mardi 26 décembre 2023

THE MARVELS : Error System


The Marvels est d'ores et déjà le plus cuisant échec commercial du MCU. Mais, sans être méchant, c'est mérité. Et surtout c'était quelque part inévitable tant ce film a été produit en dépit du bon sens. Il signe en vérité l'échec d'une stratégie imposée par Kevin Feige au début de la Phase IV. Mais, aussi curieux que cela puisse paraître, c'est peut-être un mal pour un bien...

Ce qui suit contient des SPOILERS !
 

La destruction de l'Intelligence Suprême, qui dirigeait l'empire kree, par Captain Marve, a fait sombrer ce peuple dans une guerre civile et la désolation. Depuis trente ans, les ressources du monde -trône Hala se sont épuisées, la sécheresse sévit, l'air y est devenu irrespirable, son soleil se meurt. Dar-benn, une jeune juge, s'est érigée en leader, promettant de corriger cette situation et de tuer celle qu'elle appelle "l'annihilatrice" - Captain Marvel.


Pour cela, elle met la main sur un bracelet quantique qui lui permet d'ouvrir des brèches spatio-temporelles. L'une d'elles est détectée par le S.A.B.E.R. (Strategic Aerospace Biophysics and Exolinguistic Response), dirigée par Nick Fury, qui a sous ses ordres l'agent Monica Rambeau, la nièce de Carol Danvers/Captain Marvel, qui elle surveille ce portail à son autre extrémité. Chez elle, dans le New Jersey, Kamala Khan voit son bracelet quantique briller inexplicablement et quand Carol et Monica activent leurs pouvoirs, elles échangent leurs places.
 

Nick Fury et Monica rendent visite à Kamala, rejoints par Carol Danvers. Elles comprennent qu'elles ont en commun leurs pouvoirs sur la lumière et qu'elles doivent faire équipe pour résoudre cette affaire de brèches. Elles partent donc pour la planète Tarnax que Captain Marvel a trouvé pour donner un refuge aux skrulls, les ennemis de toujours des kree. Mais Dar-benn les a devancées et en ouvrant un portail en aspire l'atmosphère. Carol, Monica et Kamala évacuent le plus de skrulls possibles puis les confient à Valkyrie qui les transportent à la Nouvelle Asgard..


Carol comprend que Dar-benn s'en prend à des mondes qui lui sont chers et emmènent donc Monica et Kamala sur Aladna, composée en majorité d'eau. Elle s'y est jadis fiancée au prince Yan qui les aide à affronter Dar-benn et son armada. Mais le combat est déséquilibré et Kamala se fait dérober son bracelet quantique.


Obligées de battre en retraite à contrecoeur, Carol sait que la prochaine cible de Dar-benn sera la Terre ou plus exactement son soleil. Pour se préparer à un nouveau combat contre Dar-benn, elle s'entraîne avec Monica et Kamala puis contacte Nick Fury pour l'avertir de la situation. Dar-benn commence déjà à ouvrir une brèche avec ses deux bracelets quantiques lorsque les trois héroïnes surgissent.


Lorsqu'elle déchaîne ses pouvoirs contre ses adversaires, Dar-benn est consumée par les bracelets quantiques. Il reste cependant à refermer le portail ouvert et Monica se sacrifie. Kamala rentre dans le New Jersey retrouver ses parents et explique que Carol est repartie pour Hala. Là-bas, elle régénère le soleil et sauve les kree d'une mort annoncée.

Deux scènes supplémentaires interviennent durant le générique de fin : 

- dans la première, Kamala Khan aborde Kate Bishop, la disciple de Clint Barton/Hawkeye, pour lui proposer de former une équipe avec d'autres jeunes héros ;

- dans la seconde, Monica se réveille auprès de sa mère, Maria, et du Dr. Hank McCoy/le Fauve, qui l'ont récupérée dans un univers parallèle. Monica doit expliquer à Maria qu'elle est bien sa fille et comment elle est arrivée ici.

Flashback : nous sommes en 2019 et Spider-Man : Far From Home conclut la Phase III du MCU (Marvel Cinematic Universe), trois mois après le triomphe de Avengers : Endgame, climax de 11 années de films adaptés des comics Marvel. Kevin Feige, producteur de tous ces longs métrages et grand architecte de leur mise en chantier, est le roi du monde.

Il annonce alors les projets pour la Phase IV dont l'exploitation débutera en 2021 avec le film Black Widow. Son ambition est grande mais personne ne la contesterait : il entend étendre le MCU sur grand et petit écran avec, pour ce support, des séries mettant en scène des personnages secondaires et parfois encore inédits. La plateforme Disney + les programmera mais surtout, dans l'idéal, les fans pourront apprécier une expérience encore plus grande des super-héros Marvel.

Shang Chi et la légendes des dix anneaux, Les Eternels, Spider-Man : No way home, Doctor Strange in the Multiverse of Madness, Thor : Love and thunder, Black Panther : Wakanda forever, Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, Les Gardiens de la Galaxie volume 3, et donc The Marvels vont se succèder en salles. Tandis qu'en streaming on découvrira WandaVision, Falcon et le Soldat de l'Hiver, Loki (saisons 1 et 2), What if...?, Hawkeye, Moon Knight, Ms. Marvel, She-Hulk : Avocate et Secret Invasion.

Et autant dire que tout ne va pas se dérouler exactement comme l'avait espéré Kevin Feige. Entre temps, Bob Chapek, le patron de Disney, critiqué pour sa gestion, sera limogé et remplacé par celui auquel il avait succédé, Bob Iger, qui, depuis, a changé de braquet en exigeant des économies (et donc en licenciant massivement). Les responsables des effets spéciaux râlent contre des conditions de travail intenables. Et la grève des scénaristes et des acteurs paralysera tout Hollywood pendant plusieurs mois.

Mais surtout le succès n'est plus automatique pour les productions Marvel. La critique se fait aussi plus assassine, étrillant de gros projets. Et les fans n'accrochent pas à cette saga du Multivers censée succéder à celle des Pierres d'Infinité et de Thanos qui a couru sur les Phases I à III. La belle mécanique s'est enrayée.

Chacun y est allé de son diagnostic : lassitude envers les super-héros ? Manque de lisibilité dans l'intrigue générale ?  Même des cinéastes "nobles" s'en sont mêlés, comme Martin Scorsese qui a qualifié les films de super-héros de produits plus proche des parcs d'attraction que du cinéma, même si d'autres les défendent, comme Christopher Nolan, qui disent qu'il en faut pour tous les goûts et qu'ils participent à la bonne santé économique de l'industrie.

Pour ma part, sans revenir dans le détail sur ce que j'ai aimé ou pas dans cette Phase IV, j'ai été dès son départ perplexe sur cette synergie entre ciné et télé, sur le choix de Kang comme nouveau grand méchant du MCU (et sur l'acteur qui l'incarnait, Jonathan Majors, très cabotin), et une absence criante de liant entre tout ça. Le concept même de Multivers, compliqué à expliquer, a surtout échoué à convaincre et je pense qu'il faudrait carrément ne plus le traiter (même si je doute qu'une décision aussi drastique soit prise).

The Marvels, pour en revenir à lui, est une sorte de concentré de toutes ces erreurs tactiques, narratives, esthétiques. C'est une sorte d'erreur aberrante dans un système, au point qu'on se demande comment un tel film a pu être validé tel quel ou, comme cela semble être le cas maintenant que des langues se délient, comment il a été charcuté pour ne ressembler à ce point à rien.

C'est très simple en vérité : comment a-t-on pu croire que c'était une bonne idée de faire une suite à Captain Marvel en excluant le nom de l'héroïne du titre et en lui associant deux autres personnages uniquement vus dans des séries télé, et encore pour l'une d'entre elles dans un rôle très secondaire ? C'est un vrai mystère et une hérésie. Ce qui faisait la force du MCU pendant sa première décennie, c'était justement la manière dont les héros faisaient connaissance progressivement, pour former l'équipe des Avengers d'abord, puis affronter Thanos ensuite. Et si ça fonctionnait, c'est parce que tous les personnages étaient issus d'un même format (le film), sur un pied d'égalité donc.

Mais Ms. Marvel et Monica Rambeau sont issus de séries Disney +, par ailleurs très diversement appréciées. Ms. Marvel était sympathique mais souffrait d'un scénario très faible tout juste compensé par l'abattage de sa jeune vedette, Iman Vellani. Monica Rambeau, jouée par Teyonah Parris, était un second rôle dans WandaVision, qui acquérait ses pouvoirs d'une façon très opportuniste (et complètement différente, comme Ms. Marvel, des comics), sans avoir marqué les esprits plus que ça - en tout cas certainement pas au point de devenir une tête d'affiche.

Ne revenons pas sur les réactions à l'égard de Brie Larson en Captain Marvel auxquels de soi-disant fans reprochaient de ne pas être assez souriante... Mais Larson est une actrice solide, oscarisée, et à qui il en faut plus que ça pour l'ébranler. Elle est à mon avis impeccable dans son rôle.

L'intrigue de The Marvels est aussi un cas d'école. Le film est court, le plus court de tous les films du MCU avec ses 1 h. 42. Mais justement on a souvent l'impression que le film se déroule en accéléré, comme s'il ne fallait pas perdre de temps. C'est très bizarre, surtout pour un studio qui n'a jamais lésiné sur la durée, accouchant souvent de montages un peu trop généreux. Ce n'est pas tellement qu'on a le sentiment qu'il manque de scènes, mais plutôt que tout est expédié, pas ou peu ou mal développé.

Quand le film débute, le spectateur doit intégrer des informations à toute vitesse et il ne s'agit pas de rien : l'empire kree a sombré, la planète Hala est condamnée, et tout ça par la faute de Captain Marvel - ce qui n'est quand même pas l'idéal pour ensuite affirmer que c'est quand même une héroïne... Celle qui lui en veut le plus et entreprend de résoudre cette crise est une jeune femme kree jouée par Zawe Ashton, une comédienne à l'absence de charisme effrayant, qui ne fait jamais peur, et qui connaîtra une fin pitoyable. L'armada qu'elle est censée commander est la plupart du temps invisible ou alors réduite à de la figuration, mise en scène avec une mollesse terrible.

Là aussi, des trolls sur Internet ont accablé la réalisatrice Nia DaCosta. Je ne connais pas son travail mais elle n'est tout simplement pas taillé pour une super production de ce type. Les rumeurs disent que la production a été chaotique, sans supervision, et que le montage final s'est fait sans elle (partie sur un autre projet), avec des coupes drastiques (d'où la durée du film). Quelle que soit la vérité, le résultat est calamiteux, sas personnalité, sans envergure, sans souffle.

C'est cependant, même si ce n'est pas difficile, moins affreux visuellement que Thor : Love and Thunder et surtout Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, mais bon, ce n'est pas beau non plus. Les effets spéciaux sont pauvres, cheap, même pas ratés, juste misérables.

Mais ce n'est pas tout ! Comme d'habitude, on a droit à des scènes durant le générique de fin et elles sont affligeantes. La première réveille une arlésienne avec une évocation des Young Avengers (ou des Champions), soit une équipe de jeunes super-héros initiée par Kamala Khan qui aborde Kate Bishop : je n'ai rien contre cette éventualité mais je ne crois pas une seconde que quiconque ira voir un jour pareil film. Si Kevin Feige y tient vraiment, qu'il le produise comme un unitaire spécial sur Disney + (comme l'excellent Werewolf by Night).

En revanche, comment le même Feige a pu introduire pour la première fois le retour officiel des X-Men à la fin de The Marvels, qui plus est dans une scène aussi gênante, quel que soit l'angle sous laquelle on la considère ? Faut-il, comme je l'ai compris, entendre que les mutants vivent dans un univers parallèle ? Et faire de Maria Rambeau une revenante devenue l'héroïne Binaire (qui était à l'origine une incarnation cosmique de Carol Danvers)... Dans un sens, heureusement que The Marvels a été un bide, ainsi peu de gens ont vu ça et quand les X-Men auront enfin droit à leur film, personne ne se souviendra qu'ils ont été mentionnés ici pour la première fois.

En conclusion, deux remarques : 

- 1/ je pense qu'il existe bien une lassitude des films de super-héros - ou plus exactement des mauvais films de super-héros, trop (mal) produits, réalisés, écrits. Le succès des Gardiens de la Galaxie vol. 3 a prouvé que le public appréciait encore le genre quand il était bien adapté, par un auteur inspiré. Mais je crois aussi qu'il est nécessaire, vital même, que Marvel/Disney fasse un break (comme DC/Warner), ne serait-ce que pour recréer de l'attente, du désir pour ces films et, à cet égard, qu'il n'y ait que Deadpool 3 qui soit programmé en 2024 est une bonne chose (même si ça aurait été encore mieux qu'il sorte en 2025).

- 2/ Il est tout aussi nécessaire d'arrêter de développer le MCU à la fois sur le petit et le grand écran, ou alors que les projets soient déconnectés. La stratégie de Feige ne fonctionne pas. C'est indigeste. D'ailleurs, il faut surtout moins produire de films de super-héros, refaire de chacun un événement, et de qualité. Le public ne veut plus de films moyens ou médiocres ni de héros de seconde main. The Marvels l'enseigne, durement.

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