vendredi 2 décembre 2011

Critiques 289 : REVUES VF DECEMBRE 2011


Marvel Heroes 11 :

- Les Vengeurs 12.1 : Le Chevalier de l'Espace. Spider-Woman, en mission secrète pour le S.W.O.R.D. (l'équivalent du S.H.I.E.L.D. pour les menaces aliens), découvre une armure au fond d'une grotte. Mais celle-ci est également convoîtée par l'Intelligentsia, ce groupuscule de vilains mené par le Penseur Fou et le Sorcier (avec M.O.D.O.K., le Fantôme Rouge, Klaw...) qui kidnappe la super-héroïne. L'Agent Brand, sa supérieure, demande alors l'aide des diverses équipes de Vengeurs pour retrouver son employée et leur amie. Ils retrouvent facilement sa piste mais vont se retrouver face-à-face avec une vieille (et désagrèable) connaissance...

Cet épisode spécial, plus long que d'habitude (une trentaine de pages), était originellement conçu dans le cadre de l'opération ".1" par laquelle Marvel voulait offrir à de potentiels nouveaux lecteurs une entrée facile pour leurs séries-phares. Brian Bendis s'acquitte de la tâche avec une malice certaine puisqu'il en profite aussi pour poser la base d'une future saga (dans le cadre d'une future opération baptisée... "Point One"), à paraître dans quelques mois.
Pour la peine, le scénariste convoque un impressionnant aéropage de héros, mais sans s'en servir complètement (en prévision pour la suite ?). Néanmoins, l'histoire est efficacement menée et sa conclusion promet un second acte spectaculaire, avec le retour d'un vieil ennemi des Vengeurs.

L'autre "attraction" de cet épisode est la présence au dessin de Bryan Hitch, qui fait à nouveau équipe avec Bendis (après le "Finale" de New Avengers, volume 1, et avant le futur "Point One"). Encré par Paul Neary (comme à l'époque glorieuse des Ultimates), l'artiste livre des planches puissantes, sans toutefois retrouver toute son explosivité d'antan (mais Hitch l'a retrouvera-t-il jamais ?).

- Les Vengeurs 13 : Fear itself (1). A travers une succession rapide de témoignages de divers Vengeurs, et à plusieurs époques différentes, les héros font le point sur leur rôle social, leur valeur symbolique, mais aussi sur l'impact des évènements de la saga Fear Itself. Et entre quelques moments légers, la gravité finit par l'emporter, suggérant que le conflit a laissé des traces profondes et durables...

Dans cet épisode annexe à la saga Fear Itself - un des rares events qu'il n'a pas écrit -, Bendis doit tenir compte d'une histoire impliquant ses personnages sans trop en dire mais en faisant comprendre que la situation (individuelle ou plus générale) de ses héros est impactée.
Le moyen auquel a recours Bendis est particulièrement habile et nécessite une certaine attention car il rappelle des scènes du passé (visibles au costume porté par l'un ou l'autre - comme Captain America/Steve Rogers), du présent et du futur, via une série de témoignages. Il ponctue ces vignettes par une séquence dans les ruines d'Asgard, juste avant qu'Odin n'ordonne à ses sujets de quitter la Terre : c'est l'occasion de mettre en scène le rapprochement entre deux membres de l'équipe, amené à se développer.
Le dialogue est brillant et le rythme imparable tout en conservant à l'épisode une étonnante densité.

Au dessin, Chris Bachalo, dont je suis pourtant loin d'être un fan, livre une copie inspirée, visiblement bien guidé par un script détaillé. Lorsque ses délires visuels sont contenus, cet artiste peut encore produire des planches intéressantes et lisibles (même s'il lui manque un grand encreur, comme à l'époque où Mark Buckingham l'assistait sur Death ou Génération X).
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- Loki (Journey into Mystery 622) : Voyage vers l'inconnu (1). Réincarné dans le corps d'un jeune voyou adolescent, Loki a donc recouvré la vie et une partie de sa mémoire grâce à Thor, après avoir été exécuté par Sentry (lors de la saga Siege). Il va découvrir de nouveaux secrets et une nouvelle voie à suivre grâce à une série d'énigmes, tout en s'efforçant de regagner le confiance des asgardiens - et alors qu'Odin ordonne le retrait de ses sujets de la Terre...

La série Thor s'apprêtant à un nouveau relaunch (sous le titre Mighty Thor, par Matt Fraction et Olivier Coipel) et déménageant dans une nouvelle revue ("Avengers", à partir de Janvier 2012), "Marvel Heroes" accueille donc le titre "historique" Journey Into Mystery où apparut le dieu du tonnerre... Mais dont Loki est devenu la vedette.
Le dieu du mensonge a à présent l'apparence d'un adolescent et son statut reste mystérieux : va-t-il continuer à comploter contre Asgard, dont il a provoqué la chute dans la saga Siege ? Ou profiter de cette nouvelle incarnation, particulièrement inattendue, pour vraiment changer (et si oui, dans quelle mesure, à quelle fin) ?
Cet épisode écrit par Kieron Gillen (qui avait brièvement succédé à J. Michael Straczynski sur Thor) est une divine surprise et donne vraiment envie de suivre cette série. L'écriture est étonnamment fluide et sophistiquée, le héros immédiatement accrocheur, et bien que le titre redémarre en étant attaché au crossover Fear Itself, l'intrigue est prenante car le point de vue est original.

Doug Braithwaite illustre, assisté par Ulises Arreola qui utilise une colorisation directe, dans une palette pastellisée de toute beauté. Le traitement graphique singulier participe pleinement au charme de l'entreprise sans être lourdement esthétisant.
Voilà une pépite à la traduction bienvenue !
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- Captain America 616 : Ombres opaques. La pagination de la revue étant déformée par la taille de l'épisode spécial des Vengeurs, Panini a cru bon de boucler le sommaire par cette back-up de Captain America (dont la parution se déroule actuellement dans des hors-séries avant que la série ne s'installe, comme Thor, dans la nouvelle revue "Avengers").

Ce complèment de programme est totalement dispensable, surtout quand on découvre la nullité de son propos et la mocheté de ses dessins, toutes deux infligées par Howard Chaykin, dont on se demande pourquoi Marvel continue à l'employer.
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Bilan : très positif - j'avais précipitamment abandonné cette revue (lui préférant, à tort, "Marvel Stars"), mais j'y reviens avec plaisir, et sinon pour de bon, en tout cas certainement pour un bon moment. 
Marvel Icons 11 :

- Les Nouveaux Vengeurs 12 : Infinité (4). De nos jours, les Nouveaux Vengeurs s'apprêtent à interroger un membre du HAMMER qu'ils ont capturé tandis que Mockingbird est à l'hôpital dans un état grave...
En 1959, les Vengeurs de Nick Fury affronte Crâne Rouge et le Captain America qu'il a créé...

Ce nouvel épisode confirme que cet arc est décevant et décousu : Brian Bendis échoue à donner de la tension à son double récit, entre passé et présent, et le lien entre les deux époques n'est toujours pas révèlé - sans qu'on n'attende quoi que ce soit. On peut raisonnablement penser qu'il s'agit de l'histoire la plus faible depuis le tout début de la série, et même les dialogues manquent d'inspiration.

Graphiquement, c'est d'autant plus pénible que, ce mois-ci, il y a plus de planches réalisées par Howard Chaykin que par Mike Deodato. Que dire de plus ? Rien sinon que j'ai hâte que cette saga se termine.
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- Iron Man 502-503 : Régénération (2-3) + Comment j'ai rencontré ta mère + Prologue. En découvrant qu'Iron Man affrontait le Dr Octopus (ennemi peu usité dans cette série, il s'agit davantage d'un adversaire historique de Spider-Man), je me suis penché sur ces deux épisodes.
Surprise : ce n'est pas désagrèable, avant tout parce que Matt Fraction boucle rapidement son affaire, ce qui rompt avantageusement avec ses arcs interminables.

 Doc Ock menace de faire sauter une bombe nuclèaire si Stark ne le guérit pas de ses lésions cérébrales, prétexte en vérité pour l'humilier en l'obligeant à admettre son infériorité intellectuelle.

Néanmoins, rien d'exceptionnel non plus : le dénouement manque cruellement d'intensité, les dialogues de punch. Mais Fraction serait bien inspiré de continuer à concevoir des intrigues aussi courtes.

Marvel, lui, serait bien inspiré de dégager Salvador Larroca, dont les dessins sont toujours aussi accablants.

Deux appendices agrèmentent le programme : 9 pages dessinées par Chaykin (encore !... Hélas !) et 7 par Barry Kitson, qui annocent la publication du spin-off Iron Man 2.0 (avec War Machine en vedette), et qui sera publié dans un hors série. Tout cela est complètement dispensable et seulement édité pour assurer la pagination habituelle de la revue, dont le sommaire est toujours altéré.
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- Les Quatre Fantastiques : Oncles. Cette back-up à l'épisode 588 (le dernier de la série régulière) met en scène Spider-Man et Franklin Richards, qui ont désormais en commun d'avoir tous deux perdu leur oncle (Ben pour le premier, Johnny Storm pour le second).

Jonathan Hickman réussit à écrire une annexe simple et touchante, sobrement dialoguée, qui tranche avec bonheur avec ses scripts ampoulés et mous. Comme Fraction, il gagnerait fortement à miser sur des histoires centrés sur les personnages et moins sur des intrigues au long cours.

Mark Brooks illustre ceci très joliment, avec une belle colorisation de Paul Mounts.
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Bilan : la revue traverse un creux, entre sommaire anarchique et séries peu inspirées. Espérons que le prochain arc de New Avengers (en Fèvrier) et l'arrivée de la nouvelle série FF (le mois prochain) vont remonter le niveau.

Spider-Man Hors-Série 36 :

- La Chatte Noire : Chasseurs de trophées (1-4/4). La Chatte Noire croise lors d'un cambriolage dans un musée un autre voleur qui va bientôt la faire chanter en l'obligeant à commettre des vols sinon il exécutera sa mère. Felicia Hardy découvre progressivement que les commanditaires du maître-chanteur sont la famille Kraven en train de comploter contre Spider-Man...
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Cette mini-série a été publiée d'Août à Décembre 2010 (le dernier épisode paraissant deux mois après le troisième) en parallèle à la saga Grim Hunt (Chasse à mort en vf, écrite par Joe Kelly et dessinée par Michael Lark et Marco Checchetto) de la série Amazing Spider-Man. On y trouve en effet une partie de la toile de fond, avec les Kravinoff préparant le sacrifice du Tisseur pour ressuciter Kraven le chasseur. Pourtant, ces éléments ne gênent en rien la compréhension de cette histoire.
Jen Van Meter anime avec habileté la créature créée par Marv Wolfman et Keith Pollard en 1979 : Black Cat était à l'origine un vague décalque de la Catwoman de DC, mais le personnage a traversé régulièrement les aventures de Spider-Man avec qui elle entretient une relation à la "je t'aime, moi non plus" piquante et parfois dramatique (comme dans des épisodes des années 80 écrits par Roger Stern ou plus par Kevin Smith).
La dualité de l'héroïne est bien exploitée dans ce récit où ses talents de voleuse qui porte la poisse à ses adversaire lui permettent de sortir sa mère d'un mauvais pas. Le scénario est rythmé, avec de l'humour, une voix-off sobre et des dialogues bien troussés.
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Les dessins sont le fait de Javier Pulido, talentueux espagnol, trop discret (il a signé de superbes épisodes de Human Target chez Vertigo et assisté Marcos Martin sur Spider-Man). Son style épuré et élégant convient parfaitement à cette histoire, et même quand il est épaulé par Javier Rodriguez (sur les dernières pages des épisodes 2 et 3), la différence est quasi-imperceptible. La colorisation de Matt Holligsworth (et Javier Rodriguez sur l'épisode 3) est au diapason, simple et sobre.
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Bilan : très positif - on peut remercier Panini d'avoir, malgré le décalage avec la revue "Spider-Man", édité cette mini-série rafraîchissante.
Ultimate Spider-Man 11 :

- Ultimate Spider-Man 155-157 : La mort de Spider-Man (Prélude 3 + Pt 1-2). J. Jonah Jameson, qui connaît désormais la double identité de Peter Parker, accepte de le réintégrer au Daily Bugle en échange de l'exclusivité sur ses photos quand il agira sous le masque de Spider-Man. Après avoir retrouvé, lors d'une bagarre contre des malfrats, Kitty Pryde, Peter l'invite chez sa tante May où celle-ci et ses locataires (Bobby Drake/Iceberg, Johnny Storm/la Torche, Mary-Jane Watson...) ont préparé une fête pour son 16ème anniversaire.
Peu après, Norman Osborn/le Super-Bouffon réussit à s'évader du Triskelion et entraîne avec lui Electro, l'Homme-Sable, Kraven le chasseur, le Vautour et le Dr Octopus. Spider-Man part à leur recherche sans les trouver alors que les deux équipes des Ultimates s'affrontent. Nick Fury a chargé le Punisher d'abattre Captain America durant le combat et le Tisseur décide de s'interposer...

La série entame sa dernière ligne droite avant son relaunch, et après un troisième prologue, Brian Bendis met en place les éléments qui vont décider du destin de son héros - destin qui s'annonce sombre, comme l'indique le titre de l'histoire et que vient confirmer la dernière page (saisissante) de l'épisode 657. Lorsqu'on sait que dans l'univers Ultimate, les personnages condamnés ne ressucitent pas, l'issue (annoncée clairement ici) compte finalement moins que les moyens d'y arriver.
Bendis affiche une forme dont la constance sur ce titre a de quoi épater même ses plus hargneux détracteurs. Le 3ème prologue en témoigne, merveille d'écriture intimiste où chaque dialogue sonne vrai, chaque situation est d'une justesse imparable. Pour ce chapitre, il est accompagné au dessin par Chris Samnee : le talent de l'artiste est connu (en tout cas pour ceux qui n'ont pas raté Thor the mighty avenger, par exemple) mais il n'empêche qu'il signe peut-être le plus bel épisode de toute la série (oui, même au-dessus d'Immonen et Pichelli). La subtilité de ses expressions, la fluidité de son découpage, l'élégance de son trait, tout enchante !

Puis, donc, l'intrigue de La mort de Spider-Man est engagée : Bendis mène son affaire tambour battant en convoquant les ennemis les plus emblématiques du héros mais aussi les Ultimates (officiels de Carol Danvers et clandestins de Nick Fury), dont la confrontation va impacter brutalement la trajectoire du Tisseur. La convergence attendue des deux récits (le sort des fugitifs et l'issue de la lutte entre les super-soldats) promet énormèment.
Mark Bagley, qui avait quitté USM (et peu après Marvel pour une aventure peu concluante chez DC) il y a quatre ans, renoue avec la série comme s'il ne l'avait jamais quitté. Encré par Andy Lanning, le dessinateur n'a rien perdu de sa vivacité et, même si, comme moi, on n'est pas toujours client de ce qu'il fait, il faut avouer qu'il est là comme un poisson dans l'eau.
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Bilan : LA revue du mois - le récit est emballant et mis en image de manière imparable, avec mention pour la contribution (formidable et superbe) de Chris Samnee.

jeudi 1 décembre 2011

Critique 288 : AVENGERS-DEFENDERS WAR, de Steve Englehart, Bob Brown et Sal Buscema

Avengers-Defenders War est un crossover entre les séries Avengers (#115-118) et Defenders (#8-11), écrit par Steve Englehart et dessiné par Bob Brown (pour les épisodes d'Avengers) et Sal Buscema (pour les épisodes des Defenders), publié en 1973 par Marvel Comics.
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L'intrigue se joue autour du plan du démoniaque Dormammu pour conquérir l'univers. Sachant qu'il ne pourra manoeuvrer sans être repéré par le Dr Strange, il requiert l'aide de Loki, devenu aveugle après un énième combat contre Thor.
Pour réaliser son projet, Dormammu, profitant de l'infortune du Chevalier Noir, pétrifié par l'Enchanteresse et dont l'esprit erre dans l'au-delà, fait croire au Dr Strange, qui a localisé l'âme du héros, que pour le sauver, il doit rassembler les six pièces d'un instrument magique, l'Oeil du Mal.
Les Défenseurs se dispersent pour récupérer les artefacts mais doivent affronter les Vengeurs qui croient que le Chevalier Noir est prisonnier de Strange et que l'équipe de ce dernier entreprend de dominer le monde grâce à l'Oeil du Mal...
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En 1973, Steve Englehart est aux commandes des séries consacrées aux Vengeurs et aux Défenseurs, et c'est durant un voyage en moto avec sa fille qu'il a l'idée de ce crossover. Roy Thomas, le mythique scénariste des Vengeurs dans les années 60, devenu editor, va superviser cet ambitieux projet, sorte de matrice pour toutes les grandes sagas comme Marvel en produit désormais annuellement (Fear Itself étant la dernière en date).
La différence majeure entre hier et aujourd'hui est que ces six épisodes sont "self-contained", et qu'il suffit de deux courts prologues de quatre pages, issus des deux séries, pour savoir où on est et où on va. A la fin de l'aventure, pas de grande révolution (si ce n'est quelques Défenseurs qui quittent l'équipe, mais leur départ était déjà dans l'air avant). On peut justement déplorer que les crossovers actuels n'aient pas conservé cette suffisance...

L'argument du récit n'est qu'un vague prétexte pour opposer quatorze personnages, mais la qualité et la diversité des combats constituent un régal. Nous avons ainsi droit à Dr Strange contre la Panthère Noire et Mantis dans un champ de maïs dans l'Iowa ; la Vision et la Sorcière Ecarlate contre le Surfeur d'Argent au coeur d'un volcan ; Iron Man contre Oeil-de-Faucon à Monterrey au Mexique.
Mais les deux meilleurs face-à-face sont entre Swordsman et Valkyrie dans un hommage évident au film de cape et d'épée, et Hulk contre Thor dans un clash dévastateur en centre ville.
Bien entendu, à la fin, les héros comprennent qu'on s'est joué d'eux et s'allient contre Dormammu, après que Loki, lui-même abusé, s'est retourné contre son partenaire (le dieu asgardien du mensonge n'a finalement pas mauvais fond : dans Siege, il permettra aussi aux gentils de tenir tête à Sentry...).

Cependant, l'ultime chapitre (l'épilogue) est bizarrement plus faible et gâche un peu le climax de l'histoire, même si Englehart a tenu (et c'est tout à son honneur) à "régler" le problème du Chevalier Noir.

Cela étant dit, cette saga fait quand même son âge et trahit l'époque à laquelle elle a été conçue : les dialogues sont souvent grâtinés, émaillés de ces exclamations impossibles que tous les scénaristes donnaient aux héros (la palme revenant à "par les hordes hirsutes d'Hoggoth" prononcée par le Dr Strange). Le rythme est infernal, sans aucun temps mort, ce qui est à la fois un avantage (car on ne s'ennuie pas et que certains raccourcis risibles passent mieux - comme lorsque le Surfeur d'Argent est incommodé par l'irruption d'un volcan, alors qu'il a dû subir bien pire quand il était le héraut de Galactus...) et une faiblesse (car cette succession de scènes intenses tourne à la surenchère absurde - ainsi voit-on Thor et Hulk, s'empoignant et suant à grosses gouttes avant que Vengeurs et Défenseurs surgissent pour leur faire comprendre que leur combat n'a pas lieu d'être. Cet enragé de Hulk n'y trouve pas à redire !).
La décompression narrative moderne a au moins eu le mérite de donner à ce genre de récits un découpage un peu plus nuancé.
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La partie graphique est assurée par deux dessinateurs, qui, sans être de grands artistes, ont été des artisans efficaces et aux styles similaires, ce qui donne à la saga une certaine unité esthétique.
D'un côté, nous avons donc Bob Brown, moins inspiré que sur ses épisodes (plus tardifs) de Daredevil, mais qui a le privilège de s'occuper de deux des segments les plus intenses (le duel Swordsman-Valkyrie et la bataille des deux formations contre Dormammu).
De l'autre, il y a Sal Buscema, le légendaire dessinateur de Hulk et Rom le chevalier de l'espace, qui rend une copie pleine de vivacité, conforme à ce qu'on connaît de lui.
C'est également visuellement un peu daté, mais en même temps le graphisme (et ce qu'on en attend) a considérablement évolué.
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Une saga historique, dont certains aspects kitsch ne doivent pas occulter l'énergie et le sens du spectacle.

mercredi 30 novembre 2011

LUMIERE SUR... BRIAN HURTT


Brian Hurtt.
The Sixth Gun Promo art : Drake Sinclair et The Reverend.

The Sixth Gun Promo Art : Becky Montcrief et Missy Hume.









Trois séquences en 9 planches,
extraites de The Sixth Gun #7.

Death (commissionn art).

Jenny Sparks (commission art).

Naissance aux Etats-Unis.
Dessinateur, encreur, coloriste, lettreur.
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Le blog de l'artiste : www.thehurttlocker.blogspot.com

Critique 287 : THE SIXTH GUN - BOOK 2 : CROSSROADS, de Cullen Bunn et Brian Hurtt

The Sixth Gun, Book 2 : Crossroads rassemble les épisodes 7 à 11 de la série écrite par Cullen Bunn et dessinée par Brian Hurtt, publiée par Oni Press en 2011.
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Après la bataille du fort Maw, au cours de laquelle Becky Montcrief et Drake Sinclair ont reçu l'aide de Gord Cantrell pour enfermer à nouveau le général mort-vivant Hume dans son cercueil, sans pouvoir empêcher la fuite de sa veuve Missy, les trois héros se sont installés dans un hôtel de la Nouvelle-Orléans pour faire le point.
Drake cherche un moyen de se libérer de l'emprise maléfique des quatre revolvers en sa possession (le cinquième est dans les mains de Missy Hume et le sixième ne quitte pas Becky), après avoir déposé le cercueil du général Hume dans une crypte (gardée par Billjohn O'Henry, devenu un golem).
Gord étudie des livres pour apprendre l'origine des revolvers et met Drake sur la piste d'Henri Fournier, qui vit dans le bayou. C'est ainsi que le pistolero va en apprendre un peu plus sur la mythologie de ces armes, mais aussi éveiller la convoîtise de Marinette Of The Dry Arms, une créature des marais à laquelle obéit le serviteur de Fournier, Woodmael.
Becky, elle, fait la connaissance de Kirby Hale, un redoutable tireur, qui la séduit et va la manipuler...
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Ce nouveau tome est étonnamment accessible même si pour en apprécier tous les enjeux, il est préférable d'avoir lu le précédent. Dead Cold Fingers possédait une structure auto-contenue presque parfaite, une précaution habile dans un contexte de crise où peu de séries sont assurées de survivre (The Sixth Gun se vend à environ 5 000 exemplaires, trois fois moins qu'une série annulée par Marvel). Mais Oni Press soutient son titre et Cullen Bunn, le scénariste, a pu développer ce qu'il avait commencé à bâtir. Toute son histoire en profite : les personnages sont plus affirmés, l'intrigue est plus dense, et graphiquement c'est encore plus efficace.
Le meilleur exemple est la place prise par le personnage de Gord Cantrell, colosse noir apparu à la fin du tome 1, qui devient désormais un des protagonistes de la série : il garde une part de mystère (comme le remarque Drake quand il se demande comment il peut traverser avec autant de flegme les évènements surnaturels) mais son influence sur les situations et sa position à la fin de cet arc narratif prouve qu'il a acquis de l'épaisseur et possède un avenir.
Contrairement aux premiers épisodes, en constant mouvement, l'action se centralise ici dans un décor propice aux fantasmes puisqu'on évolue dans les quartiers de la Nouvelle-Orléans et le bayou. Le folklore de la région est subtilement mais puissamment exploité, avec des références au vaudou, à la magie noire.
On se rend compte qu'en vérité The Sixth Gun est moins un western avec des éléments fantastiques qu'une série fantastique utilisant les codes du western. Les duels, par exemple, sont abondants dans ces nouveaux chapitres et réservent de vrais morceaux de bravoure (Drake affronte un alligator blanc géant - Cullen Bunn a-t-il lu Jim Cutlass où le héros avait affaire à pareille bestiole ? - puis une panthère noire, Kirby Hale abat plusieurs fier-à-bras dans une séquence jubilatoire digne de Lucky Luke, Becky et Gord se démènent contre une horde de hibous et de serpents). Quant à la bataille finale dans le cimetière, elle n'a rien à envier à l'assaut contre le fort du Maw dans le premier livre.
Bunn continue de nous régaler avec des dialogues à la fois sobres et percutants, des personnages ciselés, et un soin particulier accordé aux ambiances.

(Promo art by Brian Hurtt)
Graphiquement aussi, la série mûrit sensiblement. Brian Hurtt confirme qu'il est un storyteller remarquable, produisant des vignettes parfaitement composées, s'enchaînant avec une fluidité imparable. Il n'abuse pas de plans larges mais quand il en produit, ils sont superbement ouvragés, sans être écrasés par des détails inutiles.
Il fait aussi la différence dans le traitement des décors, qu'il sait planter en leur consacrant toute la minutie requise : il faut saluer cet effort car tous les "monthly artists" américains ne sont pas aussi scrupuleux et sacrifie parfois les arrière-plans rapidement, comptant sur le fait que les lecteurs n'y accorderont pas autant d'importance qu'aux personnages. Or, quand on opère dans un genre aussi exigeant que le western où le cadre est à la fois connu de tous et donc implique d'être parfaitement représenté, cela commande à l'artiste de ne pas tricher.

Dans le même esprit, la colorisation, désormais réalisée par Bill Crabtree, souligne la qualité visuelle atteinte par la série. Ces quelques planches dans le bayou en témoignent :




La maîtrise grandissante de Hurtt fait écho à celle de Bunn qui sait nous rendre plus familier avec ses héros et leur histoire. The Sixth Gun est clairement un comic-book addictif, d'une efficacité exemplaire, aussi bien écrit que dessiné. Son scénariste lui-même promet, à la fin de ce 2ème tome, que l'aventure ne fait que commencer (le plan du scénariste courrait sur au moins 50 épisodes !) : il a su en tout cas poser les fondements d'une production avec un étonnant potentiel, qui peut durer longtemps tout en ménageant de nombreuses surprises.
Le vrai coeur de The Sixth Gun réside dans sa capacité à créer un monde à la croisée de deux genres (le western et le fantastique) sans être trop au sérieux ni trop ironiquement distant. Le terreau de cette production est fertile : vivement la suite, donc !

(Becky Montcrief par Brian Hurtt)

samedi 26 novembre 2011

Critique 286 : THE SIXTH GUN - BOOK 1 : COLD DEAD FINGERS, de Cullen Bunn et Brian Hurtt

The Sixth Gun, Book 1 : Dead Cold Fingers rassemble les épisodes 1 à 6 de la série écrite par Cullen Bunn et dessinée par Brian Hurtt, publiés en 2010 par Oni Press.
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Rebecca "Becky" Montcrief hérite de son père un revolver magique, le 6ème d'une collection, qui lui permet d'avoir des visions du passé et du futur.C'est ainsi qu'elle découvre progressivement que ces armes furent rassemblées par le général sudiste Oliander Bedford Hume durant la guerre de sécession et qu'elles étaient les instruments d'un vaste et mystérieux plan. 
Neutralisé par le père de Becky, Hume est aujourd'hui un zombie, libéré par quatre de ses hommes de main, tandis que sa femme, Missy, a engagé des détectives de l'agence Pinkerton pour retrouver le sixième revolver, qui appartenait au général.
Capturée, Becky est secourue par celui qui devient son allié, l'aventurier Drake Sinclair, détenteur d'un autre des revolvers magiques, qui fit partie du commando de Hume, et son acolyte, BillJohn O'Henry.
Ensemble, ce trio va s'employer à empêcher le général, son épouse et leur bande, de mettre la main sur un trésor caché dans le fort du Maw et dont les six revolvers seraient la clé du coffre.

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BillJohn O'Henry, Drake Sinclair et Becky Montcrief
(dessin de Brian Hurtt)
La découverte d'une preview de The Sixth Gun, il y a une quinzaine de jours, a été une révèlation : je n'en connaissais ni les auteurs ni le pitch, mais le bref résumé de l'épisode présenté et le style graphique m'ont immédiatement conquis. Je me suis, toutes affaires cessantes, commandé les deux premiers recueils de la série et j'ai dévoré le premier tome.
Mixer le western et le fantastique pouvait sembler curieux et aboutir à une potion indigeste, mais le résultat est irrésistible. Cullen Bunn accroche l'attention d'emblée en quelques scènes courtes et saisissantes, au rythme enlevé et à l'atmosphère soignée : les enjeux du récit sont vite posés avec la quête des revolvers magiques, des personnages au passé trouble, dans des décors bien campés.

(Promo art by Brian Hurtt)
La suite est à l'avenant avec une galerie de méchants grâtinés, dont le général ressucité, ses hommes de main - la référence aux quatre cavaliers de l'apocalypse est explicite - , sa veuve : une joyeuse bande de cinglés, illuminés, aux trognes pittoresques.
Mais, pour tenir le coup face à de tels adversaires, Bunn n'a pas négligé ses héros : Drake Sinclair a l'allure de Clark Gable et la mentalité de Han Solo et fait équipe avec un partenaire dont on sait très vite qu'un sombre destin l'attend. Quant à Becky, elle passe de la jeune fille subissant la situation à une vraie guerrière, dont l'héritage est à la fois providentiel et maudit.
L'histoire est ponctuée par des rebondissements spectaculaires, de l'attaque d'un monastère au combat avec un monstre dans un canyon jusqu'au final dans un fort assiégé par des morts-vivants. L'ensemble forme un tout suffisant, mais Bunn conclut ce premier story-arc avec des pistes ouvertes et alléchantes pour le futur.
(Promo art by Brian Hurtt)
C'est vraiment une formidable bande dessinée, très addictive et tonique, dont on a hâte de découvrir la suite.
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Un scénario excellent ne l'est vraiment que lorsqu'il bénéficie d'un artiste à la hauteur, sachant à la fois mettre en valeur ses points forts sans en faire trop. Brian Hurtt, qui a déjà collaboré avec Bunn sur un polar fantastique (The Damned), est le dessinateur idéal pour ce projet.
Son style ne ressemble pas en fin de compte à ce qu'on a l'habitude de voir dans les comics américains, on pense davantage à des dessinateurs européens, en particulier franco-belge, comme Janry. Son sens de la composition et l'énergie de son découpage sont exceptionnels et impriment un tempo exemplaire au récit, sans se départir d'un certain classicisme (pas de vignettes baroques, beaucoup de modération dans l'emploi des splash-pages).
(Promo art by Brian Hurtt)
Le design de ses personnages s'inscrit dans une veine semi-réaliste, qui évoque Mike Wieringo, avec un trait moins défini. Les protagonistes masculins ont à la fois de l'allure et des visages immédiatement reconnaissables et mémorables, tandis que les héroïnes affichent de la variété (un charme en rondeurs pour Becky, un look plus anguleux pour Missy).
La colorisation privilégie les teintes chaudes et est assurée par Hurtt lui-même (qui signe aussi le lettrage), sauf pour le 6ème chapitre où Bill Crabtree prend la relève(appelé à devenir le titulaire du poste).
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Un vrai coup de foudre : j'ai hâte de connaître la suite !