jeudi 30 juillet 2020

EMPYRE #3, de Dan Slott, Al Ewing et Valerio Schiti


Nous voici arrivés à mi-chemin de Empyre et c'est en quelque sorte maintenant que les vraies difficultés commencent pour Dan Slott et Al Ewing. En effet, les enjeux de la saga sont posés, la guerre est déclarée, et il faut désormais faire fructifier tout cela pour que l'intrigue ne soit pas seulement un grand spectacle sans âme, un blockbuster convenu. Du coup, l'épisode donne le sentiment d'une légère baisse de tension. Mais c'est pour mieux redisposer les pions sur l'échiquier.


Montagne des Avengers. Mr. Fantastic tente de remonter le moral de Tony Stark, furieux d'avoir été roulé dans la farine par Quoi et Swordsman. Lesquels préparent déjà la suite de leur plan en ciblant le Wakanda dont le sol et ses ressources permettraient aux Cotati d'augmenter infiniment leur puissance.


Mais le Wakanda est déjà prêt à affronter l'envahisseur avec la Chose à sa tête. La bataille éclate contre les hommes-plantes déterminés à exterminer toute vie animale sur la planète. pour ensuite recevoir l'alliance Kree-Skrull.


Au palais du Wakanda, Black Panther a appelé un renfort opportun en la personne de Mantis, la mère de Quoi et ex-compagne de Swordsman. Elle espère pouvoir raisonner son fils tandis que T'challa contacte Hulkling pour son plan B.


A bord du vaisseau amiral de la flotte Kree-Skrull, Hulkling répond favorablement à la requête de T'challa et lui envoie son épée magique, contre l'avis de ses conseillers. Tanalth exige du Super-Skrull qui évoque le Bûcher, l'arme par laquelle la guerre contre les Cotati pourrait se jouer.


La solution est radicale. Mais Captain Glory perce à jour, en coulisses la véritable identité de Tanalth et son objectif...

Les sagas événementielles souffrent souvent de ne pouvoir conjuger action à grand spectacle et caractérisation intelligente. Il faut choisir et souvent la baston prime pour satisfaire la frange du public la plus facile à convaincre de la qualité du divertissement.

Pourtant, Empyre surprend avec ce troisième épisode qui prend le temps pour se poser et explorer les états d'âme de ses protagonistes en les soumettant aux solutions pour stopper leur ennemi commun. Dans un premier temps, Dan Slott a clairement pris les commandes puisque c'est la voix off de Reed Richards/Mr. Fantastic qui nous guide. Tony Stark, reclus dans la montagne des Avengers, rumine après la trahison de Quoi et Swordsman, qu'il a naïvement crus. Il est alors question de la situation des deux savants du Marvel Universe : Stark, bien qu'étant membre des Avengers, est profondément seul (Captain America mène d'autres héros contre les Cotati sur Terre, Thor cherche une arme capable de renverser la situation), tandis que Richards est le leader d'une équipe qui est aussi sa famille. La différence est bien exposée.

Un bref intermède nous conduit sur le champ de bataille du Wakanda où les Cotati affrontent des héros, Ben Grimm en tête. Mais là encore, Slott et, surtout, Ewing font un pas de côté. L'essentiel se joue ailleurs, dans le palais de T'challa/Black Panther. Il a compris que Quoi convoîtait les ressources de son pays qui lui permettraient d'augmenter sa puissance. Et il a fait appel à Mantis, la mère du garçon et ex-compagne du Swordsman pour tenter de règler la crise à l'amiable (tout le monde s'accorde à dire que ce n'est pas gagné).

T'challa est ici écrit pour ce qu'il est vraiment : un chef d'état, in stratège mais aussi un diplomate. Son autorité est évidente, tranquille, il n'a pas besoin d'élever la voix, même quand She-Hulk et Sue Richards doutent d'une issue pacifique face aux Cotati. Ce qui impressionne, c'est que, au coeur d'une saga comme Empyre, les auteurs osent développer une scène comme celle-ci pour rappeler que les guerres se jouent aussi en coulisses.

Et cela se confirme avec la troisième et dernière partie de l'épisode qui se déroule entièrement dans le vaisseau amiral de la flotte Kree-Skrull. Investie du rôle d'accusatrice, Captain Marvel est devenue une pièce maîtresse dans le conflit car son pouvoir permettrait de tuer dans l'oeuf l'expansion des Cotati.Mais au péril de sa vie. Krees et Skrulls pressent Carol Danvers, prête à se sacrifier, même si Johnny Storm est réticent (on notera que les quatre Fantastiques sont tous disposés stratégiquement : la Chose au Wakanda, la Femme Invisible à côté de Black Panther, Mr. Fantastic auprès de Tony Stark, la Torche Humaine avec Captain Marvel et Hulkling).

L'évocation d'une solution encore plus radicale est révélée avec le Bûcher (the Pyre), utilisée jadis pour détruire une planète Skrull, sacrifiée par le Super Skrull pour sauver le reste de sa race. Hulking est sous pression mais le jeune homme résiste à ses conseillers, s'imposant comme autre chose qu'un homme de paille (et, à mon avis, la suite de la saga pourrait confirmer cette émancipation décisive). Surtout, elle conduit à un twist majeur concernant Tanalth, qui renverse complètement la table sur la présence Skrull dans l'entourage du jeune empereur...

Valerio Schiti a de quoi faire, encore, avec cet épisode. Bien entendu, pour en mettre plein la vue, il envoie du bois dès la première page puis ensuite avec une double page lorsque les Wakandais et leurs alliées repoussentn les Cotati. Mais l'italien a déjà montré par le passé qu'il excellait aussi dans les moments plus calmes.

Comme, juste avant Empyre, il a dessiné Tony Stark : Iron Man (écrit par Slott), il maîtrise naturellement Tony Stark et la scène entre lui et Reed Richards est un modèle du genre. Examinez le soin avec lequel Schiti représente les deux personnages, soignent leurs attitudes, leurs expressions : c'est vraiment très bon.

Idem lors de l'arrivée de Mantis au palais royal de T'challa. Par un jeu de champ-contre-champ, en choisissant des angles de vue dynamiques, il injecte aux dialogues une vivacité électrisante. Comme pour la scène entre Richards et Stark, il ponctue l'échange par une page dans laquelle il insère des plans du passé, une narration parallèle très fluide, qui sert à mettre en perspective les points de vue de chacun (la frustration de Stark, l'instinct maternel de Mantis).

Mais le gros morceau se situe dans le huis-clos du vaisseau de Hulking. Là, Schiti doit jongler avec six personnages (Hulkling, Captain Marvel, Johnny Storm, le Super-Skrull, Tanalth, Captain Glory) et il s'agit de rendre justice à chacun, de les disposer de manière claire dans l'espace, avec pour point culminant l'évocation du Bûcher (une double page incroyable). La mise en scène est exemplaire, la tension qui circule entre les interlocuteurs est palpable, les intentions de chacun sont admirablement traduites par un dessin superbement composé. Schiti fait l'effort constant de bien représenter le décor, de varier la valeur des plans, de découper la séquence avec imagination (comme en osant un "gaufrier" quand T'challa contacte Hulkling).

C'est pour toutes ces qualités, narratives et graphiques, réunies que Empyre se distingue de beaucoup des events précédents. Solidement écrit, puissament illustré, ce récit prouve qu'il a été particulièrement bien conçu, ils portent la marque de ses auteurs (plus que d'editors interventionnistes). Vivement la semaine prochaine pour la suite.   

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