vendredi 3 juillet 2020

BATMAN, VOLUME 9 : THE TYRANT WING, de Tom King, Mikel Janin et Jorge Fornes


Ce neuvième tome de Batman par Tom King est composé de deux parties : un arc, bref, de trois épisodes (#58-60), qui donne son titre au recueil, dessiné par Mikel Janin et Jorge Fornes, suivi de Batman : Secret Files #1 (dont j'ai déjà écrit la critique au moment de sa sortie, et dont le contenu est indépendant). L'occasion surtout de se pencher sur le rôle du Pingouin, un adversaire de Batman, peu utilisé par King, dans la guerre d'usure menée par Bane.


Oswald Cobblepot, le Pingouin, est à nouveau incarcéré à l'asile d'Arkham où il prête allégeance à Bane. Cependant, le commissaire Gordon avertit Batman que de nouveaux meurtres de femmes ont eu lieu, avec le même modus operandi que celui de Mr. Freeze, mais avec un indice compromettant le Pingouin, remis en liberté entre temps. Tandis que Batman rend visite à Cobblepot, un sniper tient Alfred Pennyworth dans sa ligne de mire.


Le tireur est aux ordres du Pingouin qui, tenant ainsi Batman, lui révèle que Bane a pris le contrôle d'Arkham et a orchestré sa rupture avec Catwoman ainsi que l'agression contre Nightwing. Le Pingouin avoue cela car il refuse d'être au service de Bane, qui a exécuté sa fiancée Penny, et veut la protection de Batman pour cela.


Batman déboule à Arkham et passe Bane à tabac. Il écarte aussi violemment Gordon quand celui-ci tente de le calmer. Gordon coupe les ponts avec le justicier qui s'en prend brutalement à d'autrs gangsters de Gotham pour accabler Bane - sans succès. Alfred veille sur le Pingouin au manoir Wayne mais subit une agression avant le retour de Batman...

C'est un curieux récit que livre là Tom King. De tous les ennemis de Batman, le Pingouin est celui qu'il a le moins utilisé : il l'a même copieusement ignoré jusqu'alors, Oswald Cobblepot n'a même pas été présent lors de la guerre entre le Joker et le Sphinx. Dans ces conditions, quelle intérêt pouvait bien lui apporter Bane, engagé dans une machination d'ampleur contre Batman ?

La réponse est moyennement convaincante, avouons-le. Je ne dirai pas que c'est un arc passable ou inutile, mais il faut attendre en vérité la dernière page de l'épisode 60, qui termine cet arc narratif, pour le comprendre. Et encore c'est pour introduire le véritable chef d'orchestre de la conspiration contre Batman.

A partir de là, King déplace le centre de gravité de tout son run. Le méchant en chef n'est plus Bane, comme on le croyait, mais un personnage inattendu, qu'il a en fait replacer dans le jeu durant le crossover The Button, où Flash et Batman enquêtait ensemble sur une intrusion multiverselle via le Reverse-Flash. Comme tout cela est désormais disponible en français, je ne spoilerai personne en révélant que l'invité-surprise de cet arc est le Flashpoint-Batman.

Il n'y a pas besoin d'avoir lu la saga de Geoff Johns pour bien connaître cette version parallèle de Batman, en provenance d'une Terre où le chevalier noir n'est autre que Thomas Wayne, le père de Bruce. Adepte d'une justice expéditive, à la manière d'un Punisher, reconnaissable aux yeux rouges de son masque et son emblème écarlate sur sa poitrine, ce que va en faire King est passionnant bien que déroutant car, donc, le Flashpoint-Batman devient le véritable cerveau du calvaire du héros pour une raison qui se précisera vraiment dans le volume 11 (The Fall and the Fallen, #70-74). J'aurai donc l'occasion d'y revenir.

En attendant donc, le Pingouin souffre du traitement que King lui livre. La vraie surprise réside dans l'alliance qu'il noue avec Batman, mais sa motivation pour cela est un peu faible. Il semble évident que le scénariste n'est ni très inspiré par le personnage ni par ce passage de l'intrigue. Tout ce qui est captivant se joue à la marge, comme la rupture brutale entre Gordon et Batman - un grand moment (complètement gâché par les auteurs d'autres séries qui ont eu le loisir d'utiliser le commissaire ensuite - je pense ici à Joshua Williamson qui, dans Batman/Superman, en a fait un des individus infectés par l'insupportable Batman-qui-rit).

Visuellement, l'album est aussi assez surprenant puisqu'on pouvait légitimement espérer que Mikel Janin en assure seul les dessins, après son absence du volume 8. Mais DC n'a pas laissé l'artiste souffler à l'époque et l'a réquisitionné pour illustrer quelques épisodes de la Justice League de Scott Snyder plus quelques couvertures. Dommage car quand Janin est aux manettes, on apprécie toujours autant de le voir animer Batman. Il parvient aussi à donner vie au Pingouin en le rendant touchant et réaliste (alors que la physionomie du personnage est une des plus cartoony de la rogue gallery de Batman).

Pour épauler Janin, Jorge Fornes est donc convoqué. Le partage des planches est assez habile mais je suis toujours aussi gêné quand il s'agit d'apprécier le travail de ce dessinateur qui veut trop copier Mazzucchelli au temps de Batman : Year One. Fornes est bon, mais il est aussi maladroit car son trait n'égale jamais celui de son modèle (rappelons que lorsque Mazz' réalisa Batman : Year One, c'était un graphiste arrivé à maturité, avant d'évoluer radicalement dans une direction totalement différente). L'autre souci de Fornes, c'est la faiblesse de ses composition, notamment dans les scènes d'action qui manquent d'envergure (les coups portés manquent d'impact). En bref, je ne suis pas convaincu que Fornes soit fait pour du super-héros (ce qui me rend d'autant plus curieux vis-à-vis du projet secret, encore non annoncé mais bien teasé, qu'il est en train de dessiner pour King - et qui serait en relation avec Watchmen).

On est donc clairement dans une sorte de ventre mou du run de King, prévisible étant donné que le scénariste a voulu inscrire la chute de Batman dans une durée ambitieuse (vingt-cinq épisodes). La suite va prouver que cette volonté peut déboucher sur des chapitres exaltants et d'autres franchement pénibles. 

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