vendredi 1 décembre 2023

X-MEN BLUE : ORIGINS #1, de Si Spurrier, Marcus To et Wilton Santos


X-Men Blue : Origins est un one-shot avec une grande ambition. Si Spurrier entend bien avec ce numéro d'une quarantaine de pages livrer les origines définitives de Kurt Wagner/Diablo. Pour cela, il a recours à la continuité rétroactive mais l'utilise sagement. Au dessin, Marcus To assure l'essentiel des planches soutenu par Wilton Santos.


Sous son masque de Spider-Man, Diablo a trouvé une nouvelle fois Mystique dans un état de grande confusion, cherchant son bébé. Il la pousse dans ses retranchements et elle se remémore son passé auprès de Destinée, Azazel et Christian Wagner pour se rappeler enfin et se reprendre...


Tout d'abord, contextualisons ce one-shot : dans Uncanny Spider-Man #4, paru le 22 Novembre dernier, Diablo avant d'être capturé par le Wild Pack de Silver Sable localisait Mystique dans Central Park. Depuis qu'il s'est établi à New York et après le Hellfire Gala, il a eu l'occasion de la croiser à de nombreuses reprises.


Et il a pu se rendre compte qu'elle n'avait visiblement plus toute sa tête. Revêtant l'apparence d'une clocharde, cherchant son bébé, elle était sujette à des accès de violence imprévisibles et fuyait Diablo qu'elle ne reconnaissait pas sous son nouveau costume parce qu'il était également masqué.


De son côté, Kurt Wagner avait fort à faire : traqué par Orchis mais échappant inexplicablement aux Sentinelles déployées par l'organisation anti-mutante, entendant la voix d'un lutin qui le narguait, il avait entamé une liaison avec la mercenaire lancée à ses trousses, Silver Sable.

Dans Uncanny Spider-Man #4, avant de rejoindre Silver Sable pour un rendez-vous, il trouvait une fois encore mystique en route et entreprenait cette fois de l'apaiser. Une discussions s'ensuivait dont la teneur nous était inconnue. X-Men Blue : Origins nous la dévoile.

Les origines de Diablo n'ont jamais été définitivement établies. Dave Cockrum, le créateur du personnage, voulut d'abord en faire un membre de la Légion des Super Héros pour DC mais l'editor du titre refusa, prétextant que son apparence était trop effrayante. Quand Cockrum fit ses valises pour les poser chez Marvel et participa à Giant-Size X-Men en 1975 avec le scénariste Len Wein, ce qu'on appelle depuis la deuxième génération des X-Men, il recycla bon nombre de characters designs prévus pour la Légion des Super Héros, dont celui de Diablo.

Diablo était le personnage favori de Cockrum. Il l'inventa en racontant une histoire pour faire dormir sa fille puis chercha ensuite à en faire le héros d'une série baptisé The Intruder sur un personnage anticipant le Punisher traquant le mal aux côtés d'un démon. Le projet n'aboutit jamais mais Cockrum continua de penser à ce personnage en l'adoucissant, en prenant pour modèle Erroll Flynn et les héros de films de pirates et de cape et d'épée dont il était fan. A partir de là, Diablo devient moins un démon qu'une créature bondissante sous un physique inquiétant.

Malheureusement, quand Cockrum collabora avec Chris Claremont, il vit Diablo être relégué au second plan des X-Men, éclipsé d'abord par Colossus, puis Wolverine. Le griffu canadien acquit une notoriété énorme ensuite grâce à John Byrne, qui succéda à Cockrum sur le titre, car l'artiste avait grandi au Canada comme le mutant. Pire : Claremont fit ensuite de Kurt Wagner un mutant très religieux, ce que détesta Cockrum. La suite de la carrière du fuzzy elf ne dut pas soulager son créateur. Jusqu'à ce Claremont avec Alan Davis lui rendirent sa fantaisie initiale dans Excalibur.

Et, au terme du run de Davis, devenu scénariste et dessinateur de la série, Diablo devait prendre une nouvelle dimension. Claremont et Davis ambitionnaient de réaliser un graphic novel, Excalibur Genesis, dans lequel serait établi les origines définitives de Kurt Wagner.


Mais, alors que Marvel annonça le projet avec l'image ci-dessus, il ne vit pourtant, inexplicablement, jamais le jour. Excalibur passa entre d'autres mains. De quoi nourrir bien des regrets...

Aujourd'hui, donc, Si Spurrier relève le défi de raconter les origines de Diablo : il a manifesté un intérêt insistant pour le personnage depuis qu'il a intégré la X-team de Marvel - suffisant apparemment pour que l'éditeur le laisse faire.

En vérité, Spurrier procède indirectement. Au lieu d'une longue confession de Diablo, c'est à une évocation de son passé par Mystique qu'on a droit. C'est là que Spurrier comble les blancs. Je ne veux pas spoiler mais il s'en sort très bien. On a droit à une retcon intelligente, qui a surtout le mérite de tout poser sur la table et de démêler ce qu'on sait, ce qu'on croyait savoir, ce qu'on supposait, ce qui embarrassait bien des fans.

Spurrier convoque par exemple Azazel, ce démon qu'on a longtemps donné comme le père naturel de Diablo, et l'évacue avec efficacité. Destinée est aussi un élément important de cette biographie et sur ce point, le scénariste s'en sert admirablement. Il lie dans la dernière partie de l'épisode tout cela à Malicia, fille adoptive de Mystique et Destinée, mais aussi à Charles Xavier, qui joue un rôle éminent dans l'affaire.

Ce qui est certain, c'est qu'après avoir lu ce one-shot, vous ne regardez plus jamais Rebecca Romijn...


... ni Jennifer Lawrence dans les films X-Men de la Fox du même oeil !


Et sur ce point, c'est très raccord avec ce que désirait Claremont, mais dont ne voulut pas entendre l'équipe éditoriale quand il en parla...

J'aurai adoré que Francis Manapul ne se contente pas de dessiner la couverture, mais ce one-shot est très agréablement dessiné. Wilton Santos s'occupe des planches 1 à 6 et 10 à 18 : son travail est correct, bien que souffrant parfois de maladresses. Heureusement, le reste, c'est-à-dire la majorité est illustré par Marcus To, dont j'ai toujours apprécié le trait, élégant, et là, en revanche, rien à redire : c'est très classe, expressif, découpé avec fluidité, s'appropriant les personnages avec maîtrise.

Je n'avais pas d'attente particulière concernant ce projet. J'espérai juste qu'on n'ait pas droit à du rafistolage grossier, ou une retcon trop radicale. Si Spurrier livre un récit mesuré, subtil, audacieux sur certains points, une synthèse remarquable, qui prouve qu'il est arrivé à saisir les enjeux de ce projet et la personnalité des protagonistes. Il lui reste à conclure en beauté Uncanny Spider-Man et, pour les fans de Diablo comme moi, espérer qu'on le reverra en première ligne et aussi bien traité dans un proche avenir.

BONUS :


La magnifique variant cover de Russell Dauterman.

Aucun commentaire: