jeudi 9 août 2018

SUPERMAN #2, de Brian Michael Bendis et Ivan Reis


Contrairement à Slott et Fantastic Four, Brian Michael Bendis n'a pas perdu de temps pour plonger Superman dans le feu de l'action et à proposer au lecteur son premier récit, The Unity Saga, épique à souhait puisque la Terre est désormais dans la Zone Fantôme. Ivan Reis impressionne encore, lui aussi, ce mois-ci alors que la situation se dramatise.


La Terre a été subitement et inexplicablement déplacée dans la Zone Fantôme et Superman se déploie pour venir en aide ici à des civils, là pour arrêter des malfrats. Mais la situation est affolante, même pour le héros qui, comme il se rappelle l'avoir expliqué à Green Arrow, fait toujours tout pour ne pas se laisser déborder.


D'autant que, malgré tout, Superman n'est pas tout seul face à cette crise. Grâce au lien télépathique établi par le Martian Manhunter, tous les membres de la Justice League sont en contact  et l'Homme d'Acier les renseigne sur ce qui vient de se passer. Chacun prend des dispositions pour aider le monde à conserver son équilibre.


Mais, soudain, Superman réalise ce qui va se passer bientôt... Tout comme Rogol Zaar, que Supergirl avait déporté dans la Zone Fantôme (cf. Man of Steel #6). Il a appris que cet endroit était celui où les kryptoniens larguait leurs ordures, enfouissait leurs pires secrets.


Ainsi a-t-il affronté Nuclear Man, également prisonnier de cette dimension. Puis, apercevant la Terre, il voit l'opportunité d'accomplir enfin sa mission : décimer définitivement cette planète qui héberge des survivants de Krypton et prendre ainsi sa revanche contre Superman.


Ce dernier a fait ses calculs : dans la Zone Fantôme, il n'y a pas de soleil, ce qui signifie qu'il va progressivement perdre ses super-pouvoirs alimentés par l'astre, sans oublier tous les ennemis qu'il a bannis ici. Sur Terre, il retrouve Flash dans sa nouvelle Forteresse de Solitude et ensemble ils réfléchissent qui aurait l'idée et le pouvoir de déplacer ainsi la Terre. Et Superman de se rappeler que, s'il ne sort pas de ce cauchemar, il ne reverra plus Lois Lane et leur fils Jon...
  
 La variant cover de David Mack.

Les premières pages donnent le la aux suivantes : ce deuxième épisode est spectaculaire et Ivan Reis en est la vedette. Il ne s'y passe pas grand-chose en vérité, en tout cas rien qui fasse progresser l'intrigue de manière décisive (en nous renseignant sur la raison de la situation, le coupable, la solution au problème). L'intérêt est ailleurs.

Dans la mythologie de Superman, la Zone Fantôme est un reliquat de Krypton, un des éléments les plus noirs du monde d'origine du héros. Cette dimension parallèle est une vaste prison galactique où échouent tous les bannis condamnés par les ancêtres de Kal-El, l'équivalent en somme de la Zone Négative chez Marvel (même si on n'y trouve pas, à ma connaissance, un Annihilus auto-proclamé maître des lieux).

Brian Michael Bendis a rappelé de manière suggestive mais claire que l'usage de la déportation déplaisait à Superman et il désapprouvait que Supergirl se soit débarrassé de Rogol Zaar en l'expédiant dans la Zone Fantôme à l'issue de la mini-série introductive Man of Steel. On le devinait mais on le saisit à présent : si, à son tout, le héros devait y séjourner, il se retrouverait dans un environnement doublement hostile parce qu'il est privé de soleil, qui alimente ses pouvoirs, et parce qu'il est peuplé de gens qui le détestent (ou se détestent entre eux de toute manière, comme le signifie le prologue avec un conflit entre l'armée de Tamaran - la planète de Starfire - et celle de Thanagar - le monde de Hawkman).

Bendis apprécie d'immerger les lecteurs en montrant le héros en proie au doute comme eux. Superman est donc écrit en train de réagir et de réfléchir à ce qui arrive. Il veut savoir qui a eu l'idée et les ressources suffisantes pour déplacer la Terre mais aussi résoudre ce problème assez vite pour ne pas avoir à se battre contre un adversaire trop puissant quand ses pouvoirs déclineront dans cet environnement.

Décrire la puissance de Superman, et par conséquent ses (rares) faiblesses, est souvent un casse-tête scénaristique : le surhomme extraterrestre a tellement de facultés extraordinaires qu'on le suppose invincible. Pourtant, ça n'a pas toujours suffi à certains auteurs (durant les "New 52", le temps d'une saga dessinée par John Romita Jr, Geoff Johns avait eu l'étrange idée de doter le héros d'un pouvoir supplémentaire tout en expliquant que s'il l'utilisait, il était démuni ensuite pendant un certain laps de temps...). Bendis opte pour autre chose, plus simple et évidente : Superman anticipe et refuse d'abdiquer, de fermer les yeux et de se boucher les oreilles - décidément, entre Clark Kent qui investigue dans Action Comics, et Superman qui se prépare au pire pour l'éviter dans cette série, le personnage écrit par Bendis a des attitudes dignes de Batman...

L'autre bon point, c'est que, lorsqu'un super-héros fait face à une situation de crise aussi énorme que celle-ci, on a l'impression que, malgré la notion d'univers partagé, il se débrouille comme si ses collègues n'étaient pas au courant ou ne se rendaient compte de rien. Bendis, lui, implique la Justice League pour montrer que l'événement est pris en compte par les amis de Superman et qu'ils le soutiennent à leur niveau.

Graphiquement, comme je l'ai écrit, Ivan Reis livre des planches qui, comme l'affirmait son scénariste avec enthousiasme, sont sensationnelles. D'abord, ça fait plaisir de voir le brésilien aussi investi dans la série et en pleine possession de ses moyens, avec ses deux encreurs (Joe Prado + Oclair Albert). Ensuite, la démesure de l'histoire est parfaitement traduite en images sans abuser malgré tout de facilités comme des splash ou doubles pages. 

Les effets sont bien dosés et le découpage, sobre, est tout de même varié avec des cases verticales et horizontales en alternance. Reis insiste aussi sur le gabarit colossal de Rogol Zaar, qui devient plus impressionnant encore, ce qui promet une prochaine confrontation épique avec Superman. Au passage, il représente Nuclear Man, un vilain kryptonien que Bendis a l'intention d'employer bientôt, après un pari avec Nick Derington (le personnage n'était pas réapparu depuis le film Superman IV : le face-à-face, de Sidney J. Furie, 1987 !).

Il semble en tout cas que la saga promise par Bendis va durer un certain temps et va envoyer du bois ! 

La variant cover de Adam Hughes.

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