vendredi 31 juillet 2020

EMPYRE : SAVAGE AVENGERS #1, de Gerry Duggan et Greg Smallwood


Conan, Venom, Gerry Duggan : voilà trois noms qui d'habitude auraient suffi à me faire passer mon chemin. Mais ajoutez-y celui de Greg Smallwood et ça change tout (je sais, je suis faible). C'est comme ça que je suis trouvé à acheter Empyre : Savage Avengers, un tie-in parfaitement dispensable à la saga Marvel du moment. Mais qui, contre toute attente, fournit un bon moment, somptueusement dessiné.


Conan est à Mexico où il assiste, déçu, à un match de catch lorsque les Cotati atterrissent et commencent à capturer des indigènes pour alimenter leur vaisseau. Le cimmérien s'interpose mais reçoit une flèche empoisonné qui le fait tomber dans le pommes et délirer.


Il est réveillé par Venom qui passait opportunément par là et lui demande de l'aider à mettre fin au carnage commis par les Cotati. Conan ne se fait pas prier mais Eddie Brock pense qu'il leur faudra de l'artillerie lourde contre cet ennemi.


Conan se charge de faire diversion en décapitant quelques aliens qui s'en prennent aux civils. Il s'empare du véhicule de l'un d'eux pour cartonner quelques Cotati avec sa délicatesse légendaire. Cependant Venom a trouvé un camion citerne et le balance en direction du vaisseau extra-terrestre.


Boum ! C'est fini !

Sur ce scénario qui tient sur un timbre-poste, Gerry Duggan fait ce qu'il sait faire de mieux : un one-shot régressif, spectaculaire et efficace, qui va à cent à l'heure et qui tire quelques sourires ravis au lecteur.

C'est marrant quand même : à part ses Uncanny Avengers, certes pas très finauds mais décapants, Gerry Duggan est probablement un des scénaristes Marvel en vue qui me navrent le plus. Ce type anime actuellement Marauders, série où il fait n'importe quoi avec des mutants dont n'a pas besoin Jonathan Hickman (même si ce dernier a entre ses mains le vrai futur de Tornade et aura son mot à dire sur celui de Kitty Pryde). De toute façon, à part aligner des jokes épaisses comme des cables (Cable dont il écrit aussi la série) avec Pyro dans un pénible rôle de bouffon et rédiger des scripts où il doit préciser en caractères gras aux artistes d'insister sur le décolleté d'Emma Frost, Duggan est totalement incompétent et ne tient aucun compte de ce qu'a construit Hickman ou de la personnalité de ses X-Men. Je parcours encore ses épisodes quand ils sortent mais je suis trop démoralisé ensuite pour les critiquer.

En revanche, le même Duggan excelle dans l'exercice pourtant périlleux du done-in-one, mais comme il n'a pas l'air de s'en rendre compte, sûr d'être un vrai feuilletonniste, il ne sy prête qu'en de trop rares occasions. Et quand c'est le cas, il a au moins le bon goût de le faire en compagnie de Greg Smallwood.

Ceux qui suivent mes articles savent que je suis un fan frustré de cet artiste. Je ne comprends absolument pas pourquoi Marvel ne l'utilise pas davantage alors qu'il a fait sensation durant le run de Jeff Lemire sur Moon Knight (je ne saisis pas davantage pourquoi DC ne le signe pas en exclusivité au lieu de lui confier des miettes comme sur DC Cybernetic Summer ou DC's Crimes of Passion). Voilà un dessinateur régulier, à la technique affolante de maîtrise, au talent incontestable, mais qui ne travaille pratiquement pas.

Duggan est donc un des rares scénaristes à le solliciter et leur complémentarité fonctionne à fond. C'est comme si à proximité de Smallwood, Duggan devenait plus rigoureux, concentré et produisait au mieux. Même quand ce n'est qu'un tie-in superflu à Empyre.

Parce que, bon, on ne va pas non plus se voiler la face, ça ne vole pas haut. Moins en tout cas que The Best Defense : Defenders - Doctor Strange, des mêmes Duggan et Smallwood, une merveille de concision et de beauté graphique. Ici, on a Conan, dépeint comme plus bas du front tu meurs, qui assiste à un match de Catch à Mexico puis bastonne des aliens à coup de parc-mètre (si, si), et Venom, qui sort de nulle part, mais tout content de dérouiller du Cotati avec son pote cimmérien. Ces deux-là ne font pas dans la dentelle (même si Venom se retient étrangement de ne bouffer aucun alien) : ça décapite, ça écrase en voiture, ça explose à coup de camion-citerne. C'est tout de même très rigolo tellement c'est WTF.

Duggan ne force pas son talent parce qu'il sait qu'il a un dessinateur tellement bon que son script va être transcendé par des images mémorables (comme avec Ron Garney sur Fantastic Four : Ben Grimm Noir). Et Smallwood ne déçoit pas. Il ose même tout, à commencer par la colorisation (qu'il assume comme souvent). Résultat : des planches limite psychédéliques sur fond jaune, rose, bleu, qui ajoute à l'aspect barré de l'affaire.

Smallwood peut s'emparer de n'importe quel personnage et l'animer comme s'il s'en occupait depuis des années (raison de plus pour s'étonner qu'on ne lui confie plus de titre régulier). Son Conan est saisissant, brute épaisse, véritable bélier qui se jette dans la mélée avec enthousiasme et zéro réflexion. Et Venom moins monstrueux que souvent mais imposant, rapide, jubilatoire. Sans oublier le soin apporté aux décors, aux accessoires, et un découpage du feu de Dieu (souvent des cases occupant toute la largeur de la bande ou qui décroissent en largeur pour suggérer l'état mental du héros - comme lorsque Conan tombe dans les pommes : effet garanti et pourtant simplissime).

Surtout Smallwood, c'est un trait : il réussit à conserver à celui-ci le côté granuleux de la graphite non encrée, ce qui confère une spontanéité à l'image, une texture sur laquelle les couleurs se fondent. J'aimerai bien savoir comment il fait ça, mais c'est sa griffe, reconnaissable entre mille.

Cet Empyre : Savage Avengers alimente bien des regrets en même temps qu'il donne du plaisir. Regrets de ne pas lire plus souvent du Duggan dans ce format (qui lui convient parfaitement), de ne pas suivre Smallwood sur une série. Mais plaisir de voir ces deux-là ensemble, si parfaitement accordés.

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