lundi 20 août 2018

DOCTOR STRANGE #4, de Mark Waid et Jesus Saiz


Après la parution des trois premiers épisodes en rafale, Doctor Strange revient à un rythme mensuel, Marvel ayant visiblement compté sur ce lancement surprenant pour tester l'attractivité du personnage et la nouvelle orientation de ses aventures. Mark Waid et Jesus Saiz sont fidèles au poste, bien que ce retour souligne que le titre a un peu du mal à décoller narrativement...


Toujours en quête de nouveaux sortilèges et artefacts, Dr. Strange et Kanna souhaitent à présent se former aux armes magiques. Pour cela, elle pense aux nains forgerons de Nivadellir, connus pour avoir conçu le marteau Mjolnir de Thor. L'un d'eux, Eoffren, est aux mains de l'empire Majesdane.


Strange décide d'aller le libérer, assurant à Kanna qu'il ne s'est jamais senti si fort - quand bien même elle sait comme lui qu'il n'a toujours pas découvert pourquoi il a perdu sa magie sur Terre. Une fois sur place, ils trouvent rapidement Eoffren mais sont surpris par le seigneur Roxnor dit le Purificateur et sont pris en chasse dans les montagnes environnantes où le combat s'engage.


Pour échapper à leurs adversaires, Strange emploie une manoeuvre acrobatique. Mais plutôt que de disparaître ensuite, il veut sa revanche et retourne affronter Roxnor et ses hommes. Séparé de Kanna durant la bataille, Strange est téléporté avec Eoffren par sa partenaire.


Roxnor, furieux d'avoir perdu Eoffren, condamne Kanna à le remplacer pour fabriquer des armes. Elle découvre alors qu'il ambitionne d'attaquer la Terre contre laquelle il nourrit une haine aux origines inconnues pour l'instant.


Ailleurs, Strange se dispute avec Eoffren qui le met face à ses responsabilités de magicien, plus soucieux de se venger que de protéger ses amis. Il le conduit aux forges de Nivadellir où, à défaut de pouvoir sauver tout de suite Kanna, ils pourront lui fournir un arsenal pour vaincre Roxnor.

Que faire quand l'idée de départ d'une série est accomplie ? C'est la question qui doit maintenant se poser à Mark Waid puisqu'il a lancé ce nouveau volume de Doctor Strange sur le prétexte rebattu du sorcier suprême ayant une nouvelle fois perdu sa magie. Démuni, il a, comme nous l'avons lu dans les trois premiers épisodes, choisi de voyager dans l'espace à la recherche de nouveaux sortilèges et artefacts, rencontrant en cours de route Kanna, une "arcanalogiste" extraterrestre, et affrontant quelques adversaires.

Désormais, Strange a acquis de nouvelles compétences, même s'il ignore toujours pourquoi, sur Terre, ses pouvoirs l'ont quitté. En toute logique, il pourrait rentrer à son sanctuaire sacré et reprendre ses activités de super-héros. Au lieu de cela, il poursuit son odyssée spatiale et, inévitablement, fonce tête baissée dans de nouveaux ennuis.

En soi, pourquoi pas ? Mark Waid peut prolonger le trip cosmique de son héros longtemps et, d'une certaine manière, il a opté pour une narration qui correspond à cette configuration, avec l'emploi d'une voix-off omnisciente qui souligne le côté fable de son récit. Tel Ulysse chez Homère, Stephen Strange est parti pour un long voyage, mais lui n'a pas une Pénélope qui l'attend à Ithaque (même si on peut considérer le run de Jason Aaron comme l'équivalent de la Guerre de Troie du sorcier). En vérité, tout se passe comme si le héros avait oublié la Terre et avait trouvé dans le cosmos un vaste champ d'exploration, le territoire d'une chasse au trésor (où sortilèges et artefacts remplaceraient une malle de pièces d'or).

On a vu dans le précédent chapitre que Strange, grisé par sa nouvelle puissance, avait même recours à des pratiques guère éthiques (il lavait le cerveau de Kanna pour qu'elle oublie qu'il l'avait dépossédée d'une gemme d'infinité). Cette fois, on le voit en parallèle tenter une thérapie avec Kanna pour découvrir les raisons pour laquelle la magie l'a abandonné sur Terre (sans succès) et foncer bille en tête dans un affrontement dangereux contre un seigneur de guerre qui retient un nain de Nivadellir. Sa partenaire lui fait d'ailleurs part de ses doutes sur son plan alors qu'il y a peu il n'était que l'ombre de lui-même tandis qu'il assure aujourd'hui se sentir plus fort que jamais.

Waid semble donc sur le point de dresser un portrait bien ambigu de Strange, belliqueux, revanchard, manipulateur, insatisfait, pour lequel sa quête initiale n'a plus le même sens (il se fiche bien de récupérer sa magie maintenant qu'il la remplace par d'autres arts occultes). Le seul bémol réside dans le traitement de cette évolution car la série, à force de fonctionner par étapes, rencontres avec d'autres magiciens ou des méchants de passage (qui en veulent tous à la Terre), ne décolle plus vraiment. Cela peut effectivement durer longtemps mais le voyage ne risque-t-il pas de perdre en intensité si un retour ne se dessine pas ou, alors, si un autre objectif ne se profile pas ? C'est encore plaisant à lire, mais je pense qu'il faudra passer un cap bientôt.

Jesus Saiz affiche toujours une forme insolente pour illustrer ce périple. Son imagination pour représenter les extraterrestres est étonnante, et la technique qu'il a adoptée depuis le début, avec l'usage de couleurs directes, s'avère payant car elle permet toutes les fantaisies visuelles.

La différence la plus notable pour cet épisode est qu'il peut davantage exercer sa narration graphique plutôt que d'illustrer le script de Waid. Moins de voix-off, moins de distance entre l'action et son commentaire : l'épisode profite à fond d'une approche plus directe et le dessin peut aller et venir entre des scènes dans un passé récent (quelques heures tout au plus avant l'arrivée sur Majesdane) et le présent (l'affrontement contre Roxnor).

Même si l'esthétique de Saiz ne prête pas à un dynamisme décoiffant, quand il met en scène une bagarre à coups de rayons et de sortilèges, le résultat ne manque pas d'allure. L'artiste ne cherche pas à innover dans le découpage, il a recours à des astuces classiques (une pleine page par-ci, des cadres obliques par-là, une double-page spectaculaire à la fin). C'est sage mais efficace, à l'image de ce qu'écrit Waid. Là aussi, il faudra sans doute, à un moment (souhaitons-le proche), tenter davantage, emballer plus énergiquement l'ensemble au risque de livrer une jolie BD mais pas très palpitante.

Bilan en demi-teinte donc pour une série qui affiche quelques limites mais qui, par ailleurs, redéfinit son héros subtilement. Selon la durée de ce premier arc narratif, on verra si Doctor Strange version "Fresh Start" a plus qu'un bel aspect et de bonnes intentions pour séduire durablement. 

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