samedi 12 janvier 2019

PRODIGY #2, de Mark Millar et Rafael Albuquerque


Tandis donc que Bendis flambe chez DC, Mark Millar (qui fut avec BMB un des artisans du nouveau Marvel il y a presque vingt ans) a, comme son héros dans Prodigy, bâti son empire en indépendant. Pourtant force est de reconnaître que lui, comme Rafael Albuquerque, ne forcent guère leurs talents sur ce nouveau projet.


L'agent de la CIA Rachel Straks explique à Edison Crane comment une semaine avant leur rencontre le général Bear Thriftbank, son mentor, a été assassiné sous ses yeux après lui avoir révélé qu'une invasion extra-terrestre, soutenue par de riches notables, allait avoir lieu.


La jugeant digne de confiance, Edison accepte de mettre à son service ses colossaux moyens intellectuels et financiers. Ils se rendent au Kremlin pour y dérober un parchemin qui résoudrait la crise à venir.


Crane a soudoyé les agents sur place et neutralise un général pour accéder aux archives secrètes du bâtiment. Mais une fois à l'intérieur, il découvre que le parchemin a disparu, volé depuis longtemps.


En opérant une déduction rapide sur la situation et les origines du document que lui communique Rachel, Edison entraîne l'agent de la CIA dans une expédition pour l'Himalaya.
  

Cependant, leurs ennemis sont à la manoeuvre : les Dashwood, père et fils, qui soutiennent l'invasion, se trouvent en Afrique du Sud en présence de l'épave d'un vaisseau spatial dont ils font extraire des bombes...

On pourrait résumer le problème de Prodigy par le fait que Mark Millar ne parvient pas (pas encore ?) à sublimer son propos. Le scénariste semble se reposer sur ses acquis et considérer son histoire avec désinvolture, la même attitude qu'affiche Edison Crane en toute  circonstance, comme si tout était plié d'avance.

Le souci, donc, c'est qu'en écrivant de la sorte, Millar n'embarque pas le lecteur vers des sommets de tension. Son intrigue est un jeu de piste auquel le personnage principal se prête comme une distraction supplémentaire mais où le lecteur sait d'avance qu'il la résoudra facilement.

En soi, ce n'est pas grave : Prodigy est un divertissement honnête, que Rafael Albuquerque dessine avec son dynamisme coutumier. Il donne vie à chaque scène avec une facilité presque agaçante, une décontraction que seuls les très bons artistes, maîtres de leur discipline, peuvent se permettrent.

Albuquerque confirme surtout sa complicité et sa complémentarité avec Millar : il comprend parfaitement ce que le scénariste attend de lui et il le lui donne sans réserve. Le comic-book devient un page-turner implacable qui, une fois terminé, ne laisse que peu de traces sinon d'avoir procuré un bon moment.

Non, ce qui manque vraiment à cette BD, c'est un soupçon de doute : plus que jamais, quand le héros est un surdoué multi-disciplinaire, il lui faut un adversaire à sa (dé)mesure. Et ce ne sont pas les Dashwood, des bourgeois châtelains décadents et sadiques (pratiquant l'exécution d'orphelins dans leur demeure en Belgique et membres d'une Confrérie du Dragon), qui font le poids, même en possession d'un épave de vaisseau extra-terrestre et de ses bombes.

Ces méchants ne font que renvoyer aux plus médiocres créations de Millar, quand il se laisse aller à des outrances gratuites, pour choquer facilement le lecteur, alors qu'on le sait capable de subtilité. La chasse aux orphelins, c'est typiquement du Millar comme aiment le détester ses détracteurs et pour lequel ses fans soupirent, navrés : de la provoc' gratuite.

C'est dommage car la visite dans les entrailles du Kremlin offre, elle, une scène jubilatoire, et le duo Edison-Rachel a un petit air de Chapeau melon et bottes de cuir (lui la tête, elle les jambes) bien sympathique. Le voyage annoncé dans l'Himalaya promet une étape spectaculaire et la quête du parchemin avec la solution contre l'invasion emprunte à Indiana Jones.

Je me garderai donc d'accabler définitivement Prodigy. Tout en reconnaissant qu'il faudra que Millar fasse des prodiges pour transformer cela en pépite.

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