune où sont établis les Cotati, sur le pied de guerre.


Vulcain est capturé puis son esprit sondé. Il découvre alors ce que les trois aliens lui ont fait, enfouissant provisoirement la part la plus violente de sa personnalité. Elle revient à la surface et il atomise littéralement les Cotati su place.

Un général Cotati apprend qu'un survivant, avant de succomber, a désigné l'agresseur comme venant de l'île de Krakoa sur Terre...


Vulcain, Petra et Sway (mais aussi Darwin - qui est toujours dans la sentinelle cannibalisée par les Enfants de la Voûte, avec Synch et X-23) sont des mutants spéciaux. En effet, ils ont été créés en 2006, lors de la saga Genèse Mortelle (Deadly Genesis), écrite par Ed Brubaker (et sur des designs de Trevor Hairsine). Jamais depuis la seconde génération de X-Men (en 1975) élaborée par Len Wein et Dave Cockrum, un groupe entier et original n'avait été ainsi ajouté d'un coup à la Nation X.

Narrativement, il s'agit de personnages sacrifiés puisque, à la faveur d'une retcon subtile, Brubaker avait imaginé que Charles Xavier avait assemblé une équipe, entraînée à la hâte, avec Moira McTaggert, pour aller sauver les premiers X-Men piégés sur Krakoa. Leur mission se soldera par leur mort, même si plus tard Vulcain resurgira, résolu à se venger à la fois de Xavier et des Shi'ar (qui avait tué sa mère - il deviendra d'ailleurs leur empereur et déclarera la guerre aux Inhumains alors partis à la recherche de leurs origines Krees).

La présence de Vulcain dans la Maison Summers dans le premier épisode de X-Men de Jonathan Hickman interrogea les fans sur sa résurrection et par conséquent sur sa condition mentale puisqu'il semblait sérieusement assagi, ignorant même les massacres qu'il avait commis lors de sa vengeance. Mais comment était-il revenu de sa bataille contre Black Bolt à la fin de laquelle il sembla avoir péri avec le roi des Inhumains ?

Hickman y répond de manière habile, en levant le voile sans trop en dire non plus. On reconnaît bien là la méthode du scénariste, qui aime à planter des mines depuis le début de son run, comme autant de bombes à retardement. Les expériences pratiquées par trois apprentis-sorciers aliens expliquent que Gabriel Summers est une autre de ses menaces en sommeil pour sa communauté. Et plus actuellement l'allumette qui a certainement mis le feu au poudre pour les mutants dans la guerre menée par les Cotati.

Car, c'est l'autre point du récit, il était inévitable que la Maison Summers, basée sur la Lune, allait croiser ses nouveaux voisins belliqueux. Empyre : X-Men semblait tout désigné pour traiter du problème, mais Hickman et Tini Howard ont choisi de partir dans une autre direction. Là, l'affaire est considérée plus frontalement, avec des conséquences explosives. La chute de l'épisode ne fait aucun doute sur la suite.

Mais ce n'est pas tout. Depuis X-Force #10, on sait désormais, clairement, que la sexualité des mutants est ouvertement échangiste (Jean Grey rejoignait Logan dans un bain et pas que pour faire que pour faire sa toilette...). Ce qui était suggéré jusqu'à présent est devenu limpide : tout le monde couche avec tout le monde chez les mutants. Du coup, un érotisme torride contamine les épisodes, le lecteur cherche non pas à se rincer l'oeil (on reste quand même dans du comic mainstream, avec une dose de censure évidente) mais à guetter le moindre signe de rapprochement entre deux (ou trois ou plus...) mutants.

Hickman est moins direct que Benjamin Percy mais il semble s'amuser à émoustiller son lectorat avec la complicité de Leinil Yu comme lorsque Vulcain à son réveil est attendu par ses camarades Sway et Petra, deux bombasses qui veulent faire la fête à grand renfort d'alcool et de sexe implicite. Tout laisse entendre que les deux filles aimeraient bien s'amuser avec Gabriel Summers et d'autres invités. Yu représente ses jeunes gens sans mystère, dans leurs combinaisons moulantes, où leur anatomie sculpturale les montre dans toute leur séduction. Ce sont de jeunes dieux dyonisiaques, sur la Lune (donc littéralement, loin de la Terre des pauvres mortels humains), s'aguichant du regard, ondulant de façon sensuelle comme s'ils dansaient avant une orgie. On peut même facilement penser qu'en rentrant à la fin de l'épisode ils vont cette fois s'amuser comme les deux filles l'avaient prévu...

Yu a annoncé qu'il allait bientôt quitter la franchise "X" (qui n'aura jamais si bien porté son nom...), sans doute affecté par la disparition de son ami encreur Gerry Alanguilan, et aussi certainement pour d'autres projets (en creator-owned peut-être). Même si ses prestations n'ont plus la qualité d'autrefois (Marvel l'ayant pressuré en lui confiant des events et en le baladant de série en série), sa complicité avec Hickman est indéniable. Le scénariste sait qu'il peut compter sur l'artiste pour servir ses scripts avec compétence et fiabilité, Yu n'est pas un "m'as-tu vu" qui cherche à tirer la couverture à lui, c'est un dessinateur humble et qui, dans ses bons jours, produit avec une rare régularité des planches très soignées.

Il connaît par ailleurs bien les mutants (il a oeuvré sur pas de leurs titres) et sait les animer indifféremment, en leur confiant cette majesté un peu rigide et énigmatique qui convient si bien aux scénarios de Hickman, dont les faveurs vont aux personnages naturellement imposants (Cyclope, Apocalypse, Vulcain...). Le découpage de Yu est toujours simple, au service de l'histoire et de ses acteurs. Ce n'est pas très dynamique mais il sait doser ses effets et balancer une splash-page quand il le faut, en dessinant ici un paysage, là une explosion vraiment extraordinaires.

Ce ne sera pas simple de le remplacer, mais sans doute celui qui sera aussi sollicité apportera quelque chose de totalement différent, susceptible de teinter différement la narration (Stefano Caselli me paraît un candidat évident et crédible, parce qu'il a collaboré avec Hickman souvent et qu'il peut passer après Yu sans problème. Il serait en outre mieux mis en valeur que sur Marauders).

Quoiqu'il en soit, c'est un nouveau chapitre très plaisant. Profitons-en car en Septembre, les grandes manoeuvres débutent avec le giga-crossover X of Swords (en 22 parties ! - et dont l'intrigue circulera dans toutes les séries "X")... 

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