samedi 30 avril 2022

ROGUES #2, de Joshua Williamson et Leomacs

2 600ème entrée !


Après un premier chapitre jubilatoire, le nouveau numéro de Rogues ne déçoit pas. Joshua Williamson s'écalte visiblement avec cette histoire sur le retour aux affaires des Lascars, embarqués dans un projet de casse insensé. De son côté, Leomacs nous gratifie de planches fabuleuses, qui élèvent cette production vers des sommets.
 

Les Lascars arrivent au Buredunia où ils se font passer pour une équipe en tournage. Pour atteindre Gorilla City, ils descendent le fleuve en continuant à se fier au plan de Captain Cold.


Mais lorsque ce dernier leur montre, dans la jungle, ce qu'il croit être le repaire de Gorilla Grodd, l'équipe déchante. Le Charlatan, toutefois, trouve un passage secret souterrain qui remotive les troupes.


Cependant, à Gorilla City, situé sous terre, et devenue une opulente city, Grodd mène ses partenaires à la baguette, rechignant à de nouveaux échanges économiques avec les humains.


Parmi les fidèles de Grodd, Grimm se charge, enc roisant Strakk, un dissident, de le raisonner, même quand celui-ci pointe les inégalités sociales de la ville.


De leur côté, les Lascars ont repéré la banque centrale de la ville en remarquant un défilé de fourgons blindés. Cold et ses acolytes se séparent pour tenter d'en savoir plus sur leur cible...

Rogues est vraiment une mini-série réjouissante, qui mixe polar et super-pouvoirs avec sa bande de fripouilles sur le retour. Joshua Williamson avait fait très fort avec le premier épisode, il renouvelle l'exploit avec ce deuxième.

Ce numéro est divisé en deux parties bien distinctes. Dans la première, on retrouve les Lascars qui débarquent en Afrique, dans un pays fictif en proie à des tensions politiques. Des militaires s'affichent, armes en main, la population civile vit dans un désoeuvrement complet - ce qui émeut évidemment Lisa Snart.Golden Glider. Mais Leonard Snart/Captain Cold a d'autres préoccupations. Ce n'est pas son genre de verser dans le sentimental et l'humanitaire, lui est venu piller le trésor de Gorilla Grodd. En passant, il se moque bien de l'argent que l'expédition coûte au Charlatan, même si le bâteau qu'a loué ce dernier est quasiment une épave.

On est donc dans un pur récit d'aventures, dans un cadre exotique, mais qui ne ferme pas les yeux sur la réalité des pays du tiers-monde. Les Lascars s'engagent dans la descente d'un fleuve digne d'African Queen (John Huston, 1951) avec son équipage peu recommandable. Pourtant la traversée est l'occasion pour quelques-uns de nos anti-héros de se rapprocher - et Snart remarque bien que sa soeur et Bronze Tiger deviennent intimes. Le Maître des Miroirs est, lui, toujours dans le cirage depuis que le gang l'a retiré de sa clinique de désintox, et Magenta est aussi bien à côté de ses pompes (réutiliser ses pouvoirs après si longtemps lui cause des migraines carabinées).

La caractérisation est soignée, et Williamson s'amuse beaucoup mais sans ridiculiser ses personnages pour lesquels il a une évidente tendresse. Le groupe s'enfonce bientôt dans une jungle touffue qui met les organismes et les sentiments à l'épreuve. Tel Achab obsédé par Moby Dick, Snart refuse d'entendre les découragements de ses compères, qui doutent de l'existence du trésor dont il parle et ont peur d'affronter Gorilla Grodd. Leur réaction quand ils arrivent, croient-ils, à bon port est éloquente, à la fois désopilante et pathétique.

En effet, les voilà qui se trouvent devant quelques gorilles perchés dans des arbres. Rien de semblable avec la cité promise. La cosnternation est aussi grande chez les personnages que pour le lecteur. Mais bien entendu, cela n'est qu'un simulacre, vite mis à jour par le Charlatan - quoi de plus logique de la part de quelqu'un habitué à dissimuler au public le secret de ses tours. Fin de la première partie.

Williamson enchaîne aussi sec sur le second acte. Il aurait pu différer encore longtemps l'apparition de Gorilla Grodd mais au contraire il l'introduit via une splash-page, en majesté, révélant du même coup la réalité de la situation. Gorilla City a bien changé et son maître, dont on pensait qu'il était assis sur un tas d'or dont il ne faisait aucun usage, préférant la conquête du pouvoir au plaisir de la fortune, s'est mué en un édile affairiste, qui mène son monde d'une main de fer.

Entouré d'autres gorilles qui aimeraient bien encore plus faire fructifier leur business, Grodd fait vite la démonstration que personne d'autre que lui ne décide avec qui transiger. Williamson réussit, après avoir dressé un portrait des Lascars à la ramasse, à croquer son méchant de manière terrifiante. Le contraste fonctionne à fond et annonce clairement que Captain Cold et ses complices n'auront pas la tâche facile.

Mais le scénariste ne s'arrête pas là et introduit une dimension supplémentaire via un personnage secondaire, Grimm, le bras-droit indéfectible de Grodd. Cette éminence grise croise un de ses amis qui déplore les injustices sociales frappant d'autres singes en ville. Ce Strakk s'impose en un éclair comme un protagoniste intéressant qui renvoie aux premières pages de l'épisode, quand Lisa Snart constatait dépitée l'état dans lequel la population civile du Buredunia vivait. Il y a donc un discours social qui se dessine dans cette histoire, assez inattendue, mais accrocheuse.

Leomacs est un dessinateur extraordinaire qui, comme je l'avais dit le mois dernier, donne une sensibilité européenne à ce comic-book. En effet, son travail témoigne d'une exigence graphique qui dépasse les standards habituels de ce type de production.

Le fait qu'on suive des personnages qui n'évoluent pas à l'image dans des costumes bariolés qu'on leur connaît d'habitude trouble déjà. Qu'ils soient montrés plus âgés joue aussi beaucoup. Mais il n'y a pas que ça. C'est l'ensemble du récit qui baigne dans une ambiance plus expressive et sensible qu'à l'accoutumée et que le dessin souligne en insistant davantage sur les échanges entre les personnages que sur l'action.

Le trait de Leomacs emprunte naturellement à des artistes de notre côté de l'Atlantique : on pense évidemment à Jean "Moebius" Giraud, mais aussi à François Boucq parfois. Le plaisir évident qu'a l'artiste à représenter une jungle bien épaisse, ou la ville dans toute son opulence témoignent d'une volonté de ne pas s'économiser sur des images que les comics mensuels ont tendance à négliger, faute de temps pour le dessinateur.

Ensuite, quand, dans la deuxième partie de l'épisode, nous sommes en compagnie des gorilles intelligents, Leomacs s'échine, brillamment, à les croquer avec une méticulosité incroyable, réussissant à les distinguer sans estomper leur nature animale. Il porte une attention particulière à leurs habits, qui trahissent leur rang dans la cour de Grodd, vêtu lui d'un costume trois-pièces impeccable, tel un caïd dont seule la cicatrice à un oeil trahit le passé criminel.

Rogues #2 s'achève sur un cliffhanger plus percutant que le #1, signifiant qu'on va entrer dans le dur de l'affaire. C'est trés engageant, surtout si cela se poursuit avec le même mélange d'humour et d'intensité.

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